Une étude menée par l'International Crisis Group sur les rapports de force entre groupes jihadistes dans le nord-est du Nigeria révèle que, malgré la mort de son chef Abubakar Shekau en mai 2021, la faction JAS qu'il dirigeait est parvenue à consolider ses positions sur les pourtours du lac Tchad.
Les combattants de Boko Haram continuent de donner du fil à retordre au groupe État islamique en Afrique de l'Ouest (ISWAP) et à menacer les populations civiles, au moment même où le Nigeria tente de fermer les camps de déplacés de l'État de Borno.
Après l'invasion de la forêt de Sambisa et la mort du chef historique de Boko Haram Abubakar Shekau, les combattants du JAS qui lui étaient fidèles se sont repliés sur les îles du lac Tchad et dans les Monts Mandara, à la frontière camerounaise.
Menacé de disparaître, le mouvement s'est au contraire consolidé, explique Vincent Foucher, chercheur au CNRS et auteur de ce récent rapport : « JAS a pris le contrôle de zones importantes, il les tient bien, il est bien implanté. Ce sont des gens qui ont l'habitude de combattre sur le lac, dans ce contexte de marécage lacustre. Ils sont très très forts ailleurs dans l'État du Borno. On voit JAS plus solide et on voit côté Tchad, côté Niger un peu aussi et côté Cameroun, beaucoup d'attaques contre les civils à un niveau très élevé. »
Équilibre des forces incertain
Mis en difficulté, le groupe État islamique en Afrique de l'Ouest est traversé par des tensions : « La défaite suscite des suspicions, des inquiétudes. On se met à chercher des traîtres partout, que ce soit au sein du mouvement ou parmi les civils qui l'entoure. Et puis le mouvement doit reconstituer sa base fiscale. C'est un mouvement qui fonctionne en taxant la production agricole ».
La situation sécuritaire reste très dégradée malgré les efforts des autorités nigérianes pour fermer les camps de déplacés de la région du Borno : « On a eu des redéplacements : des personnes qui avaient été ramenées, réinstallées puis qui ont été contraintes de bouger à nouveau parce qu'elles étaient trop menacées. »
Alors que l'équilibre des forces demeure très incertain, l'ICG recommande de maintenir l'aide humanitaire et de remettre l'accent sur la coopération militaire dans la région.
Libération de plus de 300 prisonniers, blanchies de tout lien avec Boko Haram
Faute de preuves, 313 personnes, en majorité des hommes qui croupissaient dans les geôles de l'armée, ont été remises entre les mains du gouvernement local. Ces hommes et ces femmes étaient soupçonnées d'être des combattants actifs à la solde des insurgés. Mais une cour de justice de l'État de Borno a finalement conclu qu'ils étaient de simples civils.
Ces personnes avaient été capturées par l'armée nigériane lors de raids menés contre les jihadistes de Boko Haram, au pic de l'insurrection jihadiste, entre 2012 et 2015, avant d'être incarcérées au sein de la prison de Giwa Barracks.
Ce centre de détention militaire à la réputation sordide était initialement sensé accueillir les prisonniers de manière provisoire, le temps que ceux-ci soient présentés devant la justice. Mais des dizaines de civils y ont passé des années, sans même connaître le motif de leur arrestation.
Depuis quelques années, l'idée de vider les prisons et d'oeuvrer à la réintégration des anciens combattants de Boko Haram et de leurs otages a fait son chemin au Nigeria.
Selon le chercheur au CNRS Vincent Foucher, il n'est pas impossible que d'anciens combattants soient présents dans le groupe libéré, mais il s'agit d'un développement favorable pour les civils enfermés sans motifs ni preuves.