Ile Maurice: Ces signes qui ne trompent pas

Même dans le camp gouvernemental, certains estiment que les législatives devraient avoir lieu en août ou septembre. Alors que du côté de l'opposition, on pense que les élections générales seront organisées avant.

Autre 'cadeau', qui se profile à l'horizon : le réalignement des salaires, qui sera fort probablement annoncé par Pravind jugnauth lui-même, le vendredi 5 avril.

La marmite politique est en ébullition. Alors que Pravind Jugnauth a, à maintes reprises, soutenu qu'il irait jusqu'à la fin de son mandat, des 'événements' qui se succèdent démontrent une toute autre stratégie du gouvernement. En attendant la dissolution du Parlement et le début *

«officiel»* de la campagne électorale, chacun tente de s'imposer sur le terrain... 2024 sera bel et bien marqué par les législatives, affirment de nombreux observateurs, politiciens et futurs candidats. Même dans le camp gouvernemental, certains estiment que les législatives devraient avoir lieu en août ou septembre. Alors que du côté de l'opposition, on pense que les élections générales seront organisées avant. *«Le plus tôt sera le mieux car le MSM a tendance à accumuler des scandales ! S'il y en a un autre qui éclate, l'effet d'annonce autour de la pension, par exemple, va s'estomper et le clan orange ne peut justement se permettre de faire une nouvelle fois face à la colère des Mauriciens...» *

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Ainsi depuis la semaine dernière, les 'signes' se multiplient et donnent une certaine tendance. Comme la posture et les agissements du speaker, Sooroojdev Phokeer, au sein de l'Hémicycle, mardi lors de la rentrée parlementaire. Ce dernier, d'habitude très «loud», s'acharnant sur les membres de l'opposition en défendant le gouvernement, a baissé le volume d'un cran, faisant preuve presque de zénitude. Il y a aussi sa position lors de la Private Notice Question de Xavier-Luc Duval, destinée à Anwar Husnoo. «En temps normal, le speaker intervient quand un ministre est en mauvaise posture. Là, Phokeer a même demandé à Husnoo de bien écouter la question... À moins que l'on n'ait pas voulu protéger le ministre des Collectivités locales dans ce cas précis...» fait valoir un député.

Avant cela, le 12 mars, lors de son message à l'occasion de l'Indépendance, Pravind Jugnauth a voulu frapper fort avec son annonce attendue mais tout de même fracassante sur l'augmentation des pensions. Il a ainsi profité de l'occasion pour dire que le gouvernement accordait Rs 13 500 aux pensionnés à partir d'avril. Une annonce qui a réjoui les principaux concernés. Ce qui fait dire encore une fois à l'opposition que le MSM affûte ses armes en vue des prochaines élections.

Toutefois, comme l'a souligné Navin Ramgoolam lors d'une conférence de presse de l'alliance de l'opposition il y a deux semaines, cette promesse électorale a été faite depuis... octobre 2019. Et Pravind Jugnauth a berné tout le monde en la sortant cinq ans après, selon lui. Selon plusieurs observateurs politiques, cette mesure «populaire et populiste» pourrait également «perdre de sa valeur» si le Premier ministre tarde à annoncer les prochaines élections. Jean Claude de l'Estrac, dans un entretien accordé à l'express la semaine dernière, y allait de son analyse : «Je ne vois pas l'intérêt du gouvernement d'épuiser ses munitions électorales, notamment l'augmentation de la pension de vieillesse, s'il ne peut pas capitaliser sur ses bonnes retombées dans le court terme. Ce genre de douceur possède une date de péremption très courte. Une tournée au supermarché peut annuler l'essentiel du feel-good factor...»

Autre 'douceur', 'cadeau', qui se profile à l'horizon : le réalignement des salaires, qui sera fort probablement annoncé encore une fois par nul autre que Pravind Jugnauth lui-même, le vendredi 5 avril, sans doute après la réunion du Conseil des ministres. Ainsi, des milliers d'employés des secteurs privé et public sauront si le réajustement des grilles salariales était au menu. Le rapport devrait être déposé par le ministre du Travail et des relations industrielles, Soodesh Callichurn, qui avait affirmé que ledit rapport devait être rendu public au plus tard à la fin du mois de mars.

Qui plus est, le National Wage Consultative Council, dont le président est Beejaye Coomar Appanah, a été sollicité par le ministère du Travail pour l'aider à préparer un rapport sur le réalignement des salaires. Pour rappel, ce réajustement a été rendu nécessaire après que le salaire minimum a été porté à Rs 18 500. Cette révision salariale a provoqué un sentiment d'injustice chez certains employés qui, malgré de longues années d'expérience, se sont retrouvés avec seulement un millier de roupies de plus qu'une nouvelle recrue. Il faut noter qu'au niveau de la fonction publique également, il y a eu une disparité après que le salaire minimum a été révisé. Par ailleurs, il nous revient que des syndicats ont exigé que le prochain rapport du Pay Research Bureau soit rendu public en 2025 et non en 2026.

Autre indication que les élections seraient deryer laport ? Le retard dans la publication du rapport de l'Audit pour l'année 2022-2023 (voir aussi en p. 8). Alors que le rapport est soumis lors de la rentrée parlementaire, la semaine dernière, députés de l'opposition et journalistes sont restés sur leur faim. Aucune raison n'a été donnée officiellement au sujet de ce «retard» mais selon des informations disponibles, il se pourrait qu'il soit déposé à l'Assemblée nationale ce mardi. Car le rapport a déjà été soumis au ministère des Finances, qui devrait l'étudier avant qu'il ne soit rendu public. «Nous avons fait notre travail. Nous avons suivi les procédures, c'est-à-dire que nous avons remis une copie au ministre des Finances et c'est à lui de déposer le rapport au Parlement», confiait un haut cadre du National Audit Office durant la semaine. Le rapport, rappelons-le, pourrait jouer en 'défaveur' du gouvernement s'il vient mettre en exergue les failles de plusieurs ministères surtout à la veille des législatives.

Il est bon de se souvenir qu'en 2014, année électorale, le gouvernement d'alors, dirigé par Navin Ramgoolam, n'avait pas déposé le rapport de l'Audit à la rentrée parlementaire en mars. Après la première séance, le 25 mars, il n'y avait eu que trois autres séances et le Parlement avait été prorogé le lundi 12 mai.

Ensuite, la cinquième séance de l'Assemblée nationale avait repris le 4 juillet, surtout pour élire un Deputy Speaker en la personne de Pradeep Peetumber et Nita Deerpalsing comme Deputy Chairperson of Committees. Après la prorogation, le Budget n'avait pas été présenté. Trois autres séances avaient eu lieu, soit les 7, 11 et 22 juillet et il y avait eu les vacances. Le Parlement avait été dissous le 6 octobre et les élections fixées au 10 décembre. C'est le gouvernement Lepep, victorieux après ces élections, qui avait déposé le rapport de l'Audit le 22 décembre, le jour de la rentrée parlementaire.

Les petits 'présents' faits aux fonctionnaires ne passent également pas inaperçus. Pas plus tard que cette semaine, ceux de foi chrétienne ont bénéficié d'une permission spéciale de deux heures à l'occasion du Vendredi saint. Alors qu'en janvier, ceux de foi hindoue avaient obtenu deux heures de permission pour suivre l'inauguration de l'Ayodhya Ram Mandir en Inde...

De son côté, l'opposition parlementaire PTR-MMM-PMSD s'active en vue de son meeting du 1er-Mai, qui devrait se tenir devant la municipalité de PortLouis, alors que le gouvernement devrait en principe réunir ses partisans à Vacoas. «Il se pourrait en outre que le gouvernement capitalise sur un supposé désaccord entre les trois leaders de l'opposition en ce qui concerne de la répartition des tickets pour enclencher la machinerie et ainsi annoncer lors de son meeting les élections pour fin mai ou début juin...» font remarquer des sources bien renseignées.

D'ailleurs, Pravind Jugnauth aurait déjà commencé à rameuter ses troupes et s'investirait davantage dans sa communication. Selon des sources internes, une équipe «spéciale» devrait bientôt voir le jour au sein même du Bureau du Premier ministre. Cette cellule, dirigée par le directeur très controversé d'un organisme d'État, aura pour mission de retravailler l'image et la comm' de Pravind Jugnauth en marge des législatives. Des 'vidéos' ciblant des adversaires politiques seraient aussi en préparation, apprend-on.

Pour ce qui est du Budget que devrait présenter une dernière fois - pour ce mandat du moins - le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, il se peut qu'il n'ait pas lieu bien que les consultations aient déjà démarré. «C'est probablement un leurre pour duper les adversaires ou pour tâter le pouls des syndicats, par exemple. On voit mal ce que le gouvernement pourrait promettre ou donner de plus après la pension, la CSG, etc. Surtout que les finances sont déjà dans le rouge...» fait remarquer un observateur politique. Qui affirme qu'il n'y a pas de fumée sans feu, dans le sillage des rumeurs selon lesquelles les prix des carburants devraient connaître une baisse. Il y a aussi le réenregistrement des cartes Sim, par ailleurs, qui suscite la polémique, et qui selon des détracteurs, jouerait un «grand rôle» lors des prochaines élections générales. Il y a actuellement deux affaires en cour à ce sujet. Last but not least, le recrutement massif au sein de la force policière, qui devrait avoir lieu d'ici quelques mois. Ce serait là aussi une indication claire et nette du fait que nous nous dirigeons vers des élections prochainement, déclare un autre interlocuteur.

En tout cas, cette année encore, le gouvernement a été secoué par des scandales, notamment la révocation et démission de l'ancien ministre de l'Agro-industrie Vikram Hurdoyal ou encore la contestation de la Financial Crimes Commission (FCC) par nul autre que le Directeur des poursuites publiques, Me Rashid Ahmine, qui a déposé une plainte constitutionnelle en ce sens. Avant cela, rien que pour ce mandat2019-2023, on a vu défiler les controverses, dont deux qui ont tenu le pays en haleine. On retient celle autour de l'ex-agent orange, Soopramanien Kistnen, à laquelle le nom de Yogida Sawmynaden est associé mais aussi l'affaire Stag & Black Label Party «featuring» Maneesh Gobin et Rajanah Dhaliah.

Il y a aussi eu les frasques du député et PPS Kenny Dhunoo ou encore le scandale des emergency procurements sous le Covid-19, notamment l'achat des respirateurs artificiels de Pack & Blister, sans oublier les quincailleries et autres «amis» ayant obtenu des contrats pour des équipements médicaux, la mort de plusieurs patients dialysés, et le rapport du Fact Finding Committee qui n'a toujours pas été rendu public et le Molnupiravir aussi bien que les conditions d'hygiène dans les hôpitaux impliquant le ministre de la Santé... Avec cette liste, le gouvernement attendra-til qu'un autre «pétard» éclate ou ira-t-il vers les élections dans les plus brefs délais ?

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