À Mbacké, l'accès à l'eau potable et douce est devenu une réalité. Après Dakar et Thiès, ce département de la région de Diourbel est la première localité de l'intérieur du pays à bénéficier du plus gros projet en termes d'investissement pour l'eau potable sur financement de l'État du Sénégal. Depuis le 28 janvier, ses habitants vivent le rêve de leur jeunesse et son impact sur le vécu quotidien des populations est fort apprécié.
MBACKÉ - Au bureau de Sen'Eau, sis près de la gare ferroviaire de Mbacké, les populations entrent et sortent pour payer leurs factures. Dans la salle d'attente, beaucoup de femmes détiennent des fiches de demande de branchement. Binta Ndiaye, cheffe de ménage de 35 ans, habitant Mbacké Khewar, a fini d'honorer sa facture. « Pour ce bimestre, ma facture s'élève à 1200 Fcfa. Ce n'est pas beaucoup. J'ai toujours honoré ma facture, je dépensais 100 f Fcfa par jour pour le bidon de 20 litres, soit 3000 Fcfa le mois. J'y gagne comme tout le monde.
L'eau est douce et potable. Je n'achète plus l'eau des bidons. L'eau du robinet est sans égal pour faire le linge, mais aussi pour se baigner et c'est très bon pour la cuisson, mes plats sont devenus plus succulents », confesse-t-elle. Soukeyna Ndour, 25 ans, habite le quartier de Diamaguène. Elle est venue pour avoir un branchement, à l'instar de ses voisins. Chaque jour, elle fait cinq voyages aller et retour pour disposer de l'eau à partir de la borne-fontaine. Cette difficile corvée l'a usée. Aujourd'hui, elle veut un robinet chez elle.
« Je ne ménagerai aucun effort parce que je suis fatiguée », jure la bonne dame. Elle veut désormais faire partie du lot des populations qui ont arrêté de consommer l'eau des puits commercialisée par les charrettes. Et elle invite les populations à venir faire les demandes de branchement pour obtenir l'eau douce qui, dit-elle, « est agréable à boire avec des effets salutaires sur la peau et sur la santé en général ». Pour la majorité des membres du Conseil municipal, cette réalisation illustre bien la politique d'équité sociale de l'État du Sénégal en direction des populations.
Un château d'eau de 2000 m3
Dans ce cadre, la Société nationale des eaux du Sénégal (Sones), maître d'ouvrage, a été instruite par l'État du Sénégal pour travailler avec l'Office des forages ruraux (Ofor) sur un transfert d'eau douce et potable afin de sécuriser la distribution de l'eau d'abord à Mbacké, puis à Diourbel ensuite à Touba. Aujourd'hui, la ville de Mbacké qui n'avait pas un problème d'accès à l'eau, mais plutôt un problème de qualité de l'eau, dispose, grâce à un investissement d'un coût global de 23 milliards de FCfa, d'un château d'eau de 2000 m3, fruit d'un projet avec un système de transfert d'eau douce et potable sur 50 kilomètres de la commune de Sadio vers la commune de Mbacké. Une réalisation qui soulage les populations qui sont désormais alimentées en eau douce de qualité.
Khadim Dieng, 60 ans, dignitaire domicilié au quartier Palène, ne cache pas sa satisfaction. « C'est en faisant mes ablutions que je me suis rendu compte du changement du goût de l'eau. C'est par la suite que mon épouse m'a informé que c'est de l'eau du robinet. Pour m'en convaincre, je me suis servi un verre que j'ai bu à petite gorgée, savourant goulûment cette eau douce qui coulait du robinet », témoigne le sexagénaire. La qualité de l'eau douce est fortement appréciée par les usagers à Mbacké. Ils en consomment à satiété et sans crainte pour leur santé. « Cette eau douce et potable a tout révolutionné à Mbacké. Jamais une réalisation n'a eu autant d'impact sur les populations, mais surtout les plans économique, social et sanitaire », s'est réjoui Cheikh Ndiaye Ba, mécanicien natif de Mbacké.
Impacts économique, sanitaire et social
La réalisation de ce forage n'est pas sans impacts. En plus d'offrir aux populations la possibilité de consommer de l'eau douce potable, elle a réduit considérablement leurs dépenses consacrées à leur alimentation en eau, fait savoir Serigne Mai Seck, l'un des responsables de « And Sopi Ndoxu Mbacke ». Avant, les habitants de Mbacké payaient la facture d'eau pour des usages domestiques avant d'en acheter pour la consommation avec un minimum de 500 Fcfa pour la journée dans une famille moyenne. Pour les grandes familles, le budget était de l'ordre de 1.000 à 1.500 Fcfa par jour. Jadis, il fallait débourser 100 francs Fcfa pour le bidon de 20 litres, sans compter que la potabilité de l'eau était douteuse. Les populations étaient donc obligées de la purifier à l'eau de javel avant de la consommer.
En période de chaleur, poursuit Serigne Mai Seck, les charretiers se déplaçaient vers Touba pour vendre plus cher les bidons à 150 voire 200 Fcfa. « Sur le plan sanitaire, j'ai eu, à plusieurs reprises, entendu l'honorable députée, Fatma Diop, indexer la qualité de l'eau saumâtre disant qu'elle contribue à rendre difficile le traitement des personnes du troisième âge, souffrant de pathologies telles que l'hypertension artérielle ou elle facilitait aussi les fausses couches enregistrées à l'hôpital.
C'est un secret de polichinelle, la première recommandation des gynécologues aux femmes en état de grossesse était d'éviter l'eau du robinet, désormais, ce n'est plus le cas » indique Serigne Mai Seck. D'après lui, si cela est avéré, l'eau douce potable est un bienfait sans précédent chez les femmes et les personnes du troisième âge qui, en majorité, utilisait l'eau saumâtre des robinets, faute de disposer de moyens pour acheter de l'eau douce. « Un bienfait aussi pour une meilleure santé de la population de Mbacké », se réjouit-il.
En face du terrain de la gare, non loin du premier château d'eau, Abdou Aziz Diouf et ses amis, assis sous un arbre, devisent tranquillement de l'actualité. Un peu à l'écart, Omar fait du thé. « Avant l'arrivée de l'eau douce, pour avoir du bon café ou du bon thé, nous faisions un mélange entre l'eau des charretiers et l'eau du robinet à défaut d'avoir de l'eau douce. Cette pratique est, aujourd'hui, révolue puisqu'à Mbacké, l'eau n'est plus saumâtre. C'est désormais une boisson délicieuse que nous consommons avec un grand plaisir », dit-il.
Rencontré au détour du marché de Mbacké des Santhianes de Diamaguene, Mame Samba Seck, charretier vendeur d'eau de 25 ans, est assis sur ses bidons d'eau douce en provenance du village de Sate. Il ne partage pas l'enthousiasme des populations et pour cause : « Cette situation ne nous arrange pas, depuis l'ouverture du château d'eau, mes collègues et moi sommes obligés de faire des kilomètres pour vendre nos bouteilles. Notre principale destination est maintenant Touba, à 7 kilomètres, et la vente n'est plus fructueuse ».
Une vieille doléance satisfaite
À Mbacké, les populations, dont Assane Ndiaye, professeur de Lettres modernes au Lycée Mbacké II, premier lauréat du Grand Prix du Chef de l'État pour l'enseignant, s'étaient mobilisées autour d'une association « And Sopi Ndoxum Mbacké » pour plaider le changement de l'eau saumâtre qu'elles consommaient pendant plus de trois décennies. L'État du Sénégal a répondu favorablement à leur doléance. L'investissement colossal de 23 milliards de FCfa pour apporter une solution définitive vient à son heure et a considérablement réduit les difficultés des populations de Mbacké face à ce calvaire qu'elles vivaient depuis leur naissance.
« Mbacké est une ville importante, avec la plus grande démographie départementale. Nous sommes privilégiés et saluons cette réalisation de l'État du Sénégal. Nous ne pouvons pas aussi taire l'engagement citoyen de l'association « And Sopi Ndoxum Mbacké » qui a porté le combat sans violence et avec l'appui des autorités municipales qui ont toujours accompagné les populations dans cette initiative. Nous devons veiller à maintenir cet investissement et nous acquitter de nos factures avec beaucoup de fierté », soutient Assane Ndiaye. Dans tous les cas, les Mbackois retiendront, l'aveu de taille du maire Gallo Ba qui disait avoir pris ce jour-là, « une douche merveilleuse » . M. DIEYE