Ile Maurice: Anjalay Coopen - Des faits historiques dramatiques à travers les yeux d'une enfant

L'enseignement de l'histoire moderne aux enfants. Comment leur transmettre l'intérêt pour ces personnages qui ont laissé une trace ? Question de fond qui traverse «Through the eyes of Anjalay», film de Rasesh Ramprosand et Vicky Ramdhun. Le film a été lancé le vendredi 29 mars par la Mauritius Film Development Corporation à MCiné Trianon.

Un devoir d'écolière sur la Fête du Travail. Voilà un sujet qui semble bien rébarbatif pour une élève en primaire. Après avoir beaucoup râlé en son for intérieur, la petite fille finit par prendre ce devoir au sérieux. Sa curiosité ayant été éveillée par son gentil grand-père. Il prend le temps de lui raconter l'Histoire au détour de ses histoires. En évoquant le triste sort d'Anjalay Coopen. Alors que la maman de la fillette est toujours occupée. On ne la voit d'ailleurs jamais à l'écran.

Tel est le préambule de Though the eyes of Anjalay. La première de ce film coréalisé par Rasesh Ramprosand et Vicky Ramdhun a été organisée par la Mauritius Film Development Corporation (MFDC) dans l'une des nouvelles salles de MCiné Trianon, le vendredi 29 mars. «Ce n'est pas l'histoire d'Anjalay Coopen, mais comment une enfant imagine son histoire», précise Vicky Ramdhun.

Après cette première, ce film sera-t-il diffusé en salles ? Ce n'est pas prévu pour l'instant. Vicky Ramdhun, coréalisateur, confie en toute humilité qu'après les critiques «sévères» d'autres réalisateurs qui ont assisté à la projection de vendredi dernier, l'équipe de Lume Productions va «corriger des erreurs, des aspects techniques qui ont parfois été hors de notre contrôle». Des choses que l'on ne voit pas sur un écran d'ordinateur mais qui sautent aux yeux sur grand écran. Le format de Through the eyes of Anjalay sera adapté aux spécifications des festivals de films internationaux, car c'est dans ce circuit que les réalisateurs souhaitent diffuser le film. Rasesh Ramprosand, coréalisateur parle de présentation dans des festivals, «peut-être en Inde, en Afrique du Sud, au Nigeria, où Nollywood attire beaucoup d'intérêt».

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Ce choix est basé sur l'expérience vécue avec le précédent film de l'équipe. Bellaca, qui aborde le sujet de l'esclavage, a obtenu une série de récompenses : Best Feature Film aux Art Film Awards en Macédoine, Best Historical Film en janvier à l'Oniros Film Festival à New York et Best Ensemble Film au 1st Monthly Festival en Serbie. Bellaca a aussi été présenté au 10e Festival International du Cinéma de Kinshasa au Congo. Vicky Ramdhun précise : «Nous participons à ces festivals à nos frais.»Les deux actrices principales : Neelam Jankee joue le rôle d'Anjalay Coopen. Vritika Maduray, 8 ans, crève l'écran en écolière qui découvre l'histoire de la travailleuse martyre.

Pour financer Through the eyes of Anjalay, Lume Productions a obtenu une production grant du National Arts Fund de Rs 800 000. C'était avant le rehaussement du plafond de 15 % annoncé dans le Budget l'an dernier. Le reste est basé sur des négociations, des placements de produits, comme dans le cas de la Vallée des Couleurs qui apparaît dans le film. «Tout le monde sera payé», a rassuré Vicky Ramdhun. Lors de la première, il a publiquement expliqué à l'équipe que suivant le paiement des diverses tranches de la subvention du NAF, elle recevra son dû.

Le tournage a eu lieu non seulement à la Vallée des Couleurs, mais aussi à l'ashram du Human Service Trust à Calebasses, à Pont Bondieu et BriséeVerdière, le village de Rasesh Ramprosand. Through the eyes of Anjalay est en anglais, que ce soit dans la salle de classe, dans l'intimité familiale de la petite fille avec son grand-père ou lors des négociations syndicales auxquelles participent les personnages de Hurryparsad Ramnarain et Sharma Jugdambi.

La transition au kreol morisien s'effectue quand les laboureurs se parlent, quand Anjalay Coopen galvanise d'autres femmes laboureurs qui ont peur de s'engager. «Le film ne vise pas que le public local», explique Rasesh Ramprosand. «J'entends beaucoup de jeunes, des enfants aussi qui, au quotidien, parlent en anglais», ajoute-t-il. «Nous avons gardé l'anglais parce que c'est la langue utilisée par les protagonistes à l'époque», explique pour sa part Vicky Ramdhun. Le film revient sur la grève des travailleurs de Belle-Vue Harel dans la colonie britannique.

Le 27 septembre 1943, la police tire sur les grévistes. Trois d'entre eux tombent sous les balles. Parmi eux : Anjalay Coopen, 32 ans et enceinte. La bande-son reprend une version instrumentale de Lane 43, chanson hommage à la fusillade de Belle-Vue Harel, de Siven Chinien. En trois films : Chagos nou leritaz, Bellaca et Through the eyes of Anjalay, l'équipe de Lune Productions marque une préférence pour les sujets historiques.

Vicky Ramdhun, qui est enseignant au Keats College, dit faire des films qui ont une portée pédagogique. «Beaucoup de gens ne sont pas intéressés par les films mauriciens», admet Rasesh Ramprosand. «Nous voulons savoir ce qu'ils voudraient voir dans les films locaux. Si nous ne racontons pas notre histoire, qui va le faire ?» Il précise que ces sujets historiques sont traités en y ajoutant une touche «d'entertainment. Si on reproduit les choses exactement comme elles se sont déroulées, cela deviendra mari boring».

Le casting. Vritika Maduray, 8 ans et de la prestance

Le rôle d'Anjalay Coopen est joué par Neelam Jankee. «Nous avons cherché une actrice qui ressemble physiquement à Anjalay Coopen. Nous n'en avons pas trouvé par casting. Par coïncidence, alors que j'étais sur un tout autre travail on m'a parlé de Neelam Jankee. On l'a auditionnée et ça a marché», explique Rasesh Ramprosand. Au-delà des critères physiques, il fallait aussi une actrice qui porte les convictions d'Anjalay Coopen. «Seki nou finn tande, Anjalay Coopen pa ti res trankil, li ti touzour an avan», ajoute le coréalisateur. Pour les besoins du film, la production a fait appel à Satyendra Peerthum, historien et chercheur de l'Aapravasi Ghat Trust Fund. Elle a également interviewé Vishnu Sawmy, neveu d'Anjalay Coopen.

La jeune Vritika Maduray, 8 ans, a elle été repérée lors d'un casting organisé par la MFDC. Ses moues expressives crèvent littéralement l'écran suscitant de l'empathie chez le spectateur. «Au moment du casting, elle n'avait aucune expérience du jeu. Mais aujourd'hui, elle tourne aussi dans des pubs», affirme Rasesh Ramprosand.

Guest appearance. Kalpana Koonjoo-Shah joue son propre rôle

Sur TikTok, une petite fille de 7 ans demande de l'aide pour faire un devoir sur la Fête du Travail, Comme c'est une fiction, la production ne s'attarde pas sur le fait que cette utilisatrice des réseaux sociaux est en dessous de l'âge autorisé. Qui répond à son SOS ? Dans une vidéo TikTok (dans le film), nulle autre que Kalpana Koonjoo-Shah, qui raconte en anglais l'histoire d'Anjalay Coopen.

Pourquoi avoir choisi la ministre de l'Egalité des genres et du bien-être de la famillepour une guest appearance ? Avec l'inévitable coloration politique que donne l'apparition d'une ministre en fonction dans un film. «Anjalay Coopen s'est battue pour les droits de la femme travailleur. Si c'est un autre parti qui avait été au pouvoir, nous aurions approché la ministre qui s'occupe des Droits de la femme de la même manière», affirme Rasesh Ramprosand.

Si c'est un personnage fictif qui avait expliqué qui était Anjalay Coopen, cela n'aurait pas eu le même impact, justifie pour sa part le coréalisateur Vicky Ramdhun. Il souligne que durant l'intervention de Kalpana Koonjoo-Shah dans le film, «on ne voit ni son nom, ni qu'elle est ministre de l'Égalité des genres à l'écran». Vicky Ramdhun indique que Kalpana Koonjoo-Shah devait être l'invitée d'honneur de la première. Mais elle n'était pas présente à MCiné Trianon, vendredi soir. Ni son collègue le ministre des Arts et du patrimoine culturel, qui avait été annoncé sur le carton d'invitation de la MFDC.

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