Depuis 2021, le Sénégal a connu des périodes sombres de son histoire politique avec la «série Ousmane Sonko». En effet, devant la montée en puissance du leader incontesté de l'opposition sénégalaise, le régime de Macky Sall a tout
fait pour barrer la route à son ascension politique et sociale - ce dernier étant considéré comme un messie par la jeunesse. Le «feuilleton Adji Sarr» avait fini de convaincre le peuple sénégalais que c'était une machination orchestrée et entretenue par le régime en place. S'en est suivi le «feuilleton Mame Mbaye Niang» qui devait ferrer plus facilement le leader de l'opposition, pour in fine, l'empêcher d'être candidat à l'élection présidentielle de 2024. C'était sans compter avec le génie politique de Sonko et de ses camarades qui ont, malgré l'emprisonnement de ce dernier, réussi à dribbler le pouvoir en proposant une multitude de candidatures dont celle de Bassirou Diomaye Faye, lui-même incarcéré.
Les manifestations politiques de 2021 à 2024 ont occasionné des dizaines de morts. Le climat politique devenait de plus en plus délétère, surtout après le coup fourré des parlementaires de la coalition Wallu Sénégal encouragés par
certains de leurs collègues de la majorité présidentielle. Ces derniers souhaitaient mettre sur pied une commission parlementaire pour enquêter sur un soi-disant soupçon de corruption de membres du Conseil constitutionnel. Le
but visé était de retarder, voire reporter l'élection présidentielle fixée au 25 février dernier et l'inscrire aux calendes grecques. Le président Sall a ensuite initié un dialogue largement boycotté par l'opposition significative.
Le refus des Institutions de la République d'être manipulées.
Cependant, les conclusions du dialogue ont permis d'élargir de prison bon nombre de militants de Pastef, parmi lesquels le leader Ousmane Sonko et son adjoint Bassirou Diomaye Faye, candidat de Sonko inéligible, un tandem
« Diomaye Mooy Sonko ». Entre-temps, le Conseil constitutionnel avait fermement demandé au chef de l'Etat d'organiser l'élection présidentielle non pas en juin 2024, mais dans les meilleurs délais, finalement le 24 mars 2024.
De son côté, la Cour suprême a conforté les décisions du Conseil constitutionnel, rejetant ainsi la requête de la coalition Wallu Sénégal demandant l'annulation du décret fixant la date du scrutin au 24 mars 2024.
Nous profitons de l'occasion pour féliciter les membres du Conseil constitutionnel, ainsi que ceux de la Cour suprême, d'avoir permis au Sénégal d'être un Etat debout. Ces juges ne pouvaient pas faire moins que leurs prédécesseurs, à l'image du Président Kéba Mbaye - paix à son âme.
La mobilisation du peuple sénégalais pour imposer son désir de changement
Tout le monde est témoin du climat apaisé qui a entouré le scrutin du 24 mars dernier. Les sénégalais, debout comme un seul homme, sont allés voter, sans bruit, mais déterminés à bouter dehors ce régime qui avait fini de piétiner les libertés les plus élémentaires d'une démocratie.
Au soir du 24 mars 2024, après le décompte des voix au niveau des premières localités, une tendance lourde se dessinait en faveur du poulain d'Ousmane Sonko. À 23 heures, la messe était dite malgré le scepticisme de certains leaders du parti présidentiel. Même Amadou Ba, le protagoniste de Bassirou Diomaye Faye, pensait certainement aller au 2nd tour. C'est le lundi 25 février vers 16h00 qu'il s'est décidé à féliciter son adversaire. Geste éloquent !
En votant pour le changement, le peuple sénégalais a souhaité un nouvel ordre de gouvernance et un nouvel ordre moral. Cela m'a rappelé les paroles fortes du Président Mamadou Dia qui, après son élargissement de prison, a sillonné le pays pour sensibiliser les populations sur cette nécessité de changement et surtout sur l'impérieuse nécessité de remodeler l'Homo Senegalensis pour pouvoir aller résolument vers le développement. En effet, ce qui nous empêche d'emprunter la route de l'émergence, c'est que la plupart de nos politiques ne gèrent que leurs intérêts personnels et ceux de leurs clans.
Cette élection présidentielle va permettre d'envoyer à la retraite bon nombre de politiciens déjà très âgés, mais en majorité peu soucieux du bien-être des populations. Le peuple sénégalais a fait montre d'une maturité politique sans
égal afin de prendre son destin en main. Il a compris qu'il n'y a pas d'hommes providentiels.
Les chantiers du nouveau régime
L'élection présidentielle est maintenant derrière nous. Le peuple met Pastef devant ses responsabilités et est prêt à sévir dès la prochaine élection, en cas de manquements. En effet, le peuple souhaite que Pastef gouverne seul avec sa coalition. En aucun cas il n'acceptera l'idée d'un gouvernement d'union nationale qui n'est nullement justifié, car les résultats du scrutin sont éloquents. Aussi, ne va-t-on pas repêcher des malfrats de l'ancien régime pour les caser dans le prochain gouvernement ou à des postes stratégiques. Les membres du prochain gouvernement devront être irréprochables. Pas une minute de répit. Donc, il faudra faire focus sur les urgences. Il s'agira dans un
premier temps d'opérer des économies sur certaines lignes pour en subventionner d'autres. Sans être exhaustif, on peut rappeler la nécessité de :
1. Réduire la taille du gouvernement et le train de vie dispendieux de l'Etat.
2. Veiller à une bonne lisibilité du budget de l'Etat (toutes les dépenses doivent être clairement affichées).
3. Réduire le prix des denrées de première nécessité en vue de soulager les populations.
4. Engager une large campagne de sensibilisation et d'écoute pour une meilleure lisibilité et une appropriation du Programme Pastef par les populations.
5. Vu toutes les récriminations soulevées lors du déroulement du processus électoral, le Chef de l'Etat élu pourrait initier un vrai dialogue national après son installation afin d'arriver à une réconciliation véritable. Ce dernier pourrait parfaire la constitution pour régler entres autres, les questions liées à l'indépendance de la justice et l'hyper-présidentialisme qui risque de faire éclater un jour la cohésion nationale et le bon vivre ensemble. Il faudra également engager une réflexion sur la nécessité de réformer certaines institutions comme le Haut Conseil du dialogue social, le Conseil économique social et environnemental, le Haut conseil des collectivités territoriales, entres autres.
6. Prévoir dans les meilleurs délais d'organiser des élections législatives en vue d'asseoir une majorité permettant de dérouler le programme Pastef.
7. Bannir définitivement le phénomène de transhumance de nos pratiques politiques et refuser les passe-droits et autres trafics d'influence, car tous les citoyens sont égaux devant la Loi.
8. Poser sans précipitation et sans a priori un regard particulier sur les derniers actes (nominations et autres) posés par le président sortant qui défient toute logique, ainsi que sur les contrats de concession sur les ressources naturelles.
Vive le Sénégal ! Vive la République !
Directeur de recherche
Chevalier de l'Ordre National du Lion