L'infatigable et inoxydable Pasu Lundula met encore une fois à la disposition de ses nombreux et fidèles lecteurs un chef-d'oeuvre littéraire. Comme de coutume, une série d'interrogations est coulée sur la quatrième de couverture de «La Nouvelle pensée nègre ». En voici quelques-unes : «Comment se porte la pensée nègre ? Pourquoi ce livre s'intitule-t-il La Nouvelle pensée nègre au lieu de la nouvelle pensée africaine ? Qui sont les novateurs de la pensée nègre ? Quid des fossoyeurs de la pensée nègre ? A qui doit-on le sang neuf qui a révolutionné la pensée nègre ? Les écrivains noirs auréolés par l'Occident sont-ils dignes d'éloges ? Quelle est la grande faiblesse de l'homme noir ? ...».
Ce «géant de la pensée universelle» répond clairement à ces différentes préoccupations dans cet ouvrage de plus de 400 pages. Dans la préface écrite par lui-même, Pasu Lundula déclare, en liminaire, que le monde noir a produit des grands penseurs bien qu'ils ne soient pas en grand nombre et la pensée nègre fait preuve d'une incontestable vitalité. Et il affirme avoir préféré «nègre» à «africain» pour titrer ce bouquin car l'intituler «La Nouvelle pensée africaine» reviendrait à embrasser l'Afrique dans sa globalité incluant ainsi le Maghreb. Et, dit-il, pensée noire aurait une connotation péjorative.
Toujours dans la préface, il répond un peu plus loin à l'interrogation : «Quelle est la grande faiblesse de l'homme noire ?» Voici la réponse de l'auteur : « Un des points faibles de l'homme noir, c'est de ne fournir aucun effort, par complexe, pour maitriser la psychologie de l'homme blanc ; c'est précisément pourquoi il est toujours victime de sa duplicité, de ses lubies, de ses roueries et de sa méchanceté : Youlou, Kasa-Vubu, Tshombe, Diori, Bokassa, Abdallah, Mobutu, Savimbi, en ont fait cruellement les frais quand ils se sont vus lâchés après avoir trahi leurs peuples : c'est ce jour-là qu'ils ont découvert, bourrelés d'amertume, le vrai visage de leurs « amis » blancs. » C'est à lire à la page 15.
Pasu Lundula conclut sa préface par cette autosatisfaction et autoglorification : « Ce livre est un joyau. En pondant ce précieux bouquin, je signe l'acte fondateur de « la nouvelle pensée nègre ». En enfantant la nouvelle pensée nègre dont ce volume en est l'étendard : j'ai révolutionné la pensée nègre. Une école est née. Je souffle de ravissement d'avoir écrit les grands livres, dont La Nouvelle pensée nègre qui clôt la série, que je m'étais promis d'écrire avant de disparaitre. Je suis un mastodonte. Je me décerne la médaille du mérite intellectuel en frappant la poitrine : je suis l'emblème de la nouvelle pensée nègre. J'ai sélectionné seize portraits, quatorze hommes et deux femmes, qui sont répartis en deux chapitres, les novateurs et les fossoyeurs pour pondre ce tsunami, « La Nouvelle pensée nègre » qui dévaste tout sur son passage. Du jamais-lu. » Pathétique !
L'auteur vient donc, à la fin de sa préface, de donner la charpente de cette « oeuvre ultime » de sa passion d'écrire. Les lecteurs brûlent d'impatience pour savoir : Qui sont les novateurs ? Et qui sont les fossoyeurs ? Il donne la réponse dès la page 108. Parmi les novateurs figurent Aminata, Anta Diop, Biko, Césaire, Fanon, Garvey, Lumumba, Mbog, Ngugi, Nkruma, et bien évidemment Pasu lui-même. A la page 331, il parle des fossoyeurs : Depestre, Kabou, Mabanckou, Senghor. Le nom de ce dernier illustre personnage cité ne va-t-il pas susciter une levée de boucliers ? Et le livre est fini. C'est des témoignages qui viennent clore le tout.
Comment cet écrivain décrit-il chacun des novateurs et fossoyeurs ? Juste un survol d'un petit nombre.
« Aminata est compatriote de Modibo Keita. Une tête hirsute. Sa sagacité est frappante. Elle a quatre idoles : Lumumba, Mandela, Nyerere et Sankara. Ce choix lucide la portraiture : elle est solide dans sa tête. Bien qu'elle soit Africaine du Mali, elle participe à vingt et un ans, par une réflexion panafricaniste, à la manifestation estudiantine de mai 1968, à Dakar, contre le régime néocolonial de Senghor. Son combat pour une autre Afrique, celle voulue par les Lumumba et les Nkrumah, c'est-à-dire une Afrique souveraine et digne de la bonifie. D'où son hostilité au NEPAD qu'elle juge inutile et même nocif pour sa soumission à l'occident. Son indépendance d'esprit en fait la bête noire des grands... »
« Savant pluridisciplinaire de renommée mondiale, il a bouleversé l'égyptologie moderne par un travail d'Hercule qui lui a valu l'admiration et le respect de tout homme doué de raison. C'est en 1948, alors qu'il a vingt-cinq ans, qu'Anta Diop s'est révélé au public en publiant un texte au titre significatif pour le monde noir : « Quand pourra-t-on parler d'une Renaissance Africaine ? » Les préoccupations qu'on y lit témoignent de son culte passionné du monde noir auquel il allait consacrer toute sa vie. »
« Une âme bien née. Une tête forte. Un Noir bien dans sa peau. A la fois homme d'action et penseur ; sa deuxième casquette explique sa présence dans cet opus. Biko a vu le jour en 1946 sur la terre qui a vu naître Chaka, Luthuli, Mandela, Sisulu, Sobukwe, Makeba. Il y a avait de la rage en lui, et du génie. Forgé par une enfance marquée par des épreuves, Biko sera resté jusqu'au bout rebelle. Le destin nègre était déjà l'épicentre de ses préoccupations quand il a entamé les études de médecine au Natal et s'intéressa aussi à la poésie. Il n'a que vingt-deux ans, en 1968, quand il crée le premier syndicat étudiant exclusivement noir de l'histoire de l'Azanie (nom bantou de l'Afrique du Sud)... ».
Les novateurs Patrice Lumumba et Pasu Lundula ne sont plus à présenter. Passage en revue de quelques fossoyeurs selon l'auteur.
« De nationalité haïtienne, il est poète romancier et essayiste ; seule sa casquette d'essayiste, nous intéresse. Pendant qu'Haïti faisait face au énième complot néonégrier fomenté par la coalition franco-yankee, Depestre publie, en 2004, un livre médiocre au titre curieux : « Encore une mer à traverser ». Il l'a écrit dans un esprit opportuniste ; son exaltation des prétendues valeurs militaristes de la Francophonie est désopilante parce que grotesque. Le livre susmentionné est l'expression de son appui, sans réserve, à l'offensive généralisée de la France contre Haïti...
« Alain Mabanckou est l'écrivain Africain le plus médiatisé en France. En 2013, une année après la sortie de son torchon, la France lui fit honneur de présider la 32ème édition de la Foire du livre de Brive-la-Gaillarde qui est le premier événement littéraire en France après le Salon du livre de Paris [...] A quel bord idéologique appartient-il ? Mabanckou tombe les masques dans sa réponse à cette interrogation pertinente. « J'étais sympathisant du RPR. C'est rare pour une minorité africaine. Mes amis et moi avons soutenu Edouard Balladur aux côtés de Nicolas Sarkozy que je considérais comme l'emblème de l'intelligence. » Ahurissant».
Enfin, le fossoyeur Léopold Sédar Senghor ? Il suffit de se procurer et de bien lire et relire « La Nouvelle pensée nègre pour découvrir comment Pasu Lundula décrit ce père de la Francophonie à travers sa plume à poigne. Très intéressant.