Sénégal: Alternance démocratique - Macky Sall et l'après-pouvoir

Après douze ans de pouvoir, le désormais ex-président du Sénégal, Macky Sall, a passé le témoin, le 2 avril 2024, à son successeur, Bassirou Diomaye Faye.

Et ce, à l'issue d'une cérémonie solennelle de prestation de serment du nouveau président, aussi grandiose que riche en couleurs, en présence de nombreux invités de marque dont une demi-douzaine de chefs d'Etat africains. Une transmission pacifique du pouvoir qui s'est déroulée dans les règles constitutionnelles de l'art, et qui reste aujourd'hui encore un exemple d'alternance démocratique sur le continent noir.

En rappel, le quadragénaire nouveau chef de l'Etat sénégalais a plié la présidentielle du 24 mars dernier dès le premier tour, avec 54,28% des suffrages, devançant largement le candidat du pouvoir, l'ex-Premier ministre Amadou Ba, qui a réuni un peu plus de 36% des voix. Toujours est-il qu'avec ce changement de personnel politique à la tête du Sénégal, c'est la fin d'une époque et le début d'une nouvelle ère que les Sénégalais espèrent plus prospère, en termes de réponses à leurs aspirations les plus profondes. Et au moment où le président Bassirou Diomaye Faye installe ses pénates au palais de la République, se pose la question de l'avenir de son prédécesseur.

Le successeur d'Abdoulaye Wade s'en tire plutôt à bons comptes

Ce dernier va-t-il continuer à faire la politique ? Et de quelle façon ? Ou bien va-t-il se retirer de la scène pour aller cultiver tranquillement son jardin ? En attendant d'avoir des réponses à ces questions, entre son intention manifestée de se consacrer à sa Fondation pour la paix, et des sollicitations venues de l'étranger, les points de chute ne manquent pas pour le successeur d'Abdoulaye Wade.

Et rien ne dit que le nouveau retraité du palais présidentiel de Dakar, n'a pas déjà fait ses valises pour porter les habits de ses nouvelles fonctions qui l'envoient au Pacte de Paris pour les peuples et la planète (4P) où il a été nommé Envoyé spécial, en novembre 2023, par le président français, Emmanuel Macron. Une nomination bien accueillie à l'époque par le natif de Fatick qui avait, du reste, traduit sa gratitude au chef de l'Etat français, en ces termes : « Devant les pays et institutions partenaires, j'ai accepté avec plaisir sa proposition d'être l'Envoyé spécial du Pacte de Paris pour la planète et les peuples, afin d'aider à la mise en oeuvre, avec l'assistance du Secrétariat général de l'OCDE, des conclusions du sommet de Paris de juin 2023 pour un nouveau pacte financier mondial ».

Une prédisposition d'esprit à la reconversion qui tranche avec la boulimie du pouvoir qui reste la caractéristique principale de bien des dirigeants africains. Le seul bémol est que, par ces temps qui courent, où l'ex-puissance coloniale est prise en grippe par endroits sur le continent noir, on ne pourra pas empêcher les panafricanistes ou prétendus tels de voir dans la proposition du patron de l'Elysée, un geste de reconnaissance envers un fidèle allié. Quoi qu'il en soit, en acceptant cette reconversion pour un combat tout aussi noble, Macky Sall fait la preuve, comme certains de ses pairs avant lui et dont on ne cessera jamais de chanter les louanges, qu'il y a bel et bien une vie après le pouvoir.

Maintenant que Bassirou Diomaye Faye a la réalité du pouvoir entre les mains, il lui appartient de faire ses preuves

Et dans l'ensemble, le successeur d'Abdoulaye Wade s'en tire plutôt à bons comptes au regard des dérives dont il a fait montre dans la prise de certaines décisions qui faisaient constamment planer des menaces sur la paix sociale, et qui auraient pu plonger, à tout moment, son pays dans le chaos. Et cela a contribué à ternir son image, en même temps qu'il courait le risque de sortir de l'histoire de son pays par une porte dérobée.

Mais fort heureusement, en faisant la preuve de la force de ses institutions et de la maturité politique de son peuple, le Sénégal a su éviter le pire. En tout état de cause, dans une Afrique où la tendance est plutôt aux règnes à vie, voir un chef d'Etat aller au bout de ses mandats constitutionnels et accepter de faire valoir ses droits à la retraite, a d'autant plus cela de réconfortant que c'est un acte qui participe du renforcement de la démocratie et du respect des règles de l'alternance.

Et en acceptant de jouer le jeu, même si ce n'est pas forcément de gaieté de coeur, Macky Sall montre la voie à suivre à tous ces satrapes du continent qui, de Yaoundé à Brazzaville en passant, entre autres, par Kigali et Malabo, refusent de s'imaginer une autre vie en dehors du pouvoir. Et c'est en cela aussi que le Sénégal reste un exemple en Afrique. Pour en revenir à Bassirou Diomaye Faye, maintenant qu'il a la réalité du pouvoir entre les mains, il lui appartient de faire ses preuves. Et c'est peu dire que ses premières décisions sont fortement attendues pour donner le ton de sa gouvernance, à commencer par la nomination d'un Premier ministre.

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