Burkina Faso: Vente de terres à Pô - Plusieurs médiations au milieu des incompréhensions et des accusations

A Pô, chef-lieu de la province du Nahouri, la famille Gomgnimbou qui comprend trois composantes (les « Kolo », les « Kanzono » et les « Mora »), est propriétaire terrien. Le patriarche de la composante « Kanzono » et ses deux neveux, Marc Salazar et Claude, sont à couteaux tirés, sur fond d'accusations de vente illégale de terre. Malgré les médiations de l'ancien Président de la délégation spéciale (PDS), du chef coutumier et du responsable de la radio communautaire Goulou de Pô, les incompréhensions demeurent, les accusations aussi.

Plus rien ne va entre le patriarche de la composante « Kanzono », Michel Adoubé Gomgnimbou de la grande famille Gomgnimbou de Pô et ses deux neveux, Marc Salazar et Claude Gomgnimbou. Et pour cause, le patriarche et ses deux neveux s'accusent mutuellement de la vente illégale des terres familiales. Pour Marc Salazar Gomgnimbou, le problème avec son oncle (frère cadet de son père) remonte à cinq ou six ans avec le bornage des terrains sur leurs terres aux secteurs 6 et 7 de la ville, ainsi que dans le village de Katchéli. Il a indiqué que celui-ci fait de la vente de terre son fonds de commerce. « Nous lui avons dit d'arrêter la vente des terres, en vain. Dès qu'il a une opportunité, il n'hésite pas à le faire. Etant l'aîné de la famille, nous avons cru qu'il mettra fin aux ventes, jusqu'à ce que l'affaire de lotissement soit la goutte d'eau qui fasse déborder le vase », a souligné Marc Salazar Gomgnimbou. Pour sa part, l'oncle Michel Adoubé Gomgnimbou, a signifié que l'objectif des opérations de lotissement est d'empêcher ses deux neveux de mettre en oeuvre leur stratégie de conservation et de vente des terres à des particuliers.

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« Nous avons compris que si nous les laissons faire, à la longue, nous n'aurons plus de terre », a insisté Michel Gomgnimbou. A ce sujet, Marc Salazar Gomgnimbou a déclaré que chez eux, on ne vend pas la terre, mais on peut la prêter pour une exploitation agricole ou pour y bâtir un logement en respectant la tradition qui consiste à prendre avec l'intéressé 4 poulets, du tabac et une daba. Partant de ce principe, il dit avoir cédé des terres en sa qualité de chef de terre à plusieurs personnes. Quant à son frère Claude Gomgnimbou, il a également admis avoir cédé la terre à plusieurs personnes en tenant compte de la tradition. « J'ai donné 4 hectares au secteur 7 à quelqu'un pour la réalisation d'un projet agro-sylvo-pastoral. Ce dernier a borné la superficie et a fait établir tous les documents. J'ai pris soin d'informer la famille. Je précise que je n'ai pas pris de l'argent avec la personne », a-t-il renseigné. De son côté, leur oncle a avoué avoir « installé » une vingtaine de personnes en respectant la tradition. « En retour, quand la personne installée est satisfaite, elle me donne juste du carburant à hauteur de 10 000 F CFA pour couvrir mes frais de déplacement », a justifié Michel Adoubé Gomgnimbou.

Faire preuve de maturité

C'est dans ce branlebas de mécontentements et d'accusations réciproques, que les neveux ont adressé une correspondance à l'ancien Président de la délégation spéciale (PDS) de Pô, avec ampliation au haut-commissaire du Nahouri, au directeur régional en charge de l'urbanisme du Centre-Sud et aux agences immobilières concernées, pour demander l'arrêt des opérations de lotissement sur ces terres. Le préfet et PDS de Pô de l'époque, Valérie Bama, a affirmé que lorsqu'il a été sollicité, il a tenté de mener une médiation. Il a indiqué que sa mission a consisté à inviter les protagonistes à faire preuve de maturité et à éviter d'autres conflits au pays qui pourraient mettre à mal la paix et la cohésion sociale à Pô et particulière-ment au sein de la famille Gomgnimbou.

« Chaque partie doit faire preuve de maturité et accepter de dialoguer pour trouver une solution au problème. Avec les discussions, ils pourront s'entendre sur le minimum. Nous sommes convaincus de cette démarche et nous les encourageons à aller dans ce sens », a souhaité l'ancien PDS de Pô. Durant tout le long de sa médiation, M. Bama dit avoir rendu compte à sa hiérarchie. Il dit avoir aussi décidé de la suspension de toutes les activités d'aménagement sur le terrain par les promoteurs immobiliers, le temps de résoudre le problème afin de pouvoir poursuivre dans la sérénité.

« Pas de coup d'Etat dans nos coutumes »

Marc Salazar et Claude Gomgnimbou ont aussi sollicité le chef coutumier de Pô, le Pôpê pour interpeller leur oncle. Selon eux, leurs démarches ont été infructueuses. De son côté, le chef coutumier de Pô, le Pôpê dit avoir invité les deux neveux à respecter la tradition en mettant fin à leur différend avec le patriarche qui, selon lui, est la personne habilitée en tant que le plus ancien de la famille, à avoir le dernier mot sur les décisions concernant les terres familiales. Il dit avoir aussi invité tous les membres de la famille Gomgnimbou résidant à Pô et ailleurs, à se respecter et à respecter la famille en restant disciplinés et en respectant la hiérarchie. « Qu'ils se contentent de se respecter parce que chez nous, il n'y pas de coup d'Etat. Chez nous, on ne remplace pas un notable de son vivant. C'est après sa mort qu'on le remplace.

Tant qu'il est vivant, il est à son poste. Que les membres de la famille Gomgnimbou le sache. Il n'y a pas de coup d'Etat dans nos familles coutumières », a averti le chef coutumier de Pô. Le Pôpê a également relevé que le chef de terre n'est pas « n'importe qui », parce qu'il s'occupe d'un bien commun. « La terre est un bien commun à tout le village. La terre n'appartient pas à une famille encore moins à un individu », a-t-il renchéri. Le chef coutumier dit être intervenu dans le différend, non pas dans le cadre de la contestation de Marc Salazar et Claude Gomgnimbou, mais plutôt dans la dynamique de faire respecter la hiérarchie traditionnelle et coutumière. « Je suis intervenu pour leur faire comprendre que même dans la coutume, on a besoin de discipline et de respect. Michel Gomgnimbou est chef de terre aujourd'hui parce que son père est décédé et il lui a succédé. (...). Quand il vient me consulter pour avoir mon avis sur des sujets, s'il n'y a rien à redire, je dis ok », a décrit le Pôpê.

L'homme de média, neveu et cousin médiateur

Outre le PDS et le Popê, le directeur de la radio communautaire Goulou de Pô, Donald Tagnabou a également joué un rôle de facilitateur dans ce conflit foncier. M. Tagnabou est le cousin de Claude Gomgnimbou et le neveu de Michel Adoubé Gomgnimbou. Ce dernier, a expliqué M. Tagnabou, a été le premier à venir faire passer un communiqué à la radio pour le compte de la société immobilière ZOTIMSON dont il est le représentant à Pô. Donald

Tagnabou dit avoir profité du passage de son oncle à la radio pour lui donner des conseils en l'invitant surtout à apaiser la tension avec ses neveux. Quelques jours plus tard, indique Donald Tagnabou, c'est son cousin Claude Gomgnimbou qui est venu à la radio avec un communiqué « belliqueux » pour diffusion. « Il était très en colère et remonté contre son oncle Michel Aboubé Gomgnimbou », a-t-il affirmé. M. Tagnabou lui a suggéré de garder son calme, de dépassionner les choses et de revoir le contenu de son communiqué.

Après une semaine d'attente, Claude Gomgnimbou est revenu avec un autre communiqué « moins belliqueux » qui a finalement été diffusé. En sa qualité d'homme de média, de neveu et de cousin, Donald Tagnabou a opté pour la facilitation entre les protagonistes afin d'éviter d'envenimer la situation. Il a précisé que la radio est un outil de communication très puissant donc qu'il ne peut pas l'utiliser pour valoriser une partie et dénigrer l'autre.

Les médiations successives de l'administration, de la chefferie coutumière et de la radio Goulou de Pô, n'ont pas permis de mettre fin aux incompréhensions et aux accusations entre les uns et les autres. Pire, ce problème de vente de terre a montré les divergences des trois composantes que sont les « Kolo », les « Kanzono » et les « Mora » sur l'organisation sociale de leur grande famille Gomgnimbou : chaque composante accuse les autres de ne pas jouer le rôle qui leur est dévolu par la tradition.

Il serait souhaitable que les membres de la grande famille Gomgnimbou s'accordent sur l'essentiel en vue de préserver la cohésion familiale.

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