Ile Maurice: Entre soutien au gouvernement et satisfaction de voir des députés de l'opposition sur le terrain

À quelques mois des élections générales, l'atmosphère dans la circonscription n°2 (Port-Louis Sud-Port-Louis central) est chargée d'opinions divergentes. Alors que certains résidents expriment un soutien indéfectible au gouvernement en place, d'autres appellent à des changements radicaux. Un sentiment mitigé prévaut alors que les électeurs se préparent à exprimer leurs voix lors du scrutin à venir. Nous avons arpenté les rues animées de la capitale, samedi, allant à la rencontre des habitants pour sonder leurs opinions et sentiments.

Restructurer les routes

Heman Kumar Chummun, habitant Tranquebar, souligne l'urgence de restructurer et d'agrandir les routes pour améliorer la sécurité et la circulation. Il insiste sur la nécessité de barricader les terrains vagues, dont un est juste en face de sa maison, pour dissuader les toxicomanes de les utiliser comme base. Ces suggestions font écho aux préoccupations de nombreux habitants. «Comme il y a un manque de bonne structuration au niveau des routes, avec des terrains en friche et la présence des arbres, les députés doivent mener des actions concrètes pour améliorer notre environnement. Malheureusement, dans la circonscription n°2, on n'a que des députés, pas de ministres. Du coup, ils viennent aider mais comme ils ne sont pas au pouvoir, ils ne peuvent pas concrétiser des projets pour nous, les habitants.» D'ajouter que Tranquebar est un bastion du MMM. Il critique dans la foulée le manque d'implication des représentants locaux. «Seul le député Osman Mahomed parcourt régulièrement la région pour prendre nos doléances alors que d'autres élus sont totalement absents.»

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Satisfaction

Jankee Leckraj, habitant de la rue Langlois à Tranquebar, parle également de restructuration des routes mais se dit satisfait des travaux accomplis par le gouvernement. «Gouvernma bizin resté. Mo satisfé ek mo trouv li fer bien.»

De nouvelles têtes

Lindsay Moonisamy, également de Tranquebar, ne partage pas le même avis. Pour lui, des changements s'imposent et pour commencer, dit-il, il est temps pour de nouveaux députés de se présenter aux élections. «Je suis préoccupé par le manque d'engagement des élus et on ne voit qu'Osman Mahomed et Reza Uteem sur le terrain. Sinon, les autres élus sont comme des fantômes, ils ne viennent jamais nous rencontrer», déplore l'homme âgé de 58 ans.

Le coût de la vie

Veuve âgée de 67 ans, Rajwantee Khenmah, une autre habitante de Tranquebar que nous avons rencontrée devant chez elle, évoque tout d'abord le coût de la vie. «Tou inn monté, légim, papié délo é lalimier ek lézot.» Est-elle satisfaite de la performance du gouvernement actuel ? «Enn koté, nou pé gagn ogmantasion nou pansion viéyes é lot koté, nou éna dépans toulézour, lakaz koulé ek éna konstriksion. Mais c'est la vie. Je suis satisfaite de la performance du gouvernement.»

Aumeer, Mahomed, Uteem ou rien

D., de Tranquebar, fonctionnaire qui a souhaité garder l'anonymat, attend, selon ses dires, que les candidats Farhad Aumeer, Osman Mahomed et Reza Uteem obtiennent des tickets pour les prochaines élections. «Je pèse mes mots. Ramgoolam bizin met sa dé kandida-la é Reza Uteem osi bizin gagn tiket. Koumsa sé enn viktwar avek trwa zéro. Sinon, ce sera la bavure. D'ailleurs, notre élu, le Dr Farhad Aumeer, a apporté sa contribution. Je me souviens que pendant le Covid-19, il a aidé les plus démunis, au niveau scolaire, médical, entre autres. Linn asté komision li donn bann dimounn ki péna larzan, linn tir dan so pos larzan pou ed lopérasion pou bann zanfan malad é pandan fet, sirtou isi éna plis bann katolik, linn édé. Et à Camp-Mana, de Tranquebar, les défavorisés ont obtenu des repas chauds. Je dirai que le Dr Aumeer dépense son salaire de député chez nous.» Il note également la présence d'Osman Mahomed qui a, pour sa part, aidé pour réparer des routes effondrées.

De bons candidats

Ajay Jugdeb, de Tranquebar, partage le même avis. «Bizin met bann bon kandida ki pou travay pou bann abitan. Kan mo'nn koz ek bann abitan landrwa, zot dir ki Osman Mahomed et Dr Aumeer bann méyer éléman. Car on les voit souvent sur le terrain. Il faut leur donner une chance. Ils sont également joignables au téléphone lorsqu'on a besoin d'eux.»

Pas de méritocratie

Au ward 4, plus précisément à la rue Wellington, nous avons sollicité l'opinion de Yaazei Cassim, propriétaire d'une boutique. Notant également la présence d'Osman Mahomed qui sillonne sa région, l'homme de 43 ans exprime son insatisfaction face à un système, dit-il, dépourvu de méritocratie mais qui est taché de corruption. «Bizin met nouvo kandida ki pou la pli régilierman parski nou trouv zis Osman Mahomed lor térin, é lézot non. Mo pa satisfé ek manier péi-la pé alé. Péna méritokrasi, fodé éna backing pou gagn enn travay.» Il attend de connaître la liste officielle des candidats pour sa circonscription pour pouvoir se prononcer sur ses attentes.

Le flambeau aux jeunes

Nous avons croisé Mamode Reza au Ward 4. Lui aussi envisage des changements. «Notre roupie s'est dépréciée, la drogue fait des ravages et l'insécurité dans le pays s'aggrave, et l'inquiétude grandit parmi les salariés en raison de la baisse du pouvoir d'achat.» Pour cet habitant du Ward 4, qui compte 15 224 votants, la liste des doléances est longue et ces manquements ou défaillances n'ont pas été palliés par le gouvernement. «Je pense que ce sont les jeunes qui doivent prendre le flambeau.»

L'eau, un problème

Shawn Townam, qui travaille dans un snack en face de l'hôpital Jeetoo, déplore que la pénurie d'eau retarde son travail pour la préparation des plats qui seront mis en vente. «Il y a un problème d'eau avec un manque de pression. L'interruption de la fourniture se fait entre 10 et 15 heures. On a dû faire installer une pompe pour pouvoir travailler.»

Revirement

À la rue Barthélémy, Mohamed Affejee n'hésite pas à exprimer haut et fort son opinion. «Je suis pour des changements et je ne sais pas si le MSM est au courant que la population souhaite un revirement. Sinon pou laké. On doit plus de 50 mille fois se faire enregistrer pour l'obtention d'une pièce d'identité et il y a aussi le réenregistrement des cartes SIM. Je n'aime pas le gouvernement en place. Ma femme et moi-même allons toucher désormais une pension de vieillesse de Rs 14 500 chacun. À mon époque, lorsque je travaillais dans une compagnie d'autobus, je touchais Rs 350 mais la vie était moins chère. Maintenant, il y a certes une hausse de la pension de vieillesse mais on a davantage de dépenses», confie l'homme de 73 ans.

Abstention

Direction Vallée-Pitot, chez la boutique Marcelle, connue par tous les habitants. Derrière le comptoir de sa boutique, entre les étagères, se tient Marcelle Chee, qui affirme qu'elle ne se mêlera pas de la politique et ne se rendra pas aux urnes. «Non, je n'irai pas voter et chez nous, les débats sur des affaires politiques ne font pas partie de notre quotidien. On est plus casanier mais comme tout le monde, on souhaite du changement pour le meilleur», confie la propriétaire de la boutique qui habite la région depuis 40 ans.

Le gouvernement doit rester...

Chez le couple Fawzia et Kalamazad Peerbaccus, qui tient une boutique, l'époux ne rate aucun événement politique qui se déroule à la rue Mamelon Vert à Vallée-Pitot. Pour eux, les élections ne sont pas seulement des dates sur un calendrier, mais des moments cruciaux qui façonnent l'avenir de la communauté. «Les députés marquent toujours leur présence à l'approche des élections. Vous allez voir de petites tentes s'installer dans chaque coin de rue lorsque le ton sera donné pour les élections.» Le mari dit soutenir le MSM, tout en énumérant les récentes réalisations du gouvernement. «Ce gouvernement doit rester. Il n'y a pas de doute là-dessus parce que non seulement moi mais le public apprécie ce gouvernement. Li pé fer bien é mo satisfé.» Même son de cloche du côté de sa femme Fawzia. «J'irai définitivement voter, é péna mankman isi.»

Ou partir

Ajmal Joomun de la rue Alma, à Vallée-Pitot, citoyen engagé, exprime ses préoccupations quant à la direction actuelle et appelle à des réformes profondes. Pour ce faire, le mandat de ce gouvernement ne doit pas être renouvelé. «Gouvernman-la bizin alé. Wi éna ogmantasion pansion, mé bokou dimounn pé mor é pa bliyé bann dializé. À qui la faute ?»

Perspective : Jadis bastion mauve qui a tourné au rouge

Entre les élections de 1976 et 2000, le Mouvement militant mauricien (MMM), seul ou en alliance, a toujours fait élire des candidats dans la circonscription de Port-Louis Sud-Port-Louis Central (n°2). Toutefois, à partir de 2000, cette prédominance mauve a changé et c'est le Parti travailliste (PTr) qui a l'ascendance dans cette circonscription de la capitale. Rashid Beebeejaun, élu du MMM en 1995, brise le monopole mauve en se faisant élire comme député du PTr lors des élections de septembre 2000, face une alliance MSM-MMM. Dès lors, les Rouges ont toujours eu un député dans cette circonscription. Avec ou sans alliance. Rashid Bebeejaun s'est fait élire quatre fois de suite.

C'est la seule circonscription où il y a eu deux élus du PTr en 2019. Ils sont Osman Mahomed et Farhad Aumeer. Dans d'autres circonscriptions, où il y a deux parlementaires rouges, l'un est Best Loser. Sans doute, Osman Mahomed, élu en 2014, a eu une grande contribution dans l'élection de son colistier. D'ailleurs il a été plébiscité avec près de 61 % des suffrages lors des dernières élections. Il a été le seul à réussir un tel exploit. Mieux que Pravind Jugnauth à Moka-Quartier-Militaire (n°8) où il y a eu trois élus du Mouvement socialiste militant (MSM). Il faut reconnaître que Reza Uteem a toujours été élu à chaque participation depuis 2010, même si son parti a perdu de son rayonnement sur le plan national.

Avec une alliance PTr-MMM-PMSD, les trois élus seront de cette opposition. Mais à ce jour, il existe un obstacle avec le conflit entre Osman Mahomed et Farhad Aumeer. Les deux sont à couteaux tirés depuis plus d'un an et le leader du PTr, Navin Ramgoolam aura à trancher. L'un des deux serait muté dans une autre circonscription. Sinon, cette alliance pourrait laisser des plumes, ce qui profiterait au MSM, dont celle qui est la mieux placée est Roubina Jadoo Jaunbocus. Elle avait été élue en 2014 et elle n'était pas candidate en 2019. Elle a une bonne assise dans cette circonscription, ayant été conseillère municipale, Secrétaire Parlementaire Privée et ministre.

À noter que Port-Louis-Sud et Port-Louis Central est la circonscription qui connaît un grand changement avec le redécoupage électoral. Quelque 4 500 électeurs, une partie de Vallée-Pitot jusqu'à la rue Desforges, sont transférés dans la circonscription de Port-Louis Maritime-Port-Louis Est (n°3). En revanche quelque 10 000 électeurs, ceux de la région de Marie-Reine de La Paix et de Pailles, Sorèze, voteront prochainement dans la circonscription n°2. Ainsi, cette circonscription comptera quelque 30 000 électeurs.

Les «sitting members» du Parlement

Osman Mahomed, Reza Uteem et Farhad Aumeer

Les noms cités comme candidats du MSM

Rubina Jadoo-Jaunbocus, Salim Beebeejaun, Anwar Abbasakoor et Sylvio Tang.

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