Au Mali, dix jours après la fin de la transition, les autorités restent silencieuses. Un décret présidentiel fixait officiellement l'échéance au 28 mars dernier, mais la présidentielle ayant été reportées sine die, les autorités maliennes de transition sont de facto toujours en place. Depuis dix jours, les appels se multiplient pour l'organisation d'élections et pour un retour rapide à l'ordre constitutionnel. Les soutiens des autorités tentent de justifier cette situation de vide juridique.
Au Mali, les autorités maliennes de transition font tout simplement comme si de rien n'était. Elles ne jugent toujours pas nécessaire de commenter la fin officielle de la période qu'elles avaient elles-mêmes fixée. Alors, ce sont leurs soutiens qui, dans les médias nationaux ou sur les réseaux sociaux, tentent de justifier la situation. Certaines organisations proches des militaires au pouvoir plaident pour leur maintien de manière indéfinie, en louant leur travail et en expliquant que la « mission » qu'ils se sont attribuée - sécuriser le pays notamment - n'est pas encore terminée.
Sur un plan plus juridique, un article éditorial du journal d'État L'Essor ou encore des membres du Conseil national de transition (CNT) estiment que la charte de la transition promulguée il y a près de quatre ans, en septembre 2020, prévoit que la transition ne prend fin qu'après l'élection d'un nouveau président. La nouvelle Constitution promulguée en juillet dernier « ramène également au fait électoral », assurent certaines voix au CNT.
Cette élection présidentielle devant marquer le retour à l'ordre constitutionnel n'ayant pas été organisée, la période de transition serait automatiquement et légitimement prolongée. Le débat n'aurait donc pas lieu d'être et ne serait alimenté que par des ennemis de la nation, voire instrumentalisé par des puissances étrangères.
Devant le peuple malien
Face à eux, pourtant, dans une démarche commune tout à fait inédite depuis le coup d'État militaire d'août 2020, la quasi-totalité des partis politiques et organisations de la société civile du Mali dénoncent une situation de « vide juridique et institutionnel » et demandent l'organisation, « dans les meilleurs délais », de l'élection présidentielle. Cette position a fait l'objet d'un communiqué commun le dimanche 31 mars. Elle est fondée sur des arguments juridiques défendus par de nombreux avocats, magistrats et procureurs maliens, qui rappellent que l'échéance du 26 février dernier avait été fixée par le colonel Assimi Goïta lui-même, par décret présidentiel. C'était il y a deux ans, après déjà un premier report. Un engagement à la fois institutionnel et moral, pris devant la communauté internationale, mais surtout devant le peuple malien.
Les plus vindicatifs rappellent que les autorités actuelles sont issues d'un coup d'État militaire, qu'elles n'ont jamais été élues ni choisies d'une quelconque manière, et que leur seule légitimité n'est donc que celle des armes.
Cour constitutionnelle
Ce débat, aussi technique que politique, seule la Cour constitutionnelle a la légitimité de le trancher. Elle a d'ailleurs été officiellement saisie la semaine dernière, mais les organisations de magistrats et de procureurs à l'initiative de cette démarche, et qui demandent notamment « la déchéance des organes de la transition », ne cachent pas leur scepticisme quant à l'indépendance de la Cour et disent s'attendre, au mieux, à une annonce d'irrecevabilité.
En attendant, le débat continue et s'amplifie, creusant un gouffre toujours plus grand entre les fidèles des autorités de transition et les partisans d'un retour aux principes démocratiques.
Les autorités maliennes de transition, elles, continuent de jouer la carte du silence et poursuivent leurs activités. L'une des plus importantes étant, ironique coïncidence, la préparation du dialogue inter-Maliens supposé ramener la paix et la cohésion sociale dans le pays.