A deux mois des législatives prévues pour se tenir le 29 mai prochain, ça bouge en Afrique du Sud. En effet, soupçonnée de corruption et soucieuse de s'éviter une procédure de destitution comme le réclame l'opposition, la présidente de l'Assemblée nationale, Nosiviwe Mapisa-Ngakula, a rendu le tablier le 3 avril dernier.
Et ce, pour se mettre à la disposition de la Justice qui reproche à ce cadre de l'ANC, d'avoir accepté, entre 2016 et 2019, des pots-de-vin se chiffrant à plus d'une centaine de milliers d'euros, quand elle était ministre de la Défense. Et selon les médias sud-africains, la désormais ex-occupante du perchoir a été inculpée.
Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'à l'image d'autres éminentes personnalités du parti au pouvoir en Afrique du Sud, Dame Mapisa-Ngakula est en passe, si ce n'est déjà fait, d'être rattrapée par son passé. Même si elle se défend des accusations portées à son encontre, cette succession de scandales impliquant des cadres du parti de Nelson Mandela, commence à bien faire en Afrique du Sud. On peut même dire qu'elle apparaît comme un gros nuage qui assombrit l'arc-en-ciel.
Les législatives s'annoncent comme un grand défi pour le parti historique de Nelson Mandela
Cela est d'autant plus vrai que de Thabo Mbeki à Cyril Ramaphosa en passant par Jacob Zuma, les successeurs au trône de l'icône de lutte anti-apartheid se sont tous montrés indignes de lui au point que quelque vingt-cinq ans après son départ du pouvoir et onze ans après sa mort, loin de briller de tout son éclat, son parti a amorcé une inquiétante courbe descendante dans l'estime des Sud-africains au point de devenir aujourd'hui, presque l'ombre de lui-même. Et le déclin amorcé depuis lors se traduit par des résultats en net recul dans les urnes, d'élections en élections.
C'est ainsi que de 62,15% des voix recueillies lors des législatives de 2014 par exemple, le parti a chuté à 56,98% en 2019. En 2016, sous Jacob Zuma, l'ANC subissait déjà des revers aussi symboliques qu'historiques lors des municipales qui l'ont vu perdre, tour à tour, des villes-clé comme Pretoria la capitale, Port Elisabeth, qui appelaient déjà à l'introspection.
Toujours est-il qu'avec ces résultats catastrophiques qui ont vu sa base électorale s'effriter et sa marge de sécurité fondre comme beurre au soleil, les législatives de 2024 s'annoncent comme un grand défi pour le parti historique de Nelson Mandela. Comment peut-il en être autrement quand après trente ans de pouvoir depuis les premières élections multiraciales de 1994 qui tournaient la page de l'apartheid, l'ANC peine encore à se montrer à la hauteur des défis du pays et des aspirations des Sud-africains ? Toujours est-il qu'aujourd'hui, le constat est amer sur le terrain.
Et c'est une déception teintée de colère qui anime une part croissante de la population sud-africaine désabusée par les frasques répétées de ses dirigeants au sommet de l'Etat et lasses d'attendre un changement de leurs conditions de vie qui ne vient pas. Pendant ce temps, l'élite dirigeante est engluée dans des affaires de corruption toujours plus scandaleuses les unes que les autres, au moment où son bilan en faveur des populations laisse beaucoup à désirer.
Ces accusations de corruption portées contre la présidente du parlement tombent au mauvais moment pour l'ANC
Autant dire qu'avec un chômage qui atteint des proportions inquiétantes, une corruption qui a gangrené le système jusqu'au plus haut sommet de l'Etat et des inégalités sociales qui ne cessent de s'accentuer, on est loin du rêve de Nelson Mandela, de faire de la nation arc-en-ciel, ce pays de cocagne où coulent le lait et le miel pour tous les Sud-africains.
C'est dire combien ses successeurs ont vendangé son héritage au point de susciter aujourd'hui de sérieuses interrogations sur l'avenir de l'ANC, à la tête de la Nation sud-africaine. Des craintes qui se justifient non seulement par la perte de vitesse du parti au pouvoir miné, soit dit en passant, par des dissensions internes, mais aussi par le gain de popularité de partis de l'opposition comme les Combattants pour la liberté économique (EFF) de Julius Malema dont le discours provocateur à souhait et accusant notamment l'ANC d'avoir échoué à libérer le peuple noir, semble porter de plus en plus.
Et que dire de l'ancien président Jacob Zuma, qui est prêt à défier son ancien parti sous les couleurs d'un autre, après avoir fait les malheurs de ce dernier en battant le record des scandales au pouvoir, jusqu'à être poussé à la sortie par ses anciens compagnons de lutte ? C'est donc une ANC en pleine décrépitude qui s'apprête à aller aux élections du 29 mai prochain qui pourraient marquer un tournant en Afrique du Sud. Et c'est peu dire que, sans forcément être le scandale de trop, ces accusations de corruption portées contre la présidente du parlement tombent au mauvais moment pour le parti au pouvoir qui a besoin de redorer son blason et de se racheter de ses fautes de gestion à la tête de la nation arc-en-ciel.