Ile Maurice: Hans Telvave - «Le pays est prêt à accepter les mêmes droits pour tous»

interview

On vous a vu un peu partout à travers l'île. C'était pour quelle campagne ?

La campagne «Trans et citoyen mauricien» avait pour but de mettre en avant trois générations de militantes transsexuelles. Nous avions voulu associer les termes «trans» et «citoyen mauricien» afin de rappeler que notre société compte aussi des personnes trans et qu'elles sont des citoyennes à part entière. Nous existons et avons les mêmes droits, et devons avoir les mêmes opportunités que chaque Mauricien.

Cette campagne fait partie d'un programme plus large. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Le projet est intitulé «Avancement des droits des personnes transgenres à Maurice», qui est une initiative du Collectif arc-en-ciel (CAEC) et est conjointement financé par le Fonds canadien d'initiatives locales et la haute commission australienne. L'objectif est de donner la parole à la communauté trans, de découvrir ses besoins, les défis auxquels elle fait face, pour pouvoir mettre en place les stratégies de plaidoyer pour que les droits de cette partie de notre société puissent enfin avancer. On ne peut pas nier que, jusqu'à présent, les personnes transgenres ont souvent été ostracisées et qu'il est temps de les rendre visibles de manière positive.

Quel accueil la campagne a-t-elle reçu ?

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Nous avons eu majoritairement des retours positifs. Nous avons été acclamés, et avons reçu une vague d'amour, d'acceptation et d'encouragement, ainsi qu'une grande attention. Mais il y a aussi eu des commentaires haineux et transphobes. Ces réactions nous rappellent deux choses. Si nous faisons réagir, c'est que nous sommes vus et entendus. Pour la première fois dans l'histoire mauricienne, les personnes trans ont eu une voix au niveau national et cette campagne vient affirmer notre existence.

Dans ce combat pour la visibilité, le courage est essentiel. Il faut continuer à être soi, à militer pour ses droits et à travailler vers l'égalité pour tous, même face à la peur et à l'hostilité. C'est faire preuve de courage.

Du début du programme à ce jour, quel est le chemin parcouru ?

Pour bien comprendre les besoins de la communauté, des groupes de parole ont été organisés afin de donner voix au chapitre à tous. Il y a aussi eu une série de vidéos de sensibilisation quant aux réalités de la vie transgenre. Les personnes concernées ont eu droit à un soutien juridique. Le talk-show «Dignité», diffusé sur les plates-formes du CAEC, a favorisé le dialogue et boosté la visibilité. Puis, bien sûr, la campagne «Trans et citoyen mauricien» a été lancée pour affirmer la pleine citoyenneté des personnes trans. En parallèle, nous préparons un plaidoyer pour faire entendre leurs besoins aux décideurs politiques.

Vous avez aussi organisé plusieurs tables rondes. Qu'est-ce qui en est ressorti ?

Le besoin de sécurité est la priorité pour les personnes trans. Tout ce flou autour de l'existence suscite un climat hostile pour les personnes trans, mais aussi cisgenres. Il est important de commencer par reconnaître que nous existons afin de mettre en place des lois, des procédures et des structures favorisant l'inclusion des personnes trans dans tous les espaces et sphères de la vie afin qu'elles puissent, elles aussi, apporter une contribution positive à la société mauricienne.

Un des problèmes majeurs pour la communauté trans est l'accès aux soins. Cela avait été évoqué il y a quelque temps déjà. La situation s'est-elle améliorée ?

Les soins de santé pour les personnes trans sont très spécifiques : le traitement hormonal et psychologique, et l'accès à la chirurgie de genre affirmative, entre autres. Aujourd'hui, l'accès partiel au traitement hormonal est possible dans le secteur public, mais on a un service hospitalier souvent très peu formé à la question de l'identité de genre. Cela favorise malheureusement une prise en charge incomplète et souvent déstabilisante pour les personnes trans. Pour tout le reste, il faut en général souvent se diriger vers l'étranger pour y avoir accès.

Quels sont les autres défis majeurs et quelles en sont les solutions ?

Les préjugés et les privilèges sont au coeur de cet environnement injuste dans lequel vit la communauté trans. Penser qu'une personne trans est moins digne d'accéder aux mêmes droits que les autres et essayer de maintenir des structures qui favorisent les privilèges de certains parce qu'ils sont conformes empêchent le pays d'avancer dans la bonne direction. Encourager la conformité et condamner la différence de genre par la violence créent un climat de peur. Il est essentiel que la grande majorité qui soutient l'égalité et le respect des droits humains se fasse entendre. Il faut que l'amour soit plus visible et puissant que la haine. Le soutien silencieux à la communauté LGBTQIA+ favorise la pensée que la haine et la transphobie seraient plus puissantes, alors que ce n'est pas le cas.

On peut parler de changement et de loi, de marche pacifique, mais aujourd'hui, c'est la voix unie de la large majorité qui peut faire comprendre aux décideurs politiques que nous sommes prêts et ouverts aux changements.

Nous sommes dans une année électorale. Pensez-vous que les droits des personnes trans et de la communauté LGBT en général doivent être inscrits dans les programmes des partis ?

Cela devrait être le cas, mais honnêtement, je pense que cela ne le sera probablement pas. Dans une île Maurice où le soutien à la communauté LGBTQIA+ est discret et silencieux, les politiciens ne donnent pas la priorité aux droits des personnes LGBTQIA+. Certains ne comprennent pas encore que le pays est prêt à faire face au changement et à accepter les mêmes droits pour tous. Il n'y a pas encore de volonté politique de diriger le pays vers l'égalité des genres, car il y a encore toute une éducation à faire à propos du genre et de la liberté de chacun. Cette vision d'une île Maurice inclusive où chaque citoyen, sans distinction de statut ou de privilège, jouit des mêmes droits et opportunités n'est pas encore comprise ni mise en marche.

C'est pour cela que notre travail au CAEC est important. En étant visibles, nous rappelons que nous existons, que nous votons et que nous contribuons aussi au succès du pays. Nous sommes donc pleinement dignes d'accéder aux mêmes droits et aux mêmes opportunités que les citoyens cisgenres.

Dimitri Ah-Yu, président du Collectif Arc-En-Ciel

«La récente campagne de promotion de la visibilité et de la reconnaissance des personnes transgenres à Maurice et un pas de plus dans notre lutte pour l'inclusion et le respect des personnes transgenres dans notre société.

Cette campagne, soutenue par le Fonds canadien d'Initiatives Locales et la Haute Commission australienne, a permis d'ouvrir des portes et d'offrir un meilleur soutien aux membres jusqu'à présent peu visibles de la communauté transgenre à Maurice. Cela nous a permis de les guider dans leur cheminement personnel et de leur fournir des informations essentielles sur les services disponibles au Collectif Arc-En-Ciel et à Maurice pour la communauté transgenre.

Cependant, nous ne pouvons ignorer les obstacles que nous continuons de rencontrer, notamment les actes de vandalisme contre certains panneaux de la campagne ou les discours de haine diffusés sur les réseaux sociaux. Ces réactions soulignent le besoin urgent d'informations et d'éducation dans notre société mauricienne. C'est pourquoi notre travail de sensibilisation et d'éducation doit se poursuivre avec encore plus de détermination.

Notre objectif est clair : nous voulons un île Maurice où la reconnaissance des personnes LGBTQIA+ soit enfin établie et où les discours de haine ou les crimes liés à l'orientation sexuelle ne passent plus inaperçus ni impunis. Cela ne sera possible que grâce à l'engagement collectif de tous les citoyens qui souhaitent un avenir plus inclusif et respectueux, où chaque voix compte et où chacun peut vivre en toute dignité, quel que soit son genre ou son orientation sexuelle.»

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