Ile Maurice: Une intervention bénéfique aux patients et moins coûteuse aux contribuables

Invité du Medical Update Group mercredi dernier, le Dr Oomesh Shamloll, consultant en cardiologie interventionnelle et chef de service de la cardiologie à l'hôpital Dr A.G. Jeetoo, a fait un bilan d'une procédure qu'il a introduite d'abord sur une base pilote de trois mois dans son département et qui, adoptée peu après, a donné un taux de réussite de 99 %. Il s'agit de l'angioplastie primaire, pratiquée 24/7. Une intervention sur l'artère plus avantageuse que l'angioplastie secondaire, par médicament, tant pour les patients que pour la poche des contribuables. Le Dr Shamloll nous en parle.

Cette procédure relevant de la cardiologie interventionnelle s'adresse aux patients qui se présentent à l'hôpital avec un fort soupçon d'infarctus, c'est-à-dire avec une artère du coeur bouchée à 100 % par un caillot de sang, obstruction occasionnée par une rupture d'un dépôt de plaque dans l'artère. Les symptômes associés à l'infarctus sont des douleurs à la poitrine et dans le dos pouvant remonter le long du bras gauche jusqu'à l'épaule, voire jusqu'à la mâchoire. Ils s'accompagnent généralement d'importantes sueurs froides, d'essoufflements, de vomissements et parfois de perte de connaissance.

Le Dr Shamloll indique que dans un tel cas, il faut absolument faire dissoudre le caillot de sang et que chaque minute compte. «Avant que je n'introduise l'angioplastie primaire dans mon service, on pratiquait ce que l'on appelle l'angioplastie secondaire, c'est-à-dire tenter de dissoudre le caillot de sang obstruant l'artère avec un puissant médicament injecté en intraveineuse et dont les effets ne seront ressentis sur le malade que dans les quatre à cinq heures suivantes et qui ne fonctionne pas systématiquement. Le taux de réussite de l'angioplastie secondaire est de 70 %. Un taux de 30 % d'échec est tout de même conséquent.»

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De plus, ce puissant médicament coûte très cher, soit environ Rs 65 000 par traitement et il peut occasionner des complications comme des hémorragies pouvant être fatales au malade. «Ensuite, quand l'artère n'est pas débloquée dans les huit à 12 heures suivant l'infarctus, la partie du coeur qui n'est pas irriguée meurt. Quand cette partie du coeur est morte, elle laisse une cicatrice. De ce fait, le malade aura bon nombre de complications comme des arythmies, qui peuvent aussi le tuer, et souffrir d'insuffisance cardiaque.»

Vivre avec une insuffisance cardiaque, soit un coeur ne fonctionnant qu'entre 20 et 30 %, cause de nombreux désagréments au malade. Son espérance de vie est réduite et sa qualité de vie professionnelle, personnelle, familiale et sociale bascule. Il doit prendre huit à dix médicaments au quotidien, ce qui complique sa digestion et lui donne des effets secondaires.

De toute façon, précise le spécialiste de la cardiologie interventionnelle, quand on utilise ce puissant médicament pour faire fondre le caillot de sang dans l'artère, avant que le malade ne sorte de l'hôpital ou s'il est mis sur liste d'attente, il devra, à un moment, subir une angiographie, introduction d'une sonde dans l'artère pour faire un état des lieux et s'il le faut, l'opérer pour pratiquer l'angioplastie primaire, soit faire remonter un stent dans l'artère affaiblie. «En termes de coûts aux contribuables via le gouvernement, c'est énorme, soit Rs 65 000 pour un traitement de médicament administré en intraveineuse, Rs 7 000 pour le stent et d'autres coûts additionnels pour les huit à dix médicaments à prendre au quotidien, avec la possibilité de coûts supplémentaires en cas de complications. Et pour le personnel du département, c'est le double du travail.»

Depuis septembre 2020, le Dr Shamloll a introduit dans son service et sur une base pilote de trois mois l'angioplastie primaire, c'est-à-dire que dès qu'un malade se présente avec un fort soupçon d'infarctus, il ne passe même pas par le département des urgences et est transféré directement en salle d'opération, le Cath Lab de la Coronary Care Unit de l'hôpital Jeetoo, où le Dr Shaloll pratique une angiographie avant de décider de la marche à suivre, qui est généralement la pose d'un stent. «Cette procédure contourne tous les canaux. Les cold cases sont annulés et on donne priorité à ce malade. On fait alors remonter un ballon pour débloquer l'artère bouchée et ensuite poser un stent pour soutenir l'artère débouchée, qui est désormais fragilisée. C'est nettement plus rapide que l'angioplastie secondaire. L'angioplastie primaire ne dure qu'une demi-heure au maximum.»

Depuis que le Dr Shamloll, qui est membre de l'European Society of Cardiologie, a fait valoir les bénéfices de l'angioplastie primaire au ministre de la Santé, il la pratique 24/7 dans son département. Durant la phase pilote, il l'a pratiquée sur 178 patients et un seul malade, dont le cas était extrêmement grave, est mort sur la table d'opération. Le Dr Shamloll a jusqu'ici opéré 500 malades et le taux de réussite, dit-il, est de 99 %. «Cette procédure permet à la majorité des malades de mener la vie la plus normale possible, avec seulement trois médicaments à prendre au quotidien et un coeur préservé. Les coûts pour le système de santé sont réduits, de même que les effets secondaires.»

Comme l'infarctus frappe à n'importe quelle heure, le Dr Shamloll est souvent appelé en pleine nuit pour pratiquer l'angioplastie primaire. Il forme actuellement ses cardiologues juniors pour qu'ils puissent prendre le relais. «L'angioplastie primaire est la procédure de choix dans le monde entier.»

L'autre avantage de l'angioplastie primaire est que le malade est à même de rentrer chez lui au bout de trois jours d'hospitalisation alors qu'avec l'angioplastie secondaire, son séjour est d'au moins une semaine, du moins s'il n'a pas de complications. Vu ce succès, le gouvernement a décidé de la faire appliquer à l'hôpital Victoria à Candos et au Cardiac Centre à Pamplemousses mais ces interventions sont nettement plus nombreuses au sein de l'hôpital portlouisien qui a depuis obtenu une mention spéciale au African Kaizen award, le National Productivity and Quality Excellence award 2023 et le Public Service excellence Gold award 2023. Pour rappel, dans le privé, l'angioplastie primaire coûte Rs 250,000.

Le Dr Shamloll en bref

Ce médecin généraliste, qui travaillait à l'hôpital de Flacq entre l'an 2000 et 2004, est parti faire sa spécialisation au Centre universitaire hospitalier Victor Segalen à Bordeaux en France. L'ayant réussie, il a regagné Maurice en octobre 2008 et a été posté comme cardiologue à l'hôpital SSRN jusqu'en 2014 où il a été muté à l'hôpital Jeetoo comme Senior «Consultant Cardiologist», soit le numéro 2 du département. Il est consultant en cardiologie interventionnelle et chef du service de cardiologie à cet hôpital depuis 2020.

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