Ile Maurice: Personnes âgées - ATM pour voleurs...

De 2021 à 2022, les vols ont augmenté de 21,4 %

Cambriolage, vol avec violence, homicide. Rien que le mois dernier, au moins trois cas de meurtres atroces contre des personnes âgées ont bouleversé les esprits. Le 24 mars, le corps de Marc Collaud, un Suisse de 75 ans résidant à Maurice depuis une dizaine d'années, a été retrouvé à son domicile à Terre-Rouge. Il était à moitié nu, les mains ligotées, avec des sous-vêtements et un tissu autour de la nuque, ainsi que des blessures sur le corps. Un couple, qui avait l'habitude de fréquenter la victime, a été arrêté et a avoué avoir mis à exécution leur plan pour le cambrioler.

Autres cas macabres : le kidnapping, la torture et le meurtre de Said Fakeermahamode, âgé de 63 ans, pour de l'argent, et le meurtre de Razeeyah Beebee Saib Nuther, une inspectrice principale d'école à la retraite âgée de 71 ans, tuée lors d'un vol qui a mal tourné à son domicile à Rose-Hill le 27 mars. De manière générale, de 2021 à 2022, les vols ont augmenté de 21,4 % dans le pays. Au cours de la même période, les cambriolages ont augmenté de 17,7 %, selon les données publiées par Statistics Mauritius. Entre l'augmentation des pensions et le coût de la vie élevé, les craintes des personnes âgées semblent justifiées face à la recrudescence inquiétante de la criminalité dans le pays.

«L'augmentation de la pension à Rs 13 500 est en fait insignifiante, car d'un autre côté, les personnes de mon âge vivent sur des médicaments pour des problèmes gastriques, l'hypertension, le diabète ou l'inflammation chronique, qui coûtent un minimum de Rs 5 000 par mois. La pension de mon époux sert à acheter des produits alimentaires à des prix exorbitants. Mais l'argent est également la cible des voleurs, ils ne tiennent pas compte de toutes ces dépenses. Le pays a une population vieillissante et le système tend à réduire les personnes âgées aux pensions en tant que facteur électoral, en augmentant le montant à chaque veille d'élections. Mais cela nous rend aussi plus vulnérables aux vols», confie Shaheen, fonctionnaire à la retraite.

Notre interlocutrice explique que «nos deux enfants travaillent et aident aux dépenses de la maison. Pendant la journée, mon époux et moi restons à la maison, nous ne nous sentons pas en sécurité. Bien que dans notre maison, nous ayons des meubles de base et des appareils électroniques, si quelqu'un entre avec l'intention de voler, il ne se soucie pas de votre vie, ils tuent, ils prennent ce qu'ils peuvent, puis s'enfuient. Il est de plus en plus difficile de faire confiance aux personnes qui viennent demander des dons ou chercher du boulot, par exemple pour nettoyer les maisons ou le jardin. Je veille également à ce que mon époux ou mes enfants m'accompagnent lorsque je dois retirer de l'argent de l'ATM».

Décadence sociale

Quelles sont les causes de la violence contre les personnes âgées ? Pour M.A., 64 ans, «ce n'est pas seulement une question de coût de la vie ou de pension, mais aussi une combinaison d'autres facteurs sociaux. À cet âge, nous sommes sans défense, physiquement faibles et plus vulnérables, donc des proies faciles pour les voleurs qui risquent sinon des rétorsions de la part de leurs victimes. Au fil des ans, la sécurité en général des citoyens dans le pays a chuté.Vu le fléau de la drogue qui s'est répandu dans le pays, il est raisonnable de dire que beaucoup de gens sont victimes de la toxicomanie et ne veulent pas travailler pour avoir un salaire après 30 jours, mais recherchent de l'argent instantané pour satisfaire leurs pulsions. D'autres sont tentés de commettre des arnaques via des fraudes bancaires ou en ligne, compte tenu de l'utilisation croissante de la technologie. Je conseille même à mes enfants d'être plus prudents lorsqu'ils sortent de chez eux. Il y a dix ou douze ans, ce n'était pas le cas».

M.C., septuagénaire résidant près de Boundary Road, Rose-Hill, confie de son côté que «c'est parfois effrayant, même dans la journée, de rester à la maison, quand mon fils va travailler. Les voisins sont là, mais la peur est inévitable». D'autant plus que, dit-il, «le meurtre de Razeeyah Beebee Saib Nuther fut un choc et a engendré une réflexion profonde sur une société malade dans laquelle même une femme qui a travaillé dur toute sa vie n'a pas été épargnée. Voler dans un moment de vulnérabilité parce qu'on a besoin d'argent ou de nourriture est une chose. Mais cibler délibérément une population vulnérable en sachant qu'elle est sans défense et la tuer en la volant, c'est aberrant»*.

«Même les gens aisés volent les autres»

Une vigilance accrue de la police peut-elle contribuer à résoudre le problème ? Non, répond une autre septuagénaire, qui va dans le même sens que M.C. «Les vols avec violence sont devenus trop courants. On ne peut pas mettre un policier pour chaque citoyen en permanence, celui qui veut voler volera de toute façon. Nous n'avons pas besoin de réformes législatives car les lois existent, mais plutôt d'un changement de mentalité et de facteurs sociaux. La société est en train de se dégrader.»

Elle ajoute : «Même les gens aisés volent. Il y a quelques mois, un proche s'est adressé à une agence proposant des services de garde-malade pour s'occuper de sa soeur âgée, immobilisée au lit, pendant qu'il allait travailler. Cette dernière souffrait d'une fracture. Peu à peu, des objets ont commencé à disparaître de la cuisine et de la chambre. Un jour, le proche nous a appelés par téléphone pour nous demander de venir d'urgence car sa soeur était effrayée et disait qu'il ne fallait pas laisser la garde-malade s'approcher d'elle, et qu'elle ouvrait les placards pour voler des choses. Nous avons découvert plus tard que la garde-malade demandait en fait à son amie de venir dans la cour lorsque tout le monde était parti travailler pour récupérer les objets qu'elle avait volés dans la maison. Nous avons dénoncé la situation à l'agence, qui nous a priés de ne pas porter plainte auprès de la police parce que leur réputation était en jeu. Ils ont licencié leur employée pour envoyer une autre personne à sa place. Et ce, alors que le proche paie Rs 30 000 par mois à l'agence pour que son personnel reçoive un bon salaire...»

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