"Dans la culture luba, TSHIYOLA équivaut à une crise majeure qui désorganise l'ensemble des activités liées à l'existence même de la communauté. Elle peut se manifester de diverses manières notamment, par la famine, les épidémies, les conflits sociaux, etc. Selon la tradition, lorsque l'avènement de TSHIYOLA était reconnu, les représentants de toutes les composantes de la communauté se réunissaient dans les assises, appelées NDONDU. Lors de celles-ci, on cherchait à comprendre son ampleur et ses causes, afin d'élaborer des orientations et des actions pour mettre fin à cette désorganisation. La précarité dangereuse que connaît aujourd'hui le Kasaï-Oriental nous oblige à recourir à certaines pratiques de notre culture ancestrale pour y puiser les énergies nécessaires afin de faire face aux défis actuels. NDONDU WA TSHIYOLA répond à cette spécificité du contexte". Voilà, en résumé le contenu de la grande rencontre que préparent les notables du Kasaï-Oriental pour en venir au bout des maux qui rongent cette province. Pou comprendre les tenants et les aboutissants de cette grand-messe, nous avons approché Shambuyi Kalala, un des notables de cette province qui s'exprime à cet effet à travers une interview que La Prospérité publie dans les lignes qui suivent.
La Prospérité. : Des échos nous sont parvenus concernant l'organisation prochaine d'un grand événement pour la Province de Kasaï-Oriental, nommé NDONDU WA TSHIYOLA. Pouvez-vous nous en expliquer le sens et la signification ?
Shambuyi Kalala (SK) : Dans la culture luba, TSHIYOLA équivaut à une crise majeure qui désorganise l'ensemble des activités liées à l'existence même de la communauté. Elle peut se manifester de diverses manières, notamment par la famine, les épidémies, les conflits sociaux, etc. Selon la tradition, lorsque l'avènement de TSHIYOLA était reconnu, les représentants de toutes les composantes de la communauté se réunissaient dans les assises, appelées NDONDU. Lors de celles-ci, on cherchait à comprendre son ampleur et ses causes, afin d'élaborer des orientations et des actions pour mettre fin à cette désorganisation. La précarité dangereuse que connaît aujourd'hui le Kasaï-Oriental nous oblige à recourir à certaines pratiques de notre culture ancestrale pour y puiser les énergies nécessaires afin de faire face aux défis actuels. NDONDU WA TSHIYOLA répond à cette spécificité du contexte.
La Pros. : L'initiative de NDONDU WA TSHIYOLA est-elle individuelle ou est-ce un projet collectif ?
SK : A l'origine, rien n'empêche qu'un individu prenne l'initiative. Cependant, depuis le 13 janvier 2024, le projet de NDONDU est devenu une oeuvre collective de la communauté. Ce projet témoigne d'un niveau de maturité de la communauté après une longue période d'absence de réflexe pour la recherche consensuelle des orientations et engagements collectifs. Sans aucune incitation matérielle ou motivation politique, les représentants des grands secteurs d'activités, du Kasaï-Oriental, ont accepté de se réunir en une conférence préparatoire pour discuter de l'éventualité de NDONDU WA TSHIYOLA. Y ont pris part les confessions religieuses, les opérateurs économiques et sociaux, ainsi que les acteurs du monde scientifique, les pouvoirs publics provinciaux et les pouvoirs coutumiers.
La Pros. : Quels sont les résultats de cette Conférence préparatoire de NDONDU WA TSHIYOLA ?
SK : Les décisions consensuelles de cette conférence reflètent la prise de conscience de l'urgence des actions à entreprendre face à cette crise socio-économique devenue permanente, menaçant même l'existence de la communauté. Parmi ces décisions, il y a eu la reconnaissance de l'existence de TSHIYOLA au sein de la communauté, la nécessité de se réunir dans les assises, formes traditionnelles de la communauté appelées NDONDU WA TSHIYOLA pour établir un consensus collectif sur les causes de TSHIYOLA dans ce temps moderne ; sur les pistes de solutions ; ainsi que sur l'engagement pour des actions prioritaires ; la mise en place du Comité d'organisation de NDONDU ; et le calendrier pour l'organisation de NDONDU.
La Pros. : Quelles sont les attentes de ces assises?
SK : L'organisation de cet événement impose un débat structuré au sein de la communauté, plutôt que des réactions spontanées souvent reprises par l'élite intellectuelle. Par exemple, la malnutrition est parfois attribuée aux paysans locaux qui ne produiraient pas suffisamment, ignorant que la cité de Mbujimayi, qui compte plus d'un million d'habitants, n'a toujours pas été nourrie par la production de quelques parcelles de terre travaillées de manière artisanale. Autrefois, le ravitaillement se faisait par de gros camions, mais aujourd'hui, on dépend essentiellement des vélos, ce qui explique en partie cette désorganisation sur le marché des produits alimentaires. On assiste, impuissants, à la fuite des cerveaux et des forces de travail h du Kasaï.
Les résolutions de NDONDU visent à redonner confiance à la communauté pour qu'elle soit en mesure de se prendre en charge de manière organisée dans les différents secteurs de la vie. Il est essentiel d'instaurer rapidement des mécanismes d'accompagnement pour le fonctionnement de tous les outils de la province, notamment les pouvoirs publics. Aucune cité moderne ne peut conserver sa dimension humaine sans les piliers d'organisation collective que représentent les pouvoirs publics. La Constitution du Congo permet aux communautés de base de disposer légalement des pouvoirs publics locaux qu'elles peuvent contrôler et utiliser pour résoudre de manière collective leurs problèmes quotidiens. Le problème est que ces outils ne fonctionnent pas efficacement et ne contribuent pas à la résolution des problèmes cruciaux. NDONDU abordera également l'accompagnement du monde associatif, qui devrait réduire l'isolement de l'individu qui lutte seul, comme s'il était sur une île. Il est crucial de maîtriser les différents espaces d'activités pour vivre dans une société humaine par excellence, et non dans une jungle.
La Pros. : Comment envisagez-vous de résoudre les problèmes matériels et financiers pour soutenir l'organisation de cet événement ?
SK : Pour la résolution des problèmes matériels et financiers de l'organisation de ce NDONDU, nous devons compter sur la solidarité, tant de la part des membres de la communauté que des institutions de la République. Actuellement, le niveau de désorganisation est comparable à celui des communautés en guerre, qu'il s'agisse de conflits armés ou de guerres hybrides. Il devient extrêmement difficile de trouver des solutions pour améliorer les conditions existentielles de la communauté sans une renaissance de la confiance mutuelle. L'activité de NDONDU contribue à assainir et à renforcer le climat de confiance.
La Pros. : Quelle est votre conclusion pour cette interview ?
SK : Si aujourd'hui nous parlons du Kasaï-Oriental, cette situation ressemble à bien des égards à celles d'autres régions sur le territoire national. C'est pourquoi, les conclusions de NDONDU peuvent également intéresser les institutions publiques nationales pour une réflexion globale sur l'accompagnement des pouvoirs provinciaux et locaux en difficulté de fonctionnement par rapport à leurs missions fondamentales. Pour les organisateurs, l'un des buts essentiels de ce premier NDONDU du 21e siècle pour la communauté est de trouver un consensus à double volet : Premièrement, sur la manière de sortir de l'impasse de la culture organisationnelle actuelle, source d'une attitude passive mortelle dont nous sommes victimes. Deuxièmement, sur un engagement ferme à soutenir un processus d'accompagnement de notre communauté, de ses pouvoirs publics et de l'ensemble de son tissu associatif, pour une reprise en main effective de notre destinée.