Les commémorations officielles ont débuté ce dimanche 7 avril au Rwanda. Ce jour marque le début des tueries de ce qui deviendra le dernier génocide du XXe siècle. Celui-ci a fait environ 800.000 morts.
La communauté internationale est souvent critiquée pour son inaction avant et durant le génocide de 1994 au Rwanda. Lors de sa prise de parole, ce 7 avril à Kigali, devant des milliers de personnes réunies, Paul Kagame a déclaré que la communauté internationale a laissé tomber les Rwandais, soit par mépris, soit par lâcheté.
Un sentiment également exprimé par le président de la Commission de l'Union africaine, Moussa Faki Mahamat, qui a rappelé que personne ne saurait se disculper de son inaction face à ce génocide qui était prévisible.
De son côté, le président français Emmanuel Macron a affirmé, dans une vidéo diffusée ce 7 avril, que "la France assume tout". Il est bon de rappeler que déjà, en mai 2021, lors d'un déplacement à Kigali, le président français avait alors dit être venu "reconnaître" les "responsabilités" de la France.
Pour l'écrivain et journaliste burundais, David Gakunzi, le rôle de certains Etats dans la construction, la préparation et la mise en place du génocide est réel.
Il rappelle notamment le rôle historique que la Belgique a joué durant la colonisation avec l'idéologie raciale qui a divisé les hutus et les tutsis en ethnies. Les premiers massacres perpétrés contre les tutsis ont en effet eu lieu en 1959, du temps de la colonisation belge.
"On a laissé faire parce qu'il n'y avait pas de volonté politique d'agir, on a laissé faire parce que peut-être qu'il n'y avait pas trop d'intérêts économiques en jeu au Rwanda. On a laissé faire parce que dans des cas de génocide comme celui du Rwanda, comme la Shoah, comme le génocide arménien ou le génocide contre les Cambodgiens, tous ces génocides du 20e siècle, il y a eu toujours la trahison de l'humanité contre une partie de l'humanité," explique l'écrivain à la Deutsche Welle.
Quid des Nations Unies ?
Les Nations unies ont aussi été plusieurs fois mises en cause. Dans un entretien accordé à nos collègues de Deutschlandfunk, le diplomate allemand Harald Ganns précise que le commandant en chef des Casques bleus, le général canadien Roméo Dallaire, avait très tôt mis en garde l'Onu.
"Ce général canadien a exigé avec encore plus d'insistance qu'on lui donne un mandat, ce qui l'autoriserait à intervenir directement par la force des armes. Cela aurait pu empêcher la catastrophe, il n'aurait pas pu l'empêcher totalement, mais aurait au moins pu la réduire, car les casques bleus qui y étaient stationnés - je crois qu'ils étaient 2.500, 3.000, de tous les pays possibles, étaient équipés d'armes modernes, alors que le génocide, aussi horrible que cela puisse paraître, a été perpétré par des hommes armés, pas avec des armes modernes, mais avec le coupe-coupe, " s'offusque l'ancien diplomate.
Est-ce que ce carnage aurait pu être évité ?
Le chercheur allemand Gerd Hankel n'en est pas si sûr. Il rappelle que l'élément déclencheur du génocide, le 6 avril 1994, est le crash de l'avion de l'ancien président rwandais, Juvénal Habyarimana.
Mais il aurait fallu, selon lui, s'apercevoir bien avant de ce qui se tramait au Rwanda : cette atmosphère génocidaire qui a débuté après le début de la guerre civile, le 1er octobre 1990.
Gerd Hankel explique qu'"on n'a pas regardé de plus près ce qui se passait au Rwanda, c'était un pays de peu d'importance. Et cette responsabilité incombe à toutes les parties impliquées, à savoir, la Belgique, la France, les Etats-Unis, la Grande Bretagne, et aussi, dans une moindre mesure, parce que l'Allemagne n'était pas tellement impliquée au Rwanda, à l'Allemagne aussi. "
Ce dimanche 7 avril, le haut-commissaire de l'Onu aux droits de l'Homme, Volker Türk, a exhorté les Etats du monde entier à redoubler d'efforts pour traduire en justice tous les auteurs présumés de génocide encore en vie.