Echanges instructifs sur un sujet brûlant
Mohammed Harakat : Les perceptions sociales constituent un obstacle majeur à ce niveau
Badr Zaher Al-Azrak : Il faut surpasser ce retard qui nuit aux efforts accomplis
Le siège historique de l'USFP à Agdal a abrité, le 04 avril 2024, une conférence sur l'autonomisation économique des femmes avec la participation de Khaoula Lachguar, membre du Bureau politique de l'USFP, Mohammed Harakat, professeur universitaire, et Badr Zaher Al-Azrak, professeur à l'Université Hassan II de Casablanca.
Les intervenants ont unanimement souligné la nécessité de l'indépendance financière des femmes, car cette question est devenue une priorité à l'échelle mondiale. Etant donné que le pays a réalisé des progrès significatifs dans plusieurs domaines, il est indispensable de reconnaître que le développement durable et inclusif ne peut être atteint sans l'inclusion de la moitié de la société.
Dans son intervention, Khaoula Lachguar, membre du Bureau politique de l'USFP, a expliqué que pour parvenir à l'autonomisation économique des femmes, il est essentiel de défendre en premier lieu les droits des femmes qui représentent la moitié de l'humanité. Elle a affirmé que la première étape de ce combat consiste à s'opposer aux lois discriminatoires et injustes et à les modifier. L'indépendance économique des femmes nécessite également la mise en place de politiques publiques intégrant une perspective de genre, afin de favoriser l'amélioration des conditions économiques et sociales des femmes.
Elle a mis en exergue que l'autonomisation économique des femmes est un combat continu visant à parvenir à une égalité totale. Elle a aussi retracé l'histoire de la subordination des femmes, notant que la propriété et la production sont des facteurs clés dans la consolidation des disparités sociales et la discrimination entre hommes et femmes.
Khaoula Lachguar a relevé qu'au cours de l'histoire, les femmes ont été largement exclues de la participation économique, ce qui a contribué à la perpétuation de stéréotypes les dépeignant comme moins créatives, moins innovantes et incapables de produire, insistant sur l'importance de reconnaître le travail domestique en citant une étude du Fonds monétaire international sur le Japon, indiquant que ce pays pourrait accroître son développement de 2% en reconnaissant ce travail.
Khaoula Lachguar a, en outre, insisté sur le fait qu'un développement durable ne peut être réalisé sans l'autonomisation économique des femmes, indiquant que le Maroc ne peut pas progresser de manière équilibrée sans cet aspect et qu'il est nécessaire de rompre avec les stéréotypes et les traditions rétrogrades.
Pour sa part, le professeur universitaire Mohammed Harakat a rappelé que le siège historique de l'USFP, où s'est déroulée cette conférence, a abrité dans le passé des formations, des séminaires intellectuels et politiques encadrés par des personnalités éminentes.
Au début de son intervention, Mohammed Harakat a soulevé plusieurs questions concernant l'indépendance économique des femmes, à savoir : Pourquoi sommes-nous en retard dans l'accès des femmes au marché du travail et en matière de développement humain? Quels sont les indicateurs de l'autonomisation économique? La question peut-elle être réduite à une seule dimension juridique? Quel est le rôle des partis politiques, des associations et de la société civile dans l'autonomisation économique? Quelle est la relation entre l'autonomisation économique des femmes et la gouvernance ainsi que la démocratie? La précarité et la réalité des femmes sont-elles des obstacles à l'autonomisation économique? Quels sont les obstacles et les conditions de mise en oeuvre de l'indépendance économique des femmes?
Mohammed Harakat a établi un lien entre l'autonomisation économique des femmes, la dignité féminine et la fragilité du système économique, rappelant que l'économie du Maroc est axée sur l'entrepreneuriat et est composée à hauteur de 64% de PME, tandis que les grandes entreprises ne représentent que 7,2%. La contribution des femmes dans ces entreprises s'élève à 12%. En outre, les obstacles du système fiscal entravent l'investissement et alimentent la méfiance envers le système de production, ce qui limite les opportunités d'investissement et engendre un manque de confiance de l'ordre de 88%. Il y a également des pratiques informelles qui contribuent à hauteur de 66%, ce qui n'aide pas à créer de la richesse.
L'intervenant a affirmé que la participation des femmes à l'économie, selon un rapport récent datant de mars 2024, se situe à seulement 19%, ce qui est très faible et inférieur au taux mondial de 26%.
Il a précisé, dans ce contexte, que les perceptions sociales constituent un obstacle majeur pour l'autonomisation économique des femmes, énumérant plusieurs autres raisons sociales liées à ce sujet, telles que le refus de certaines familles de permettre aux femmes de travailler, les structures et le marché du travail peu favorables à l'accès des femmes à l'emploi, des conditions de travail difficiles, le harcèlement, les discriminations, ainsi que l'instabilité professionnelle.
De son côté, Badr Zaher Al-Azrak, professeur à l'Université Hassan II de Casablanca, a estimé que le Maroc est en tête dans plusieurs domaines au niveau de l'Afrique et du monde arabe, et il ne peut par conséquent rester en retard dans le domaine de l'autonomisation économique des femmes.
Il a souligné que la Constitution actuelle a favorisé les droits des femmes marocaines à plusieurs niveaux, et il est nécessaire de mettre en oeuvre ces droits et de les concrétiser dans la réalité, ajoutant que le Maroc a révisé le Code de la famille il y a vingt ans, et aujourd'hui il rouvre ce dossier pour l'améliorer à la lumière de l'expérience précédente.
L'intervenant a précisé que la Constitution et les traités internationaux ratifiés par le Maroc exigent l'harmonisation de plusieurs dispositions légales en vue de garantir la parité, l'égalité et l'indépendance économique des femmes.
Il a également mis l'accent sur le rôle de l'éducation et de la formation en tant que catalyseurs du développement durable global et de l'indépendance économique des femmes en particulier, considérant qu'une grande partie de l'échec des grandes politiques économiques et sociales est liée aux lacunes dans le système éducatif et de formation.
Badr Zaher Al-Azrak a insisté sur le fait que la question de l'autonomisation économique des femmes relève de la responsabilité de l'Etat en tant qu'acteur principal, ainsi que de celle des partis politiques et des associations, soulignant la nécessité de traiter cette question dans le cadre d'une approche intégrée au sein d'un système démocratique et d'une économie nationale forte.