Au Mali, retour sur ces combats qui ont opposé vendredi dernier les rebelles du Cadre stratégique permanent (CSP) aux jihadistes du Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (Jnim) liés à Al-Qaïda. Ils ont eu lieu près de la forêt de Wagadou, à la frontière avec la Mauritanie, et auraient fait, selon les sources, entre une dizaine et une vingtaine de morts, dans les deux camps. Cet affrontement a de quoi surprendre, puisque le CSP et le Jnim ont tous deux pour priorité de combattre l'armée malienne et ses supplétifs de Wagner. Comment le comprendre ? Quelles conséquences sur le terrain ?
Aux autorités maliennes de transition qui accusent les rebelles du CSP et les jihadistes du Jnim d'avoir formé une « association » pour « semer la terreur » et « porter atteinte à l'unité nationale et à l'intégrité territoriale du Mali » selon les termes de la procédure commune lancée en novembre dernier par la justice malienne contre plusieurs chefs du CSP et du Jnim, les combats de vendredi dernier apportent un sérieux démenti.
Contrôle du territoire
Mais un démenti sanglant et révélateur de tensions profondes. Le Jnim n'a pas communiqué sur ces combats mais le CSP a lui-même expliqué qu'il s'agissait d'une question de territoire : les jihadistes refusent que le CSP, historiquement présent dans les régions du nord, mène des actions dans le sud du Mali.
Aly Tounkara est le directeur à Bamako du Centre des études sécuritaires et stratégiques au Sahel (CE3S). « Les deux acteurs ont du mal à s'accorder sur les modalités de contrôle et même de gouvernance des territoires, explique le chercheur malien. Les finalités sont quand même différentes, l'un étant dans une posture indépendantiste, l'autre étant dans une dynamique d'application effective, réelle de la charia. »
« Une aubaine »
Le CSP et le Jnim ont pourtant un ennemi commun déclaré : l'armée malienne et ses supplétifs de Wagner, qui apparaissent de fait comme les premiers bénéficiaires de ces divisions.
« Clairement, ces divisions pourraient être saisies par l'État du Mali comme une aubaine, analyse Aly Tounkara, même si cela ne devrait pas avoir d'incidence sur le plan tactique, opérationnel, quant aux actions de l'armée malienne qui sont en cours. »
En clair, les Forces armées maliennes (Fama) peuvent en tirer profit, mais sans que cela modifie leur propre stratégie : « Du moment où les deux groupes (Jnim et CSP, ndlr) ne sont pas réunis au sein des mêmes quartiers généraux et ne partagent pas les mêmes approches, l'incidence sur l'action militaire (des Fama, ndlr) est marginale, voire nulle. » Et sur l'action du CSP, qui promet, depuis sa défaite à Kidal en novembre dernier, de prendre sa revanche sur l'armée malienne et ses supplétifs de Wagner ?
« Ces affrontements ne changent rien, assure aujourd'hui un cadre rebelle, qui concède que l'opposition du Jnim pourrait « ralentir » les opérations programmées, mais qui affirme surtout que le CSP reste déterminé à mener des attaques « sur tout le territoire du Mali ».