Tunisie: La Tunisie célèbre la Journée mondiale de la santé - La réforme de l'hôpital public, une urgence !

10 Avril 2024

Alors que le monde célèbre la Journée mondiale de la santé, l'hôpital public va mal en Tunisie. Son état dégradé illustre malheureusement la défaillance de tout le système sanitaire, à commencer par la qualité des soins jusqu'aux problèmes structurels.

La Tunisie a célébré, dimanche dernier, la Journée mondiale de la santé. Une célébration qui intervient dans un contexte où l'accès à la santé demeure difficile et où la situation du personnel soignant est toujours inconfortable. Comment réformer un secteur en détresse en pleine crise économique ?

L'hôpital public va mal, certes. La situation est telle que les infrastructures sanitaires sont dans l'incapacité de répondre aux besoins des citoyens, notamment dans les zones intérieures du pays, le constat est fait même par les autorités. Si le Chef de l'Etat, Kaïs Saïed appelle à hâter la réalisation des grands projets pour pallier les déserts médicaux, de nombreuses entraves y font face. Entre situation foncière, manque de financements et lourdeur bureaucratique, le rêve de voir des complexes hospitaliers modernes, du moins dans chaque district du pays, semble irréalisable.

Autant rappeler que les infrastructures sanitaires déjà installées sont défaillantes, alors que tout le secteur commence à se remettre après la crise épuisante du coronavirus. En effet, les hôpitaux publics en Tunisie sont souvent surpeuplés, avec du personnel épuisé et des patients mécontents. Les heures d'attente pour les traitements, les patients en colère et les équipements défectueux sont devenus des problèmes chroniques, et ne sont que la partie émergée de l'iceberg.

%

Selon plusieurs rapports de la société civile, l'hôpital public tunisien souffre de corruption, d'inégalités régionales dans l'accès aux équipements avancés et de déserts médicaux où les régions manquent de professionnels de la santé. Le secteur manque de membres du personnel qualifié. A cette triste image, s'ajoutent les questions d'endettement des hôpitaux et la fuite du personnel soignant.

Cependant, pour les autorités, ces critiques du secteur sont souvent exagérées. On souligne, d'ailleurs, que les différents indicateurs de santé en Tunisie répondent aux normes internationales et que l'espérance de vie à la naissance a augmenté de 66 à 73 ans en seulement une décennie, ce qui montre que le système de santé fonctionne.

C'est dans ce sens que le ministre de la Santé, Ali Mrabet, a souligné que la Tunisie oeuvre résolument à réussir de nouvelles percées à l'échelle mondiale et continue à aller de l'avant dans la réalisation des objectifs auxquels aspire le secteur de la santé en Tunisie, dans ses diverses branches.

Dans une déclaration publiée, dimanche, à l'occasion de la Journée mondiale de la santé, célébrée le 7 avril de chaque année, le ministre de la Santé s'est félicité des progrès réalisés par la Tunisie dans le domaine sanitaire. Il a affirmé à ce propos que la Tunisie parvient à suivre de près la cadence des maladies émergentes et réémergentes, soulignant que les progrès dans ce sens seront maintenus en dépit des défis inhérents à la flambée des prix des équipements médicaux dans le monde et à l'exode du cadre médical et paramédical.

Faut-il révolutionner les législations ?

Mais cet écart entre le discours politique et la réalité dans les hôpitaux se confirme de jour en jour, tant que les citoyens manquent dans certaines régions des infrastructures sanitaires les plus basiques.

D'ailleurs, même pour le personnel soignant, il est aujourd'hui urgent de trouver une solution pour faire face à la défaillance du système sanitaire en Tunisien à commencer par les législations et les cadres légaux. Contacté à cet effet, le président de la Commission de la santé et des affaires de la femme, de la famille, des affaires sociales et des personnes handicapées à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), Nabih Thabet, confirme que le parlement se penche actuellement sur cette question.

Il a évoqué des projets de loi en cours d'examen qui doivent constituer un début de solution pour le secteur de la santé qui souffre selon ses dires de grands manquements et même de dysfonctionnements. «Le premier projet de loi porte sur la responsabilité médicale et c'est une priorité pour nous. Ce projet protégera les médecins et tout le personnel médical contre les arrestations abusives et proposera de nouveaux cadres légaux pour garantir également les droits des patients. Un autre projet portera sur une loi qui doit renforcer la présence du personnel soignant dans les zones intérieures et prioritaires du pays en offrant des encouragements et des privilèges aux médecins », a-t-il noté.

Interrogé sur la question du manque d'équipements dans ces zones, notre interlocuteur affirme que la Tunisie est parvenue à mobiliser de nombreux équipements couvrant les différents hôpitaux régionaux du pays, mais le manque réel réside dans les effectifs et dans le personnel soignant qui préfère exercer, selon ses dires, dans le Grand-Tunis, dans les zones côtières ou à l'étranger.

L'exode des médecins, une maladie chronique !

En effet, ces dernières années, plusieurs milliers de médecins, d'infirmiers, de techniciens en radiologie et de cadres médicaux et paramédicaux ont décidé de tout plaquer pour rejoindre d'autres pays qui les accueillent à bras ouverts. La France, l'Allemagne, le Canada ou les pays du Golfe, ce sont les destinations préférées de nos médecins et de notre personnel soignant surtout pour des raisons financières. Mais pas que, alertent les spécialistes, le phénomène dépasse de loin les raisons liées aux salaires et aux conditions financières, mais il semble que tout l'environnement de travail et le mode de vie en Tunisie n'attirent plus ces compétences.

Comment convaincre un médecin tunisien de rester dans son pays en dépit des conditions de travail catastrophiques dans certaines régions ? Comment le dissuader de quitter son pays qui a investi considérablement dans sa formation et son expérience professionnelle si on sait qu'à l'étranger on lui offre de meilleures conditions socioprofessionnelles ? Comment inciter les jeunes médecins à sacrifier tout pour servir leur pays incapable de leur offrir un strict minimum de droits ?

Nabih Thabet estime qu'il est «peut-être grand temps de passer de l'encouragement à l'obligation», faisant allusion à des cadres légaux qui obligeront les médecins à ne pas quitter prématurément le pays. Il rappelle également que la carte sanitaire en Tunisie encourage le détournement des patients vers les cliniques privées.

AllAfrica publie environ 400 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.