Depuis plusieurs années, le secteur des VTC (Voitures de transport avec chauffeur) au Maroc connaît une expansion fulgurante. À Casablanca, Rabat, Marrakech et dans d'autres grandes villes du Royaume, des applications de transport ont su s'imposer comme une véritable alternative au taxi, offrant aux citoyens des solutions de déplacement pratiques et efficaces, tout en fournissant une opportunité d'emploi flexible et accessible pour de nombreux jeunes sans travail et en difficultés financières.
Cependant, cette croissance galopante des VTC est confrontée à un obstacle majeur et préoccupant: l'absence totale de réglementation. Contrairement à d'autres pays où des cadres réglementaires ont été établis pour encadrer le fonctionnement des services de VTC, le Maroc se retrouve dans une situation où il n'existe aucune règle, aucun cadre légal pour régir ce secteur en pleine croissance.
Cette absence de réglementation claire et adaptée a engendré une série de problèmes et de défis considérables. Faute de règles précises, les entreprises de VTC opèrent dans un vide juridique, ce qui laisse place à l'incertitude et à l'instabilité. Les chauffeurs et les passagers se trouvent confrontés à des questions de sécurité et de responsabilité, sans qu'il y ait de normes claires à suivre.
De plus, cette absence de réglementation engendre non seulement un climat d'incertitude, mais alimente également une tension palpable entre les chauffeurs VTC et les traditionnels chauffeurs de taxi. Cette tension, loin de s'apaiser, semble prendre des proportions alarmantes. Les incidents sont devenus monnaie courante, illustrant une scène devenue presque habituelle. Un conducteur VTC transportant un client se retrouve soudainement encerclé, voire agressé par plusieurs chauffeurs de taxi rouge, et ce, en plein jour, sur la voie publique. Dans ces circonstances, on pourrait s'attendre à ce que les forces de l'ordre interviennent pour rétablir l'ordre et protéger le chauffeur victime d'agression. Cependant, la réalité semble bien différente.
Souvent, lorsque la police débarque sur les lieux, ce n'est pas pour protéger le chauffeur VTC agressé ou interpeller ses agresseurs, mais plutôt pour prendre des mesures à son encontre. Il n'est pas rare de voir les autorités embarquer le conducteur VTC, immobiliser sa voiture et lui infliger une contravention particulièrement lourde.
«Il est grand temps que cela cesse. Certains taxis vont même jusqu'à recourir à des méthodes dignes de voyous pour faire pression sur les chauffeurs de VTC et leurs clients», nous explique Mohamed Amine, un jeune Casablancais qui travaille dans le domaine des VTC depuis bientôt 3 ans. «Ils les perçoivent clairement comme une menace pour leur confortable monopole, alors même que les VTC sont plébiscitées par bon nombre de citadins en quête de solutions de transport plus sûres et plus respectueuses», ajoute-t-il.
«C'est un cri du coeur que j'émets aujourd'hui contre l'arrogance des taxis au Maroc», lance Salma, une Casablancaise de 38 ans. «Ils se comportent comme des voyous, ils se croient au-dessus des lois, au-dessus du respect d'autrui, et certainement au-dessus de nous, simples citoyens». «À combien de reprises avons-nous été confrontés au refus d'une course sous prétexte que cela ne convient pas à leur bon vouloir? À combien d'occasions avons-nous vu ces chauffeurs prendre des risques insensés sur la route, mettant en danger la vie de tous, pour des motifs aussi futiles que leur soi-disant «urgence»?», dénonce Salma.
«Et que dire de leur mépris flagrant envers les piétons? Combien de fois avons-nous dû braver l'enfer des klaxons assourdissants des taxis impatients, menaçant à chaque pas notre sécurité ? Combien de fois avons-nous été témoins de leur stationnement anarchique, bloquant impunément la circulation et ignorant superbement les autres usagers ?», souligne la jeune femme pour exprimer son ras-le-bol.
Dans cette confrontation, les réseaux sociaux jouent également un rôle prépondérant, servant de tribune pour les deux parties. Les chauffeurs de taxi et les chauffeurs VTC se livrent une bataille virtuelle, tentant de rallier à leur cause le soutien populaire et d'influencer les décisions des autorités. Les usagers de VTC, eux aussi, prennent part à cette confrontation en mettant en lumière les avantages indéniables de ces plateformes tout en pointant du doigt les lacunes des taxis, notamment en matière de qualité de service et de comportement des chauffeurs.
L'attente impatiente d'une réglementation adéquate se fait ressentir avec une intensité croissante parmi les acteurs du secteur des VTC qui emploie entre 10.000 et 12.0000 personnes à travers le Royaume.
Beaucoup de chauffeurs professionnels, ayant délaissé le traditionnel taxi pour embrasser les opportunités offertes par les plateformes de VTC, se retrouvent dans une situation précaire, confrontés à des défis administratifs et juridiques entravant leur capacité à travailler en toute légalité et sérénité.
Dans cette quête désespérée pour une régulation juste et équitable, le Syndicat démocratique des transports (SDT) émerge comme un acteur central. Depuis 2018, cette organisation se bat ardemment pour faire reconnaître la légitimité des chauffeurs de VTC et pour établir un cadre réglementaire garantissant à la fois la sécurité des usagers et les droits des professionnels.
Le SDT se positionne en première ligne, clamant haut et fort l'urgence d'une régulation équitable et cohérente. Toutefois, malgré les appels répétés et les efforts concertés, le ministère de tutelle tarde à concrétiser ses promesses, laissant les acteurs du secteur dans une impasse frustrante.
Les retards accumulés et l'absence de vision claire quant à l'avenir de l'industrie suscitent légitimement l'inquiétude et l'impatience parmi les chauffeurs de VTC et leurs représentants syndicaux. Une tension persiste, tandis que la pression monte pour que des mesures concrètes soient enfin prises, garantissant un avenir stable et sécurisé pour les professionnels du secteur des VTC au Maroc.
En dépit des efforts déployés par le SDT et d'autres acteurs du secteur, le chemin vers une régulation effective semble semé d'embûches. Les retards accumulés dans la concrétisation de cette réglementation suscitent des interrogations légitimes: pourquoi le Maroc, un pays résolument tourné vers l'avenir, peine-t-il à accompagner cette évolution majeure dans le domaine du transport ?
Dans ce contexte, alors que le pays se prépare à accueillir des événements de renommée mondiale, la nécessité d'une régulation du secteur des VTC se fait plus pressante que jamais. La Coupe d'Afrique des Nations en 2025 et la Coupe du Monde en 2030, à titre d'exemple, représentent autant d'opportunités de rayonnement international pour le Royaume, mais aussi des défis logistiques et organisationnels auxquels une industrie du transport efficiente et régulée pourrait apporter des solutions concrètes.
Face à cette urgence, il est temps pour les autorités marocaines de prendre des mesures immédiates et d'adopter une approche proactive dans la régulation du secteur des VTC. Car au-delà des enjeux économiques et technologiques, il en va de la qualité de vie des citoyens, de la compétitivité du pays sur la scène internationale et de l'avenir même du transport urbain au Maroc. La nécessité d'une action rapide et décisive se fait de plus en plus ressentir, afin de créer un environnement propice à une mobilité efficace et sécurisée pour tous, tout en positionnant le Maroc comme un leader innovant dans le domaine du transport urbain à l'échelle continentale.