Le projet de nouvelle Constitution divise au Togo. C'est un véritable bras de fer qui oppose pouvoir et opposition, faisant craindre des lendemains incertains dans ce petit pays d'Afrique de l'Ouest coutumier des violences politiques. En effet, alors que le gouvernement a interdit leur marche de protestation en invoquant l'argument du risque de troubles à l'ordre public, les partis politiques d'opposition, eux, persistent et signent: la manif est bel et bien maintenue.
En tout cas, ils l'ont réaffirmé le 11 avril 2024. Toutefois, quelques réajustements ont été faits. En effet, initialement prévue pour trois jours, la manifestation a été écourtée à deux jours et devra donc se tenir les 12 et 13 avril alors que son itinéraire a été légèrement modifié. En tout cas, la mise en garde du pouvoir contre «les éventuels contrevenants qui devront répondre de leurs actes conformément aux lois de leur pays», n'aura pas fait fléchir l'opposition politique. Cette dernière semble plus que jamais déterminée à aller jusqu'au bout dans sa contestation. En fait, sans forcément rejeter le contenu du nouveau texte qui, selon certains experts, limite les pouvoirs du président de la République et renforce la démocratie, du fait du passage du régime présidentiel à un régime parlementaire, c'est l'opportunité même de la révision constitutionnelle qui pose problème au Togo.
Le pouvoir a mis la charrue avant les boeufs
Qu'y a-t-il de si urgent pour que le président au pouvoir depuis 2005, qui a déjà opéré une révision constitutionnelle en 2019, procède à un nouveau changement de la Loi fondamentale? En tout cas, pour l'opposition, il n'y pas de duperie possible ; elle qui se laisse convaincre qu'il s'agit d'une énième manoeuvre du pouvoir Gnassingbé pour prolonger son règne à la tête de l'Etat. Et elle n'a pas tort, puisque la nouvelle Constitution viendra remettre les compteurs à zéro et offrir ainsi une «virginité électorale» à celui qui est à près de deux décennies de règne sans partage.
Cette révision constitutionnelle éveille d'autant plus de soupçons que la procédure ne semble pas avoir été rigoureusement suivie jusqu'au bout. Tout porte à croire que le texte a été rédigé par une minorité sans la moindre inclusion de la majorité encore moins du peuple. C'est, en tout cas, ce que dénoncent l'opposition et la société civile. Et la campagne de sensibilisation sur ce texte, initiée dans la foulée par le gouvernement, qui a repoussé les législatives au 29 avril au lieu du 20, est la preuve que le pouvoir a mis la charrue avant les boeufs dans le processus d'adoption de la nouvelle Constitution. Dès lors, on se demande jusqu'où ira le bras de fer entre le pouvoir et l'opposition dont l'élément déterminant est visiblement le peuple qu'il faudrait, pour chacun de ses deux camps, avoir de son côté? Le temps nous le dira assurément. Pourvu que le Togo en sorte gagnant ! C'est tout le mal qu'on puisse souhaiter à ce pays en quête de démocratie et de développement.