Des producteurs ont dû abandonner leurs champs en raison de l'insécurité. Des groupes armés et des militaires sont accusés de piller les récoltes de cacao.
Depuis le début de l'année, le prix de la tonne de cacao ne cesse de grimper pour atteindre désormais plus de 9.000 dollars sur les marchés internationaux. En République démocratique du Congo, cette hausse suscite de l'espoir chez les agriculteurs du Nord-Kivu et de l'Ituri, dans l'est du pays, où se cultive le cacao.
Mais à Beni, les agriculteurs ne pourront pas bénéficier de cette aubaine car nombre d'entre eux ont dû abandonner leurs champs en raison de l'insécurité. Le long du boulevard du 30 juin à Oicha, des tonnes de cacao sont étalées au soleil et de nombreux autres sacs sont transportés sur des têtes pour le stockage.
Pas question d'abandonner
Cet après-midi, nous rencontrons sur place Sylver Mumbere qui vient d'arriver de son champ avec 100 kilogrammes de cacao pour les revendre à Oicha. Après la vente, Sylver reprend le sourire mais il n'a pas oublié les embuscades des groupes armés auxquelles il a échappé plusieurs fois, en allant ou en revenant de son champ.
Sylver Mumbere, comme d'autres agriculteurs, prend encore le risque d'aller dans ses champs malgré les attaques des groupes armés comme les rebelles ougandais ADF.
"Quand on n'a pas de nourriture, qu'il faut payer les frais scolaire et les soins des enfants, on prend le risque. Un jour, j'ai survécu à une embuscade de l'ADF. Je les avais vus, j'étais à moto avec mon frère, ils l'ont tué, mais moi j'ai réussi à fuir. Mais bon, quoi faire ?... Je continue à aller dans mon champ juste pour la récolte du cacao. Aujourd'hui, je viens de gagner 700 dollars, je ne peux pas abandonner mon champ", explique-t-il à la DW.
"Des gens collectent notre cacao"
Lewis Saliboko, lui, a dû abandonner son champ en Ituri, il y a quatre ans. Il a échappé de peu à la mort lors d'une attaque attribuée aux rebelles ADF. Ce jour-là, 15 personnes dit-il, ont été tuées dont l'un de ses employés.
"Les rebelles nous ont surpris en plein travail au champ, nous avons tout abandonné. Moi j'avais une plantation de six hectares de cacao, je commençais déjà à récolter. Un grand investissement abandonné, je le regrette beaucoup quand j'apprends que le prix du cacao a augmenté. Maintenant, je suis ici en ville, je vis difficilement, alors que j'avais tout. Et il y a des gens qui collectent notre cacao. Nos champs ont été pris par d'autres personnes", se lamente Lewis.
De nombreux champs ont ainsi été volés par des groupes armés, confirment les propriétaires de plantations de cacao à Beni.
Les autorités locales et les services de sécurité ont plusieurs fois parlé d'un réseau de jeunes gens qui collaboreraient avec les groupes armés pour voler le cacao dans des champs et ensuite le revendre en ville aux exportateurs.
Des militaires aussi
Mais, Richard Kirimba, président de la société civile de Beni, rappelle que plusieurs rapports de la société civile ont aussi dénoncé l'implication de certains militaires dans la commercialisation du cacao à Beni.
"Certains militaires continuent à exploiter les produits des champs, comme le cacao. On a même certaines positions militaires où, si vous entrez dans le camp, vous trouverez du cacao étalé au soleil. Aujourd'hui, il est constaté que les producteurs de cacao sont menacés soit par l'ADF, soit par des militaires incontrôlés qui s'adonnent au vol du cacao, soit encore par des civils qui se transforment en bandits pour attaquer les producteurs", explique Richard Kirimba.
Face à cette situation désastreuse pour les producteurs, le président de la société civile de Beni, demande à "l'administration publique de prendre des mesures nécessaires pour protéger les producteurs du cacao et que la justice militaire ouvre des enquêtes, afin d'identifier les militaires qui sont impliqués dans la commercialisation du cacao".
L'insécurité à Beni a plongé plusieurs familles dans une extrême pauvreté car nombre d'entre elles vivaient de l'agriculture. Il y a environ un mois, le prix d'un kilogramme de cacao est passé, de trois à sept dollars américains sur le marché local.