Congo-Brazzaville: Musique urbaine - Jessy B, coqueluche de la scène rap au pays

Jessy B n'entre pas dans les cases, elle ne chante pas pour mettre en exhibition son corps et n'est pas sur les podiums pour voler la place de quiconque mais se forge sa propre route dans les arcanes du rap fortement influencés par les hommes. Prix RFI 2023, Jessy B, de son vrai nom Jessica Francia Diatsona Biggerman, est l'une des chanteuses rappeuses les plus populaires de la scène congolaise grâce à ses œuvres décoiffantes qui interpellent et éveillent.

Cheveux tressés, jean large, haut over size, Jessy B nous reçoit dans le studio de Steve stratus, l'un de ses collaborateurs et ami de longue date. L'artiste est d'ailleurs entourée d'hommes qui ne tarissent pas d'éloges sur elle. « C'est notre pote, au lycée quand nous jouions au football, elle était l'une des meilleures de l'équipe et quand elle était absente, nous allions la chercher », se remémore Youssouf Balley Mégot, artiste photographe. Un cercle dans lequel l'artiste se sent bien et en sécurité. Et si au départ Jessy B est sur ses gardes, elle se laisse rapidement prendre au jeu de questions et réponses.

Première surprise, sa voix puissante impressionne, son discours encore plus, car malgré son jeune âge, l'artiste a des choses à dire. Dépouillée de ses peurs, elle sort de sa coquille et ose désormais déployer ses ailes. L'auteure de "Dégât na dégât", " Bisso" a pris de l'assurance. Elle n'a rien à prouver au monde si ce n'est que d'exprimer son ressenti par rapport à son vécu, à la société congolaise et bien évidemment au monde qui va à la dérive.

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Dans un véritable jeu de miroirs, elle dépeint sans tabou les facettes sombres de la société, invitant à la prise de conscience via des conseils. A cette exploration s'ajoute la force de sa plume singulière qui frappe en plein coeur grâce à son flow agile et son rap grand ouvert sur le monde. Entre afro rap, hip- hop et autres sonorités, elle évoque des thèmes comme le développement de mentalité, l'épanouissement de la culture, l'éveil de conscience de la jeune femme congolaise, la dépravation des mœurs ainsi que l'autonomisation financière de la jeunesse. Des sujets qui fâchent certes, mais que l'artiste met en lumière pour une prise de conscience générale au regard de la recrudescence du banditisme au Congo.

Avoir le cran d'en parler c'est aussi aller à contre-courant de cette nouvelle génération d'artistes qui prône l'apparence extérieure en exposant vêtements, richesses, voitures, maisons, bijoux et occultant les véritables questions auxquelles est livrée la jeunesse congolaise. Ainsi, sa musique se définit comme rap conscient et proclame aussi un message d'espoir, interpellant particulièrement la jeune fille à se battre afin de réaliser ses rêves.

« La femme et la jeune fille en particulier se mettent des barrières. Ce n'est pas à nos parents ou à notre entourage de décider à notre place, nous avons l'obligation de tracer notre route même si nous devons faire des erreurs. C'est pourquoi, il faut travailler sur le changement des mentalités, et encourager les femmes à vivre leurs rêves en se débarrassant de la peur. Cela nécessite beaucoup de travail sur soi et qui dit travail sur soi dit responsabilité », indique l'artiste qui est consciente que sa voix compte pour faire évoluer les choses.

« Nous les femmes musiciennes, nous fournissons deux fois plus d'efforts pour décrocher un contrat et ce n'est pas normal. C'est aussi sur ce point précis que nous devons batailler sur ces inégalités qui freinent beaucoup de femmes à aller plus loin... Pour y arriver, il faut être mentalement forte afin de rejeter les propositions indécentes qui sont en fait des pièges pour vous maintenir entre leurs mains », informe Jessy. Elle a dû batailler fort pour sortir du lot en osant se positionner dans les festivals, concerts et autres manifestations pour faire connaître son travail. « Je suis le seul commandant du navire et c'est à moi de donner une direction à mon travail, à ma vie et si les autres suivent tant mieux », révèle Jessy B. Elle ne se repose pas sur ses lauriers car entre écriture, séances photos, spectacles et conférences, la jeune femme n'a juste pas le temps. Mais cela ne semble pas lui déplaire car, dit-elle, « c'est sur la scène et les tournages que je me sens vivre ».

Fille du rappeur King Biggerman, Jessy commence sa carrière à l'âge de 19 ans en signant avec le label Color Optic Studios de Brazzaville. Son premier titre "Joli bébé" lui vaut un début de notoriété. Une notoriété confortée par un prix aux "Scènes Tremplin Mboté Hip hop" en 2019. En 2020, elle est élue révélation féminine au Brazza Best Awards. Viennent ensuite les freestyles intitulés "PRC" et des titres comme "Je m'en fous", "Ouais je le sais", "Ça va aller", "Moi aussi", "Avec toi", "Ne doute pas". Elle est rapidement saluée par le grand public congolais mais aussi à travers l'Afrique centrale et dans la diaspora. Elle a été nommée en 2023, après le Festival panafricain de musique, meilleure rappeuse de l'Afrique centrale. On lui souhaite bon vent !

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