Ile Maurice: J-18 - Un jeu de poker qui tient en haleine

Dans un contexte de tension palpable et d'incertitude légale, la population se trouve suspendue face à l'issue d'une bataille judiciaire qui pourrait affecter des milliers de ci- toyens connectés. La question du réenregistrement obligatoire des cartes SIM préoccupe ces nombreux citoyens concernés par les implications sur leurs droits fondamentaux. Avec une échéance fixée au 30 avril, soit dans 18 jours, la pression monte.

Dans ce climat d'urgence, diverses entités, incluant des ministères, des organismes gouvernementaux et même certaines institutions bancaires, encouragent une action rapide de la part des abonnés. Une vague massive de désactivation des cartes SIM pourrait non seulement désorienter le quotidien de nombreux citoyens mais aussi impacter significativement l'économie numérique du pays. Beaucoup voient dans le verdict à venir de la Cour suprême, pour un gel des règlements, une décision cruciale pouvant soit valider, soit mettre en pause l'initiative gouvernementale.

Calendrier établi par la cheffe juge : dix jours pour que l'affaire soit prise sur la forme

Au milieu de cette frénésie réglementaire, une lueur d'espoir émerge avec la demande déposée par l'avoué Me Pazhany Rangasamy auprès de la Cour suprême, sollicitant un gel des réglementations en attendant que la plainte constitutionnelle soit examinée sur le fond. La cheffe juge Rehana Mungly-Gulbul, ayant pris la mesure de l'urgence de la situation, s'est saisie personnellement de l'affaire dès le 1er avril, établissant un calendrier judiciaire strict. Son objectif est que le litige soit résolu avant l'inéluctable date butoir du 30 avril. Pour cela, elle a alloué jusqu'au 22 avril pour l'échange complet des documents entre les parties, mettant en place les prémisses d'une audience décisive prévue avant le 30 avril.

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L'affaire sera de nouveau appelée lundi et cette audience est perçue comme la dernière chance pour la défense de présenter ses arguments, avant que l'affaire ne soit examinée, respectant ainsi le calendrier de la cheffe juge. L'anticipation monte alors que le jugement sur la demande de gel, en délibération depuis le 25 mars, est également attendu avec impatience. Alors que l'échéance se rapproche, l'ensemble du pays attend avec anxiété le verdict qui pourrait redéfinir les contours de l'accès au service mobile dans la nation et le rôle crucial du système judiciaire en tant qu'arbitre entre les initiatives gouvernementales et les droits des citoyens.

Plus d'un million d'abonnés toujours pas réenregistrés

Sur les quelque 2,1 millions de cartes SIM en circulation dans le pays, un bilan de l'Information and Communication Technologies Authority (ICTA) révèle que plus de 950 000 cartes ont déjà été ré- enregistrées. Ce chiffre, bien qu'impressionnant, souligne une réalité préoccupante : plus d'un million d'abonnés n'ont pas encore complété le processus de réenregistrement. Un aspect particulièrement délicat dans l'évaluation du succès de cette campagne de réenregistrement réside dans le fait qu'une quantité indéterminée d'abonnés possèdent plusieurs cartes SIM enregistrées à leur nom. Cette multiplicité de lignes par utilisateur complique l'interprétation des données, rendant difficile l'estimation précise du nombre réel d'individus ayant répondu à l'appel. L'absence de chiffres officiels sur le nombre de personnes ayant plusieurs numéros enregistrés à leur nom ajoute une couche supplémentaire d'incertitude.

Le flou persiste sur la protection des données

L'avoué Me Pazhany Rangasamy, en réponse à 138 questions posées par la défense, qui inclut l'État, l'ICTA, la Data Protection Commission et Mauritius Telecom (MT), a soulevé des points critiques concernant la gestion et la protection des données biométriques des utilisateurs. Selon Me Rangasamy, le processus exige que les données biométriques des utilisateurs, y compris une photographie en couleur, soient stockées dans une base de données afin de permettre leur authentification ultérieure par les opérateurs de téléphonie mobile via le Central Population Database. Cette nécessité soulève immédiatement des questions quant à la sécurisation de ces données sensibles et à la transparence du processus d'authentification, lequel est censé être facilité par un middleware situé au Government Online Centre. L'absence d'informations fournies par l'État concernant la politique de confidentialité des données et les mesures techniques de protection est alarmante.

De plus, la légalité de cette démarche est remise en question au regard de la Data Protection Act 2017, qui stipule clairement que tout individu, en tant que sujet des données, a le droit de connaître la manière dont ses données sont traitées par une entité. Cette loi impose également aux opérateurs de téléphonie l'obligation de divulguer le processus de traitement des données à leurs utilisateurs. Cependant, dans le cas du réenregistrement des cartes SIM, il semble qu'aucun consentement explicite ne soit demandé aux utilisa- teurs concernant le traitement de leurs données biométriques, y compris leur photographie. Cette approche va à l'encontre de la nécessité de consentement stipulée par la Data Protection Act 2017, soulevant des inquiétudes quant au respect des droits fondamentaux des utilisateurs.

Le Kolektif pa tous nou Sim card demande au Premier ministre d'agir

Le *Kolektif pa tous nou Sim card *a adressé une lettre au Premier ministre lundi lui demandant de faire preuve de discernement en suspendant immédiatement cette mesure controversée. Une telle décision, selon ces citoyens mobilisés, permettrait de désamorcer les tensions et d'affirmer les valeurs démocratiques fondamentales de la société mauricienne. Le timing de cette initiative, disent-ils, soulève des questions, notamment sur la priorisation des enjeux nationaux, alors que d'autres problématiques urgentes semblent délaissées. L'exigence de capturer une photographie en couleur pour chaque utilisateur, devant être comparée à celle de la carte d'identité nationale dans une base de données centrale, est particulièrement critiquée. Les préoccupations s'étendent également à la protection des données personnelles. La loi sur la protection des données de 2017, jugée insuffisante face aux enjeux actuels, dit le collectif dans la lettre, ne rassure pas quant à la sécurité des informations personnelles collectées. «Les risques de cybercriminalité, incluant l'usurpation d'identité et les fraudes en ligne, sont amplifiés par cette collecte massive de données», soutient le collectif.

MT refuse d'être citée comme partie dans la contestation de Valayden-Tan Yan

Me Rama Valayden et le syndicaliste Ivor Tan Yan ont été les premiers à déposer une plainte constitutionnelle devant la Cour suprême le 11 novembre dernier, contestant les nouvelles réglementations gouvernementales imposant le réenregistrement obligatoire des cartes SIM. Quatre mois après, la demande est toujours devant la Masters Court. Dans la plainte en question, MT a fait valoir qu'elle n'est pas une «partie appropriée» dans la présente affaire et refuse d'être citée dans la contestation.

L'État a aussi déposé une *Demand of Further and Better Particulars *en vue d'obtenir plus de détails sur la plainte. L'État demande aux plaignants de fournir des précisions sur la façon dont ces Regulations sont anti-démocratiques ou encore comment leurs droits constitutionnels seront violés, ou encore concernant l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme et l'article 17 de l'Interational Covenant on Civil and Political Rights. L'échange des documents se poursuit toujours. À noter que Me Pazhany Rangasamy avait, lui, déposé sa demande en Cour suprême le 7 février, réclamant un Stay of Execution contre la mise en vigueur de ces Regulations.

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