Le dialogue inter-Maliens voulu par les autorités de transition commence officiellement ce samedi. Les discussions commencent à l'échelle communale. Viendront ensuite, d'ici la fin du mois, les phases régionales puis nationale. Ce dialogue inter-Maliens est supposé ramener la cohésion nationale dans le pays, mais la suspension des activités des partis et des associations à caractère politique du pays, annoncée mercredi, suscite une vague de contestation qui perturbe les discussions avant même qu'elles n'aient commencé.
Le dialogue inter-Maliens « doit se dérouler dans un climat de sérénité et non de cacophonie », selon le gouvernement de transition, et c'est même l'un des arguments officiellement avancés pour la suspension des activités des partis politiques. Pourtant, depuis deux jours, c'est tout l'inverse : les voix se multiplient, au sein des partis et au-delà, pour dénoncer une décision « illégale », voire « dictatoriale », certains appelant même à la désobéissance civile.
Dans une déclaration commune, la quasi-totalité des partis politiques et organisations de la société civile du Mali ont officiellement annoncé qu'ils ne participeraient pas à ce qu'ils qualifient de « soi-disant dialogue inter-Maliens ». En tout état de cause, la suspension de leurs activités leur interdisait, croit-on comprendre, d'y prendre part.
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Ne participeront pas non plus les groupes armés du Nord signataires du défunt accord de paix de 2015. Désormais considérés comme « terroristes » par Bamako, les rebelles du CSP ne sont en effet pas invités. Les jihadistes du Jnim, liés à al-Qaïda, qui n'avaient quant à eux jamais signé cet accord de paix, ne sont pas conviés non plus. Autant d'absences qui limitent de facto la portée de ce dialogue, censé ramener la paix dans le pays.
Dans une vidéo diffusée mercredi par Mahmoud Dicko, exilé en Algérie, l'influent imam désormais opposant politique, estime que les actuels dirigeants du Mali ne cherchent qu'à se maintenir au pouvoir, qu'ils sont eux-mêmes trop divisés pour rassembler les Maliens et fustige le dialogue inter-Maliens, s'en prenant également de façon ciblée à son comité d'organisation.
À l'occasion de l'Aïd, mardi, le colonel Assimi Goïta, président de transition, a salué le démarrage de ce dialogue qui constitue à ses yeux « le cadre idéal pour réconcilier les Maliens. »
Alioune Tine réagit à la suspension des activités des partis et associations Alioune Tine, fondateur du groupe de réflexion Afrikajom, était il y a quelques jours encore mandaté par les Nations unies comme expert indépendant sur la situation des droits de l'Homme au Mali. Après six années d'exercice et un ultime rapport présenté le mois dernier, il vient de céder sa place au péruvien Eduardo Gonzalez. Joint par RFI, il réagit à la suspension par les autorités maliennes de transition des activités des partis et associations à caractère politique.
« C'est une espèce d'aveu d'impuissance. C'est l'aveu qu'il n'y a pas de perspectives politiques et qu'on tient à garder le pouvoir par la force. Il me semble que ça ne va pas marcher, connaissant le Mali, qui a connu la dictature avec Moussa Traoré. Ça s'est terminé avec une tragédie, que le mémorial des Martyrs continue de rappeler aux Maliens. »
Les autorités disent que c'est une mesure d'ordre public et accusent les partis politiques d'activités de subversion. Mais pour Alioune Tine, cette politique de « bouc-émissairisation », « ne passe plus ». « Maintenant, l'effondrement économique du Mali et puis il n'y a pas d'amélioration de la situation sécuritaire. Donc, je pense que le moment est venu pour eux, militaires, de faire ce qu'ils savent faire : la guerre contre le terrorisme. Et puis il y a l'effondrement du capital de sympathie dont ils jouissaient au Mali et ailleurs. Là, c'est fini. La légitimité, ça se mérite, en passant par les urnes. »