Le gouvernement de transition du colonel Assimi Goita, vient de rendre public avec effet immédiat ce 10 Avril 2024, un décret suspendant toutes les activités politiques jusqu’à nouvel ordre. Autrement dit les partis politiques dont la vocation est d’animer la vie politique, et de conquérir à l’expression du suffrage des maliens n’ont plus droit de cité.
Dans la foulée de la junte au pouvoir la Haute autorité de la communication (HAC) intime à tous les médias d’arrêter toute couverture et diffusion des activités des partis politiques et par extension celles qui ont un caractère politique à l’initiative des associations. Pour faire simple, le Mali se place désormais dans un régime d’exception que rien ne justifie, car le régime général des libertés publiques proscrit les interdictions générales et sans limites temporelles dans l’exercice des libertés publiques. Liberté d’association en est une, l’exercice d’activités politiques son corollaire ne saurait en souffrir légalement.
Cette évolution dangereuse appelle plusieurs questions et pas des moindres. On peut retenir en guise de rappel, le processus qui a amené la junte au pouvoir, deux mois et demi d’une crise politique ayant conduit à la perte du pouvoir par le Président Ibrahim Boubacar Keita (IBK). Le scénario semble être le même, car ceux qui étaient dans la contestation, et traités avec mépris par IBK sont quasiment les mêmes aujourd’hui en face de la junte, pour exiger le respect de l’agenda de la transition qui devait mener à la présidentielle dans 24 mois à compter du 26 mars 2022, sous la caution de la CEDEAO.
Aujourd’hui, il ne s’est agi ni plus ni moins d’un engagement sur la durée de la transition qu’il faut respecter, et l’exiger, manifester pour que cela soit, ne doit pas être considéré comme un crime justifiant la mise sous tutelle des libertés.
Pax tranquilitas Ordnis comme disent les latins, la tranquillité publique n’est pas le silence.
Les autorités de la Junte avaient proposé un échéancier, dont le terme aurait été probablement ce 26 Mars 2024, or il n’en est rien. Pour rappel, le calendrier électoral, que beaucoup d’observateurs jugeaient irréaliste prévoyait en effet, le référendum sur la révision de la Constitution le 31 Octobre 2021, suivi des élections présidentielles et législatives le 27 février 2022, quoique du point de vue de la Junte 3 ans devait être la durée de la transition. La situation actuelle n’est-elle pas un retour au schéma de départ de 3ans ?
En lieu et place c’est le musellement, des acteurs politiques et les médias, bref la confiscation des libertés démocratiques pour des motifs politiques et sécuritaires assez douteux du reste. A preuve, le 06 mars 2024, la junte prononce la dissolution de l’association de soutien à l’Imam Mahmoud Dicko, (CMAS) une des figures emblématiques des forces ayant contribué à porter au pouvoir le régime de Assimi Goita, pour cause de désaccords sur la gouvernance dudit régime. Le déplacement de l’Imam en Algérie sur invitation des autorités algériennes en a été sans aucun doute un déclencheur.
Mais cette décision soudaine de suspendre les libertés publiques cachent mal une volonté de prolonger la transition qui enlèverait le peu de légitimité » populiste » dont dispose le régime.
Le dialogue national devrait être relancé le plus tôt possible et les pays amis du Mali devraient s’impliquer dans la facilitation de ce dialogue, dès lors que la CEDEAO ne semble pas être dans les bonnes grâces des militaires