Professeur en droit public à l'Université Alioune Diop de Bambey (UADB), Zeynab Kane était l'invitée de l'émission objection de la radio Sud Fm hier, dimanche 14 avril 2024. A cette occasion, Mme Kane a répondu à plusieurs questions notamment la sous-représentation de la femme dans le nouveau gouvernement, la participation politique et l'absence des femmes dans des instances décisionnelles au Sénégal. Le Pr Kane est d'avis que le leadership féminin doit être accompagné, encadré pour que les femmes puissent arriver à ces instances décisionnelles.
Le débat sur la participation politique et la question de la sous-représentation des femmes, après la nomination du nouveau gouvernement, a été au centre des appréciations du Pr Zeynab Kane, enseignant chercheur, professeur de droit public à l'UADB. Invité de l'émission Objection de Sud Fm hier, dimanche, elle a relevé que « dans la sphère publique, les femmes sont plus confinées dans les affaires privées parce qu'il y a l'histoire du plafond de verre.
Dans notre société, les femmes ont du mal à concilier vie professionnelle, vie conjugale et vie associative ou militante. Et ce sont ces difficultés qui font que dans beaucoup de partis politiques, les femmes ne sont pas très présentes. Et même si elles sont présentes, elles sont à la périphérie mais pas au coeur du dispositif ». Poursuivant ses propos, l'enseignante- chercheuse de faire savoir : « nous sommes arrivés à une alternance que tout le monde a appréciée valablement après tout ce qui s'est passé comme tension, comme crise politique au Sénégal.
Et les femmes ont été actrices de cette alternance-là. A cet effet, notre organisation fait partie des associations qui ont eu le courage de dire non au report de l'élection présidentielle. Et aussi de dire attention, notre démocratie ne peut pas régresser et que sans démocratie, on ne peut pas défendre les droits des femmes ni des enfants. Donc, on était actrices principalement dans ce jeu électoral. Maintenant qu'on a un niveau de représentation, on le considère comme étant faible par rapport aux gouvernements précédents ».
Par ailleurs, dira-t-elle, « Il faut dire que la participation des femmes aux instances décisionnelles est en étroite ligne avec les textes de la Constitution. Aujourd'hui, si les femmes voient que dans le nouveau gouvernement, il n'y a pas beaucoup de femmes, c'est une façon d'alerter...On ne peut pas gouverner sans les femmes ».
Quid des questions de compétences ? A ce sujet, l'enseignante chercheuse dira : « je trouve que c'est un argument non fondé... On peut avoir des hommes compétents et des femmes compétentes. Comme on peut avoir des femmes non compétentes et des hommes non compétents. Ca veut dire qu'on ne peut pas commencer tout de suite par dire que les femmes ne sont pas compétentes. Il faut comprendre qu'il n'y a pas de domaine pointu où on peut avoir de l'expertise avérée. Ce qu'il faut, c'est aller chercher les femmes et les associer. Dans cette relation hommes-femmes, il ne s'agit pas de dire aux hommes levez-vous pour donner de la place aux femmes. Non, c'est aux hommes de dire nous devons nous asseoir ensemble avec les femmes ».
Selon le professeur, pour gagner une élection, il faut avoir deux cibles : « les femmes et les jeunes. C'est une cible importante en matière de mobilisation, de voie qui peut vous porter à la tête de la magistrature suprême. Et comme c'est une cible importante qui vous accompagne, quand vous arrivez, il faut en tenir compte et leur laisser de l'espace. Et l'espace, ce n'est pas dire qu'on met une femme juste comme ça. On met une femme parce qu'elle doit y être. Et lorsqu'on crée cet espace, on aura un espace ou un gouvernement beaucoup plus inclusif qui laisse de la place aux femmes qui en sont capables et qui peuvent assumer ces responsabilités là avec les valeurs ».
Parlant du leadership féminin, l'universitaire dira qu'il « doit être accompagné, encadré pour que les femmes puissent arriver à ces instances décisionnelles-là ». Sur ce point de vue, « nous invitons le chef de l'Etat à considérer que les femmes sont sous-représentées dans le premier gouvernement et que les femmes soient mieux représentées ». En termes d'alternative, « nous, nous alertons mais c'est eux qui ont les réponses. Dans les réponses qu'ils ont, ils doivent prêter une oreille attentive pour que les femmes puissent prendre part à l'élaboration des différentes politiques publiques».
Se prononçant enfin sur la dénomination du ministère de la Femme devenue ministère de la Famille et des solidarités, le professeur Zeynab Kane a conclu que « la famille, c'est la cellule de base. C'est l'institution sociale, comme disent les sociologues. C'est bien qu'on ait positionné la famille. Par contre, des solidarités, on est sait pas encore le contenu qu'on veut mettre là-dessus. Mais nous, nous disons qu'on puisse dans ce changement de paradigme conserver les acquis que nous avons. Parce qu'il y a eu beaucoup d'évolutions en termes de droit mais en termes de politiques publiques nationales sur des questions des femmes et des enfants. Qu'on change d'appellation ou pas, ce qui est plus important pour nous, c'est le respect des acquis en termes de droit et comment renforcer ces acquis-là et apporter des réponses concrètes sur les droits des femmes ».