Sénégal: Méthodes modernes de planification familiale - Des utilisatrices se plaignent des effets secondaires

15 Avril 2024

Elles sont toutes sous planning familial, avec chacune, la méthode qui semble être moins risquée tant pour sa santé que pour son cycle de reproduction. Toutefois, ces femmes interrogées redoutent les effets secondaires des méthodes contraceptives modernes à longue durée.

« Je fais le planning familial pour espacer les naissances. On me l'a proposée à la maternité, après mon accouchement. C'est la première fois. Mais, depuis lors, je ressens des douleurs lorsque je suis en période de règles, alors que je ne les vois plus. Elles se sont interrompues depuis que j'ai fait mon implant », se plaint Soukeyna, une jeune fille d'une vingtaine d'années et résidente à Thiaroye-Sur-Mer. Donnée en mariage à l'âge de 18 ans, à son cousin, en pleine année scolaire, elle confie qu'elle n'avait aucune idée de la vie conjugale. La fille ne tarde pas à contracter sa première grossesse après un an de mariage. Elle se souvient que cette grossesse a failli lui coûter la vie au moment de l'accouchement.

« J'ai fait trois jours dans une structure de santé de mon village pour accoucher. J'étais hyper fatiguée. Je pensais que j'allais mourir. C'est après mon accouchement que les sages-femmes m'ont proposé de faire le planning familial. Je le fais pendant juste deux ans, le temps d'allaiter mon fils. Mais, ce n'est pas quelque chose que je compte continuer », poursuit notre interlocutrice, un peu embarrassée. Et pour cause, Soukeyna a horreur de la contraception de longue durée à cause des « malaises inhabituels », mais aussi des douleurs occasionnées. Au-delà des griefs soulevés, elle n'est pas à l'abri de certaines rumeurs.

« Je me sens différente, et puis je perds de plus en plus du poids. Les gens disent que l'implant se déplace dans les veines et peut même disparaître dans le corps. Et certaines disent qu'il peut être à l'origine du cancer. Malgré les effets secondaires désastreux de l'implant, je le préfère aux autres méthodes contraceptives. Car, avec les comprimés, je risque d'oublier parfois les heures de prise et cela peut m'être fatal », explique Soukeyna, tout en indiquant qu'elle a fait le planning avec l'aval de son mari. Même si ce dernier l'a encouragée, son mari ne l'a jamais accompagnée dans une structure de santé pour avoir des informations sur la planification familiale.

Astou, habitant le même quartier, s'est mise à la contraception de longue durée sous la contrainte de son mari, qui ne désire plus avoir d'autres enfants. « La contraception, ce n'est pas mon choix. Dans ma vie, j'ai toujours refusé le planning familial, à cause des effets secondaires. Mais, là, je n'ai pas le choix », narre Astou, le regard baissé. Âgée de trente ans, la mère de famille allaite son cinquième bébé d'à peine un mois. Elle a opté pour les pilules. « Aucune douleur » n'est ressentie et elle continue de voir ses menstrues sans interruption. « Quand on opte pour la pilule, on nous fait un contrôle de la tension artérielle. Pour les pilules, l'injection et les autres méthodes, c'est payant. Mais, l'implant est proposé gratuitement aux femmes. Personnellement, quand on m'a proposé l'implant, sachant que c'est gratuit, j'ai refusé automatiquement. Car, je n'ai pas confiance aux produits qu'on offre gratuitement », justifie Astou.

Des sages-femmes peu communicantes

Toutefois, Astou regrette le silence des sages-femmes sur les effets secondaires des méthodes contraceptives. Après la naissance de sa quatrième fille, elle prenait, au quotidien, la pilule de manière continue, pendant plus de deux ans. Ce qui lui a valu des complications. « À la maternité, aucune sage-femme ne m'a parlée des effets. Elles n'expliquent rien sur ce point. Elles vous disent juste comment prendre les comprimés. J'ai eu des douleurs au ventre qui m'ont conduite à l'hôpital, après ma première expérience. Et ce sont les conseils du médecin qui m'a consultée ce jour-là, qui m'ont sauvée. J'avais alors arrêté. J'ai repris les prises après la naissance de ma dernière fille », confie-t-elle.

La planification familiale, c'est également l'affaire de certains hommes comme Amath, qui estime qu'elle n'est que bénéfique pour la femme. « Elle permet aux femmes d'espacer les naissances et à être en bonne santé. En plus, la planification familiale aide la femme à se reposer, le temps qu'elle allaite correctement son enfant. Personnellement, je milite pour le planning familial. En plus, cela permet aux parents de mieux prendre soin de leurs enfants », soutient-il.

Contrairement à certains hommes, cet homme, originaire du monde rural, refuse de croire aux prétendus effets néfastes de la contraception à longue durée. « Pour moi, ce sont des rumeurs. Le problème est lié au fait que certaines femmes ne respectent pas leurs rendez-vous.

Des effets indésirables gérables

La planification familiale n'est pas sans effet secondaire pour les femmes, reconnaît la chargée de l'information de l'Association nationale des sages-femmes du Sénégal, Ramatoulaye Diouf Samb. Mais ces effets peuvent être maîtrisés, rassure la dame qui exerce au District sanitaire de Grand Médine.

« Quel que soit alpha, il y a des effets indésirables. Mais, ils sont gérables. Quand les femmes viennent nous voir, on leur explique qu'il y a des effets secondaires liés au planning familial », a indiqué la chargée de l'information de l'Association nationale des sages-femmes d'Etat du Sénégal, Ramatoulaye Diouf Samb. Parmi ces effets indésirables, elle énumère les maux de tête, les douleurs au ventre, les petits saignements, entre autres. Mais ce sont des maux « que nous pouvons soulager », rassure-t-elle. Pour le reste, Mme Samb soutient que « ce sont des rumeurs ».

Se voulant rassurante, elle déclare que les sages-femmes expliquent aux femmes qui viennent les voir, afin de les aider dans le choix de la méthode contraceptive. Mais si le premier contact avec la femme se passe mal, elle va abdiquer. D'ailleurs, les responsables de leur association entament toujours des stratégies de communication sur cela. « Dans quelques jours, certains membres de l'Association nationale des sages-femmes d'Etat du Sénégal iront à Matam pour une caravane de sensibilisation, afin de parler aux femmes, coacher les sages-femmes pour qu'elles puissent prendre en charge correctement les femmes », déclare Mme Samb.

Le but de la planification familiale, rappelle-t-elle, c'est aussi de lutter contre la mortalité néo-natale et maternelle. « Les sages-femmes font la planification familiale et utilisent les mêmes méthodes que les autres femmes. On ne peut pas les administrer aux autres tout en sachant qu'il y a des inconvénients, ou que cela peut créer des problèmes à la santé », précise-t-elle.

Concernant l'usage des méthodes contraceptives à longue durée par les femmes qui ne sont pas en union, mais, sexuellement actives, notre interlocutrice assure que cela n'a pas de risque sur leur santé. La chargée de l'information de l'Association nationale des sages-femmes d'Etat du Sénégal indique : « Nous avons entamé une politique pour les adolescentes afin de les mettre à l'aise, de les accompagner et de ne pas les stigmatiser. Nous les encadrons aussi pour éviter les grossesses non désirées, la prise de la pilule du lendemain n'importe comment et n'importe où ».

RAMATOULAYE DIOUF SAMB DE L'ASSOCIATION NATIONALE DES SAGES-FEMMES DU SÉNÉGAL

« Les pilules combinées sont les plus utilisées par les femmes »

Au Sénégal, 27% des femmes en âge de reproduction de 15 à 49 ans et en union, utilisent, au moins, une méthode contraceptive moderne. La pilule combinée est la plus utilisée par celles qui ne sont pas dans les liens du mariage, selon Ramatoulaye Diouf Samb, de l'Association nationale des sages-femmes d'Etat du Sénégal.

Pouvez-vous nous faire le point sur la pratique du planning familial au Sénégal, notamment les derniers chiffres ?

Les dernières Enquêtes démographiques et de santé (Eds) de 2023, réalisées par l'Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd), montrent qu'au Sénégal, 27% des femmes en âge de reproduction de 15 à 49 ans et en union, utilisent, au moins, une méthode contraceptive moderne. Pour celles qui ne sont pas en union, le taux est de 42%. La prévalence de la contraception est plus élevée chez les femmes en non-union et sexuellement actives. On a aussi remarqué que le taux varie des zones urbaines à celles rurales. Dans les régions urbaines, il est de 34%, contre 20,4% dans le monde rural.

Quelles sont les méthodes de planification familiale qui existent et les plus utilisées ?

Il y a d'abord les pilules avec une prise quotidienne, les injectables à prendre par trois mois et l'implant pour une période de trois ans, avec des contrôles. Pour le rendez-vous de suivi de l'implant, c'est le premier mois après son injection. Le deuxième rendez-vous est programmé six mois après et le reste du suivi se fait annuellement. On peut citer aussi le dispositif intra-utérin qu'on peut mettre pour une période de 12 ans. On a également l'anneau vaginal à progestérone qu'on a expérimenté au Sénégal, mais retiré. Il n'est plus appliqué dans les structures de santé publique. Il y a le préservatif féminin et masculin qui font aussi partie des méthodes d'espacement des naissances. À cela s'ajoute la Méthode de l'allaitement maternel et de l'aménorrhée (Mama), très appréciée par les femmes. Elle consiste à donner exclusivement du lait maternel à son bébé. Cependant, il n'y a que 2% des femmes qui la réussissent.

On a aussi la méthode des jours fixes ou le collier du cycle. C'est un collier en perles, avec 12 blanches correspondant à la période de fécondité, 19 perles marron correspondant à la période non-féconde et une perle rouge qui indique le premier jour des règles, en plus d'un anneau à manipuler pour savoir si l'on est dans une période de danger ou pas. Les femmes peuvent aussi opter pour les méthodes d'observation. À ce propos, il faut être très pragmatique, très juste, en se basant sur la température corporelle qu'on prend chaque matin, pour savoir si l'on est en période d'ovulation ou pas. Il y a aussi la ligature des trompes qui se fait constamment avec les grandes multipares et la contraception d'urgence, qui est utilisée à outrance par les filles.

L'implant est considéré comme une méthode contraceptive « à risque » par certaines femmes, parce qu'étant gratuit dans les structures de santé publique. Quelle analyse faites-vous à ce propos ?

L'implant est utilisé dans le planning familial comme méthode contraceptive à long terme. Injecté sous la peau, il libère des hormones, notamment les progestérones. C'est une méthode accessible, disponible et efficace. Elle est adoptée par de nombreuses femmes. En réalité, elle n'est pas gratuite, mais elle revient moins chère.

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