Manager Associé du cabinet MCI, le juriste Raphaël Jakoba nous donne son avis sur la convention QMM considérée comme une première génération de contrat d'État dans le domaine minier à Madagascar. Interview
Pourquoi avoir consacré un numéro spécial sur la convention QMM dans la dernière édition de la Revue MCI ?
Nous avons estimé nécessaire d'analyser tant juridiquement que bilantiellement cette première génération de contrat d'État malgache dont on a vu le cycle complet sur la période 1998-2023. On n'a pas pu tirer des leçons de son lointain ancêtre « Andekaleka » durant les périodes socialistes de Madagascar. Mais cette fois-ci, l'occasion est offerte aux juristes et chercheurs de faire un bilan de cette convention. Je précise que ladite première génération a accordé, durant 25 ans, à QMM un régime fiscal et douanier spécifique. C'est là, l'ADN même du contrat d'État qui fige en un montant X le régime fiscal et douanier par ce qu'on appelle « clause de stabilité ». Remettre en cause cette clause de stabilité reviendrait à engager la responsabilité de l'État malgache sur le plan international. En outre, l'autre aspect de ce contrat QMM est qu'il prévoit une clause d'intangibilité, c'est-à-dire que les droits acquis par l'investisseur au moment de l'accord, par exemple sur le plan permis et foncier, ne peuvent être remis en cause durant la période d'exécution du contrat.
Quels sont les principaux changements apportés par l'Avenant ?
L'Avenant a surtout été conclu afin de déterminer le nouveau régime juridique et fiscal qui s'appliquera au projet à partir de février 2023. Néanmoins, il a également été l'occasion de revoir d'autres points clés de la convention tels que la participation de l'État dans le projet ou encore le taux de redevance minière. Ainsi, la participation de l'État est ramenée à 15% non dilutif contre 20% auparavant. Ceci permettra à l'État de maintenir son niveau de participation dans le capital même en cas d'augmentation de ce dernier. De surcroît, la redevance minière applicable à QMM S.A a connu une hausse de 0.5% ramenant la redevance totale à 2.5% de la valeur FOB (Free On Board) de la production. Dans ce calcul, 1.4% de ristournes reviennent aux CTD tandis que 1.1% de redevances sont attribuées à l'État et ses démembrements.
En quoi un contrat de type QMM peut participer au développement économique de Madagascar ?
Le contrat QMM, ainsi que les contrats d'État en général, suscitent des débats sur la souveraineté nationale et les intérêts locaux par rapport aux intérêts des investisseurs étrangers. Toutefois, il y a lieu de souligner qu'un contrat de type QMM est d'abord un méga contrat qu'on appelle communément dans le jargon du droit international « un contrat d'État ». Il s'agit d'un contrat où sont parties l'État ou ses démembrements et l'investisseur. Ce contrat fait suite normalement à un appel d'offres international. L'autre partie est une société de droit privé qui est un investisseur et qui, à ce titre, bénéficie de la protection prévue par la loi n°2023-002 sur les investissements à Madagascar et dont les décrets d'application sont en cours de finalisation. Ce qui est à la fois reconnu sur le plan international par la pratique mais paradoxalement sur le plan du droit pur est que le contrat d'État remet en quelque sorte les deux parties sur le même pied d'égalité en dépit du fait que l'État est souverain. En quelque sorte, l'État accepte de s'amputer momentanément de ses pouvoirs exorbitants, notamment en accordant des avantages fiscaux et douaniers aux investisseurs, le respect des principes de traitement juste et équitable, de non expropriation, l'insertion d'une clause de stabilité, le choix d'un forum d'arbitrage international et du droit applicable au fond...
Cela n'affecte-t-il pas la souveraineté ou du moins la crédibilité de l'État ?
Malgré un certain nombre d'incidents durant ces 25 ans, Madagascar était fidèle à sa parole contractuelle et l'État de droit était maintenu. N'oublions pas que les investisseurs regardent QMM et Ambatovy comme référence en matière d'investissement pour ce qui concerne Madagascar. Sur le plan économique et financier, la hausse du taux de redevance de 0.5% doit être reconnue comme une avancée. Quoi qu'on dise, cette redevance, avec 1.4% de ristournes revenant aux CTD et 1.1% de redevances, aura des impacts positifs pour l'État. On ne peut que se féliciter de la récurrence actuelle des contrats d'État au regard des contrats sur le téléphérique et Ravinala Airports qui sont des contrats BOT (Build Operate Transfer), le contrat Volobe qui est une concession, etc. Ces contrats ont pour avantage de soulager les finances publiques de l'État tout en permettant de mettre en place des infrastructures utiles pour la population.
Par ailleurs, ce genre de contrats sont sources de devises et de capitaux étrangers, et sont créateurs d'emplois et d'amélioration du capital humain, du développement d'infrastructures et du transfert de technologies.