Deux semaines après son élection, le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a rendu visite lundi 15 avril aux responsables des deux grandes confréries du pays, mouride et tidjane. Une visite essentielle, car si le Sénégal est un État laïc, les leaders religieux peuvent se retrouver au coeur des décisions, notamment en cas de tension politiques.
Au Sénégal, c'est quasiment une tradition, voire une règle politique. Mais la présidence le précise : cette double visite dans la même journée était tout simplement la « première sortie officielle » de Bassirou Diomaye Faye depuis son élection. Visiblement dans une recherche d'équilibre, le palais a publié des communiqués et des photos à la suite des deux entretiens du chef de l'État, d'abord à Touba, capitale de Mouride, avec le khalife général Serigne Mountakha Bassirou Mbacké ; puis à Tivaouane, avec Serigne Babacar Sy Mansour, le khalife général des tidianes.
Le président a également indiqué avoir évoqué l'évolution et les difficultés rencontrées dans ces deux villes : la question de l'eau potable à Touba, la modernisation de la ville et les travaux de finition de la grande mosquée à Tivaouane. Accompagné d'une importante délégation, notamment son directeur de cabinet et le ministre de l'Intérieur, Bassirou Diomaye Faye a donc cherché à marquer les esprits, à éviter aussi sans doute des tensions.
Entre les deux tours de la présidentielle en 2012, Macky Sall avait déclaré : « les religieux sont des citoyens comme les autres, les lois du pays s'appliqueront à eux. » Une déclaration qui avait fortement irrité à Touba et Tivaouane.
Bakary Samb est directeur régional du Timbuktu Institute, auteur du récent ouvrage Islam au Sénégal, d'où viennent les confréries vient de paraitre aux éditions Nirvana. Il revient sur l'importance de ces visites du chef de l'État sénégalais auprès des leaders religieux, sur les liens anciens entre le politique et le religieux au Sénégal.
La tradition ne s'est pas démentie et certains disent même qu'il y a une tradition rétablie [...] Cela montre qu'il y a certains compromis dynamique au Sénégal qui structure le champ du rapport entre le religieux et le politique, bien que le Sénégal soit un État laïc mais ne s'est jamais inscrit dans une démarche d'une laïcité de combat, d'opposition entre la sphère du religieux et du politique, mais dans une laïcité de consensus qui fait ce qu'on appelle ce fameux contrat social sénégalais. Donc le nouveau président était presque dans une forme d'obligation politique de se rendre auprès des leaders religieux pour cette onction religieuse d'un nouveau mandat qui commence et pour lequel il aura besoin certainement du soutien de ses chefs religeux [...] Dans l'histoire politique du Sénégal, il a été démontré que les leaders politiques qui se sont dressés contre les conféries n'ont jamais fait fortune... [...]