Ile Maurice: De la clarté recherchée face aux nuages politiques

Certains diront que «the writing was on the wall» et que Xavier-Luc Duval (XLD) avait déjà intériorisé son départ de l'alliance de l'opposition depuis un certain temps face notamment à l'incapacité des deux principales formations, le PTr et le MMM, de satisfaire ses exigences électorales. Mais aussi depuis, dit-on, qu'il serait exposé à un meilleur deal du MSM venant de certains de ses dirigeants.

Le walk-out de Duval dimanche à Riverwalk ressemble ainsi beaucoup plus à une face-saving device auprès des membres de son parti, voire de son électorat. Alors que pour le tandem Ramgoolam-Bérenger, tout a été essayé pour garder XLD «in», mais en vain. Aujourd'hui, ces deux leaders sont conscients que, comme dans ces pièces de théâtre tragiques, il n'y aura de deus ex-ma-china pour sauver le ménage à trois. Trop de temps perdu dans les négociations, il faudra désormais se concentrer à reconstituer, voire remobiliser, l'alliance rouge-mauve autour du meeting du 1er-Mai à Port-Louis, qualifié de «mini-élection» par Navin Ramgoolam pour gagner la bataille des foules.

Face à l'échec de cette plateforme commune des partis mainstream, s'il y a une personne qui s'en réjouit particulièrement, c'est sans doute Pravind Jugnauth qui appréhendait l'émergence de cette force politique. Car mathématiquement parlant, sur la base des résultats de 2019, cette entente aurait fait une razzia de la quasi-totalité des sièges - villes et villages confondus.

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Sachant néanmoins que malgré toutes les largesses électorales du moment, doublées, reconnaissons-le, d'un bilan infrastructurel globalement positif, aucune alliance gouvernementale n'aura été reconduite au pouvoir pour un troisième mandat. Serait-ce une exception en 2024, alors même que le MSM est confronté malgré lui à l'usure du pouvoir et à une désaffection populaire qu'un tel phénomène pourrait entraîner dans le comportement de vote des électeurs ?

Le départ du PMSD de l'alliance de l'opposition entraînera de facto une redistribution des cartes tant de l'opposition que du gouvernement. D'ailleurs, depuis son walk-out dimanche, la question a été posée au leader du PMSD à plusieurs reprises, mais il a balayé d'un revers de la main tout rapprochement avec le MSM. Peut-être pas pour le moment mais à l'instar d'un joker qui pourrait influencer l'issue d'une joute électorale, il entend imposer ses termes et conditions. Du coup, même sollicité, il ne compte pas se jeter dans les bras des partis de l'opposition extraparlementaire pour créer une troisième force, conscient qu'il n'existe qu'une chance sur mille de se faire élire avec le système First-Past-The-Post.

En revanche, Xavier-Luc Duval compte-t-il laisser du temps au temps et forcer Pravind Jugnauth à infléchir sa politique sur un certain nombre de sujets qui fâchent : réviser certaines clauses conférant des pouvoirs étendus à la nouvelle Financial Crimes Commission, maintenir les pouvoirs constitutionnels du DPP, stopper le réenregistrement des cartes SIM et éliminer la politisation des principales institutions du pays, entre autres. En clair : s'assurer que MSM devienne fréquentable pour pouvoir sceller le mariage. Pourrait-il franchir ce pas en jouant sur sa crédibilité pour s'associer à un parti , même réformé, qu'il a vilipendé et attaqué frontale- ment depuis 2019 à travers ses 135 PNQs ? De l'autre côté, Pravind Jugnauth pourra-t-il gérer un ménage à quatre avec l'arrivée du PMSD, face aux ego souvent surdimensionnés de ses partenaires politiques et dont l'influence ne se limite qu'à une ou deux circonscriptions avec un poids électoral visiblement insignifiant. Dans l'équation du leader du MSM, le PMSD, comme un parti qui a un passé et une histoire, rapporterait plus de dividendes électoraux que les Collendavelloo, Ganoo, Obeegadoo et consorts.

Pour le moment, dans les deux camps, il s'agit d'affûter leurs armes pour que leur bloc politique passe le test du 1er-Mai, qui dans une année électorale s'avère un important baromètre politique. Cependant, le PMSD n'y sera pas, sa priorité n'étant pas présentement au sein d'une alliance électorale qui, selon son leader, «peut se faire en cinq minutes».

En mode «wait & see »

Il va sans dire que, passé la bataille des foules du 1er-Mai, le calendrier électoral sera précisé avec d'abord à l'horizon la présentation du cinquième et dernier Budget de Renganaden Padayachy de la présente législature suivi des grandes manoeuvres pour les élections. Le ministre des Finances se trouve actuellement à Washington pour participer aux Spring Meetings de la Banque mondiale et du FMI où les grands enjeux économiques, financiers et climatiques sont analysés par les experts. Le rapport du FMI sur les perspectives de l'économie mondiale sera particulièrement suivi et commenté.

En attendant, les opérateurs économiques, comme les investisseurs étrangers et locaux, sont dans un mode de wait & see, peu enclins à prendre des décisions face à l'incertitude qui règne sur le terrain politique. Depuis l'année dernière, le chef du gouvernement joue le flou sur la date des élections, allant jusqu'à indiquer qu'il ira au terme de son mandat et au-delà, entendons par là jusqu'à 2025, on peut comprendre qu'une telle situation n'offre guère une prévisibilité pour les affaires à moyen et long termes.

Évidemment, le Premier ministre, qui a la prérogative d'annoncer la date du scrutin, contrairement à l'Inde ou d'autres pays, où cette décision relève de la commission électorale, va nécessairement choisir le bon timing pour l'annoncer en réunissant toutes les conditions favorables, économiques et autres, pour s'assurer d'un troisième mandat. Est-ce qu'une éventuelle alliance avec le PMSD, tout au moins ce qui reste de ce parti, avec une scission déjà programmée, le MSM sera davantage mis en confiance pour affronter les prochaines élections ?

La population comme les opérateurs recherchent davantage de clarté face à une situation trop souvent confuse où l'un cherchera à travers son vote à ce que sa vie soit changée dans les premiers 100 jours ; et l'autre voudra s'assurer que la stabilité politique, économique et sociale soit la pierre angulaire d'une démocratie vivante.

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