Ile Maurice: Perte de compétitivité sur le marché indien

Nouveau coup dur pour le secteur du global business. Dans le droit fil de son engagement auprès de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour lutter contre l'évasion fiscale et le transfert des bénéfices, Maurice a conclu avec succès les négociations avec l'Inde pour modifier le traité fiscal (DTAA) signé entre les deux parties en 2016. Il s'agit là d'un développement majeur qui pourrait, dans les années à venir, accentuer notre perte de compétitivité sur le marché indien.

Pendant près de 25 ans, Maurice s'est imposé comme le principal pourvoyeur d'investissements directs étrangers (IDE) à destination de l'Inde. Cela grâce au premier DTAA avec l'Inde ratifié en 1982 et qui a pu être pleinement activé une décennie plus tard lors du démarrage de l'offshore. Outre des dispositions fiscales fortes comme un crédit d'impôt de 80 % sur certaines catégories de dividendes, cette convention fiscale offrait la possibilité aux investisseurs de portefeuille (Foreign portfolio investors - FPI) utilisant la juridiction mauricienne de faire des placements sur le marché boursier indien à travers les P-notes (participatory notes). Cela était facilité par le fait que le DTAA prévoyait que les plus-values (capital gains) réalisées sur la Bourse indienne n'étaient pas taxables dans la Grande péninsule. Or, les P-notes ont été identifiés comme un outil possible de blanchiment d'argent en raison de l'anonymat qu'ils procurent aux investisseurs. Étant donné que ces billets permettent aux investisseurs étrangers d'investir sur le marché boursier indien sans s'enregistrer auprès du Securities and Exchange Board of India (SEBI), il est plus facile pour certains investisseurs malintentionnés de dissimuler leur identité et l'origine de leurs fonds.

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Derrière ces investisseurs institutionnels, l'on retrouve parfois de gros fonds spéculatifs qui se servent des P-notes pour influencer le cours des actions et faire de la hot money, c'est-à-dire réaliser des gains rapides.

Fort de son package fiscal attrayant et de la possibilité qu'il offre aux investisseurs de portefeuille de s'enregistrer auprès du SEBI comme des FPI de Catégorie I, le centre financier mauricien sera longtemps privilégié comme une destination d'investissement pour le marché indien. D'ailleurs, de 2000 à 2016, ce ne sont pas moins de 100 milliards de dollars qui ont atterri en Inde via Maurice, soit environ 34 % des IDE dans ce pays.

Mais après la première révision du DTAA en 2016, la provision légale sur la non-imposition des plus-values sera abolie à partir d'avril 2017, avec toutefois une disposition relative aux droits acquis (grandfathering) pour les investissements réalisés avant cette date. Avec pour conséquence que les FPI préfèrent se tourner vers d'autres juridictions. Ainsi, graduellement, Maurice a vu sa compétitivité s'amenuiser sur le marché indien. À fin mars, nous étions le quatrième contributeur aux investissements de portefeuille étrangers en Inde, après les États-Unis, Singapour et le Luxembourg. Il faut savoir que les IDE transitant par Maurice s'élevaient autour de 4,19 milliards de roupies indiennes au mois de mars. En outre, l'on compte actuellement plus de 600 FPI de Catégories I et II qui contribuent à hauteur d'environ 50 milliards de dollars d'actifs en dépôt.

Avec le dernier amendement au DTAA, les FPI feront l'objet d'un contrôle plus approfondi suivant l'introduction de ce qu'on appelle le Principal purpose test. Ce test permettra de déterminer si l'investisseur mène des activités économiques concrètes dans le pays d'investissement ou s'il est uniquement intéressé à faire du treaty shopping, c'est-à-dire profiter des avantages fiscaux associés au fait d'investir en Inde via Maurice. De plus, le nouveau protocole pourrait bien remettre en question les droits acquis des FPI en les contraignant à se soumettre au test de conformité. Une disposition qui change la donne pour les FPI domiciliés à Maurice avant 2017 et qui pourrait les pousser à s'installer sous des cieux plus cléments.

La négociation de nos traités bilatéraux était actée depuis que Maurice a signé la convention multilatérale visant à s'aligner sur l'initiative BEPS (érosion de la base d'imposition et le transfert des bénéfices). Il n'empêche qu'on ne peut jamais être pleinement préparé. Dans les semaines à venir, les acteurs de finance auront sans doute fort à faire pour rassurer les fonds internationaux domiciliés dans notre juridiction.

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