Tunisie: Accompagnement des PME | Mohamed Salah Glaied, Ingénieur dans le secteur de l'eau et activiste au sein de plusieurs associations nationales et internationales à La Presse - «Nous espérons que le nouveau code préservera le droit des générations futures»

17 Avril 2024
interview

La Tunisie reste, année après année, parmi les pays les plus touchés par la sécheresse. Les précipitations sont au plus bas depuis des décennies et le taux de remplissage moyen des barrages atteint à peine 37,3%. Les dernières précipitations sont de bon augure, mais ne résorbent pas le déficit hydrique devenu structurel.

La situation critique que vit le pays justifie largement la mise en place d'un nouveau code des eaux. Dans cet entretien, Mohamed Salah Glaied, ingénieur dans le secteur de l'eau et activiste au sein de plusieurs associations nationales et internationales, explique qu'en plus du stress hydrique dû aux changements climatiques, la problématique de l'eau en Tunisie prend toujours de l'ampleur. Une situation critique qui a poussé l'expert à émettre plusieurs recommandations.

Cela fait plus de trois années qu'on parle d'une sécheresse qui est désormais structurelle en Tunisie et non plus seulement passagère. Pouvez-vous nous dresser la situation hydrique actuelle dans le pays ?

L'eau est une source vitale, elle est dispensable pour tout développement socioéconomique. Aucune société dans le monde ne peut aujourd'hui prétendre à une croissance, voire à une survie, si elle ne dispose pas de quantités suffisantes de cette richesse naturelle. Cette étroite relation entre développement et disponibilité de la ressource en eau est d'autant plus observée dans les sociétés traditionnellement orientées vers un développement socioéconomique basé en grande partie sur une agriculture prédominante, grande consommatrice en eau.

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Bien que la Tunisie ait développé depuis l'indépendance des stratégies de mobilisation des ressources en eau, elle connaît, ces dernières années, de grands problèmes de desserte en eau, l'eau potable en premier lieu et l'eau d'irrigation en second lieu.

Le déficit demeure structurel depuis plus d'une décennie, nécessitant la diversification des ressources et le renforcement des programmes de dessalement des eaux saumâtres provenant des nappes salées comme l'eau de mer, ainsi que la valorisation des eaux usées traitées produites par l'Office national de l'assainissement (Onas), qui sont actuellement de l'ordre de 300 millions de m3.

La Tunisie affronte donc une nouvelle phase critique de développement et de gestion de ses ressources en eau. La raréfaction des ressources renouvelables, la détérioration continue de la qualité des eaux et l'accroissement du coût de leur mobilisation génèrent des problèmes chroniques qui sont de nature à déclencher des crises économiques et sociales.

La Tunisie, qui a vécu des épisodes récurrents de sécheresse et est en situation de stress hydrique, sera dotée bientôt d'un nouveau Code des eaux qui devrait être révisé et approuvé en conseil des ministres prochainement. Quel est d'après vous l'apport de ce mécanisme et ses objectifs ?

La pression galopante sur les ressources hydriques dans le monde mais aussi en Tunisie a poussé l'Etat à réviser le code des eaux datant de 1975. Un projet de loi a, d'ailleurs, été soumis à l'Assemblée des représentant du peuple (ARP) en 2019. Il a été repris par l'actuel gouvernement, au début de l'année 2024, pour l'examiner.

L'objectif est clair: rationnaliser, protéger les ressources en eau de la Tunisie et garantir le droit des Tunisiens à l'accès à l'eau. Malgré ce retard accusé dans l'adoption du nouveau code des eaux, nous espérons que ce projet de loi puisse changer la donne et préserver ainsi le droit des générations futures à cette ressource.

Sachant que ce projet stipule et insiste dans son article premier entre autres sur ce qui suit :

- Le droit à l'eau

- la bonne gouvernance de l'exploitation des ressources hydriques sur la base de la justice sociale

- la consolidation de la souveraineté nationale sur les ressources en eau et leur gestion

Les grandes lignes du nouveau texte mettent l'accent sur les dimensions préventives et prospectives qui visent à atteindre une sécurité durable de l'eau et de l'alimentation. Quelle est votre perception sur cette approche ?

Le code des eaux actuel renferme plusieurs articles liés à la conservation des eaux du Domaine public hydraulique (DPH), des droits d'usage d'eau, des effets nuisibles à cette ressource naturelle et des juridictions nécessaires à son économie et la lutte contre son gaspillage. Avec les changements climatiques et ses impacts et la demande excessive à cette ressource et sa durabilité, la révision s'impose sans aucun doute.

La révision du code des eaux de 1975 va permettre ainsi d'arrêter l'utilisation anarchique et irresponsable des eaux souterraines, secteur qui compte actuellement plus de 26.000 puits illicites qui soutirent annuellement un volume avoisinant 500 millions de m3 d'eau de bonne qualité généralement, de protéger les aquifères contre la pollution et la détérioration de leur qualité, de faire face aussi à la spéculation et le gaspillage et l'utilisation non raisonnée.

Le nouveau code des eaux projeté vise aussi à clarifier et initier à une gestion optimale de la ressource surtout avec les usagers comme les associations ou groupements de développement agricoles qui gèrent plus de 80% de nos ressources en eaux souterraines ou de surface et qui comptent plus de 2.500 associations réparties sur tout le territoire tunisien.

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