Afrique: Au Marché des Arts et du spectacle africain, les artistes s'inquiètent des statuts variés ou inexistants

Des danseurs lors du Marché des arts du spectacle africain (Masa), à Abidjan, le 16 avril 2024. (photo d'archives)

La structuration du secteur artistique en Afrique est une question centrale au Marché des arts du spectacle africain (Masa) qui se tient du 13 au 20 avril à Abidjan. Outre la trentaine de spectacles gratuits par jour pour attirer le public et exposer des nouveaux talents aux programmateurs d'événements, chaque matin se tiennent des débats. Cela entre professionnels du spectacle pour tenter de faire avancer le statut et les conditions de travail des artistes africains.

Le continent africain compte 54 pays et autant de règles ou d'absence de règles en matière de reconnaissance professionnelle pour ses artistes - qu'ils soient chanteurs, comédiens, danseurs ou autres. Cela sans parler des métiers techniques.

Pourtant, l'enjeu social et économique est énorme, comme l'explique la ministre ivoirienne de la Culture Françoise Remarck au Masa : « Dans tous les pays, il y a parfois, malheureusement, une incompréhension de ce que peut apporter la culture. Parce que, parfois, la culture est associée au divertissement. C'est toute une chaîne de valeur : les costumiers, les régisseurs, les techniciens, etc. Pour un artiste, finalement, il y a à peu près cinq personnes qui travaillent pour le mettre en avant et on l'oublie souvent. »

Au Sénégal, c'est seulement cette année que la loi sur le statut de l'artiste et des professionnels de la culture (Saproc) a été validée. « Le travail qu'ils ont fait, c'est de répertorier tous les métiers, explique Camille Seck, productrice et formatrice à Dakar. Et maintenant, il y a une caisse de sécurité sociale, donc l'idée est d'avoir à la base un accès à la santé, à une sécurité sociale. Par exemple, je suis contente de me dire que, maintenant, je vais avoir une licence de producteur de spectacle au Sénégal et que je vais payer ma licence tous les ans. Cela nous couvre et nous permet d'exister en tant que métier, et donc de ne pas être forcément mis en marge. »

Aussi mal structuré soit-il, le secteur artistique au sens large représente 2 à 3% du PIB africain. Tous les professionnels présents au Masa s'accordent à dire que cette richesse serait démultipliée si les règles et les outils d'accompagnement artistiques étaient améliorés - pour peu que les États concernés s'en donnent les moyens.

Avancée dans certains pays, mais il manque la « la mise en oeuvre »

Il existe une tentative d'harmonisation du droit des affaires en Afrique en manière d'harmonisation et de cohérence dans le secteur culturel, notamment par l'Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada), mais le chantier reste immense. Même dans un pays comme le Burkina Faso où un gros travail a été fait sur le financement du secteur artistique : l'artiste y est reconnu dans son statut en tant que travailleur à part entière.

Mais les règles ne sont pas toujours appliquées, comme le regrette Abdoulaye Diallo. Président du festival Jazz à Ouaga, coordinateur du Festival Ciné droits libres et également secrétaire général de la plateforme culturelle du Burkina Faso, ce personnage majeur du secteur affirme qu'il « faut qu'il y ait une vraie volonté politique » pour « la mise en oeuvre ».

Le problème même est de déjà pouvoir avancer sur le statut de l'artiste, de pouvoir s'entendre là-dessus. Donc oui, il y a un travail qui est fait, il y a des pays qui sont un peu plus en avance que d'autres. Il y a longtemps que nous traitons cette question au Burkina Faso. Nous avons déjà une loi sur le statut d'artiste, mais nous n'avons pas encore de décret d'application de cette loi. Au Burkina Faso, nous avons même la loi sur le 1% pour la culture, cela veut dire qu'il y a quand même des avancées. Il y a des questions sur lesquelles nous sommes déjà avancés, un peu comme la copie privée, les droits d'auteur...

Nous avons vraiment avancé sur certaines questions. Maintenant, le problème qui se pose, c'est souvent la mise en oeuvre, l'application. Sur ça, il y a un gros travail à faire, aussi bien par les professionnels que par l'État. Pour moi, il faut qu'il y ait une vraie volonté politique. Il faut que les gens arrêtent de faire des discours "Oui, on reconnait que la culture est l'essentielle" ou "l'art est essentiel", etc. mais ne pas poser des actes concrets pour ça avance.

Selon Abdoulaye Diallo, Président du festival Jazz à Ouaga, des pays ont avancé sur la question du statut des artistes mais il manque l'application

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