Afrique: Démission du énième représentant spécial de l'ONU en Libye - Un échec qui doit interpeller

analyse

Nommé Représentant spécial du Secrétaire général de l'ONU pour la Libye en septembre 2022, Abdoulaye Bathily a rendu le tablier le 16 avril dernier. Et ce, à l'issue d'une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU au cours de laquelle il a peint en noir la situation en Libye qui peine à sortir de la guerre civile qui la déchire depuis 2011, après l'élimination du colonel Mouammar Kadhafi dans les conditions que l'on sait.

Mais avant, il a tenu à donner sa lecture de la situation. C'est ainsi qu'il a exprimé son pessimisme quant au « succès » de la mission de l'ONU qui « a déployé de nombreux efforts au cours des 18 derniers mois sous ma direction » en Libye. Lesquels efforts restent malheureusement encore largement voués à l'échec, selon lui, pour deux raisons principales : « l'absence de volonté politique et de bonne foi de la part des dirigeants libyens qui sont satisfaits de l'impasse actuelle » et « l'émergence de dynamiques internationales et régionales ». On l'aura compris. Pour Abdoulaye Bathily, l'impasse actuelle dans la crise libyenne qui n'en finit pas de se prolonger depuis treize ans, tient aussi bien à des facteurs exogènes qu'à des causes endogènes qui tendent d'autant plus à hypothéquer les chances d'une solution politique que « les Nations unies », selon le désormais ex-Représentant spécial d'Antonio Guterres, « n'ont aucun moyen d'agir avec succès ».

La situation actuelle de la Libye arrange bien des gens

C'est dire si l'historien et homme politique sénégalais assume son échec qui vient après celui du Slovaque Jan Kubis qui aura tenu moins d'un an au poste resté vacant pendant plusieurs mois après que celui qui fut aussi Coordinateur spécial des Nations unies pour le Liban et Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies en Afghanistan puis en Irak, a jeté l'éponge en novembre 2021. Et, du Britannique Ian Martin nommé en 2011 à l'intérimaire Stéphanie Williams, en passant, entre autres, par l'Allemand Martin Kobler ou encore l'Espagnol Bernadino Léon, Abdoulaye Bathily est, sauf erreur, le 11ème émissaire de l'ONU pour la Libye à occuper le poste.

A ce rythme, on se demande s'il y aura encore d'autres candidats courageux prêts à relever le défi. Quoi qu'il en soit, cette succession de représentants spéciaux de l'ONU envoyés depuis plus d'une décennie comme des médecins auprès d'un malade dont la santé ne s'améliore pas, est le signe patent de la faillite de l'organisation mondiale à faire avancer significativement le processus de paix au pays de Mouammar Kadhafi. Et c'est un échec qui doit vivement interpeller. D'autant que les ingrédients pour le retour de la paix dans le pays sont connus. Alors que cela fait maintenant près de treize ans que des efforts colossaux sont déployés et des conférences de paix sur la Libye organisées sans que les lignes ne bougent dans le sens du retour à la normale. Autant dire qu'avec un pays divisé, toujours en proie aux violences et dirigé par deux gouvernements rivaux, la Libye qui est plongée dans un chaos politique et sécuritaire depuis la chute du Guide de la Jamahiriya en 2011, est encore loin de voir le bout du tunnel.

La démission de Abdoulaye Bathily met l'ONU devant ses propres responsabilités

Comment peut-il en être autrement, quand les intérêts personnels et égoïstes de dirigeants véreux sont mis au-dessus des intérêts du pays, comme le dénonce si opportunément Abdoulaye Bathily ? Comment peut-il encore en être autrement quand le conflit libyen continue d'être alimenté en coulisses par des puissances extérieures dont le soutien aux parties belligérantes se fait au gré de leurs intérêts ? C'est dire si la situation actuelle de la Libye arrange bien des gens aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays. Cela dit, il ne serait donc pas étonnant que ces derniers qui n'ont pas intérêt à ce que la situation se normalise de sitôt, contribuent à saper le processus de transition pour préserver au mieux leurs intérêts. En tout état de cause, la démission de Abdoulaye Bathily met l'ONU devant ses propres responsabilités, au moment où se pose la question de sa succession.

Qui alors pour sauver la Libye ? Bien malin qui saurait répondre à cette question. En attendant, et avec le recul, on est fondé à croire que si l'impuissance de l'organisation mondiale face à la violation répétée et généralisée de l'embargo sur les armes en Libye, était déjà un signe, c'est qu'aucun de ses Représentants spéciaux n'avait des chances de réussir sa mission. Toujours est-il que le constat aujourd'hui est que malgré la crise, la Libye a réussi à surpasser le Nigeria pour devenir en 2023, le premier producteur de pétrole brut en Afrique. Ce qui est suffisamment éloquent sur la complexité des intérêts qui se jouent dans ce pays où la guerre ne semble pas arrêter les affaires. Et cela n'augure rien de bon pour le peuple libyen qui n'aspire qu'à sortir du chaos.

AllAfrica publie environ 500 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.