Pour ce qui en doutaient encore, tout semble indiquer que le pouvoir militaire en place au Niger, depuis le coup d’Etat qui a renversé le Président Mohamed Bazoum le 26 juillet 2023, est en train de prendre le large par rapport à la CEDEAO. Il est vrai que la diplomatie n’a pas cessé pendant toute cette période de se déployer, même s’il subsiste encore des réticences.
Le premier cercle des alliés réunis au sein de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) renforce aujourd’hui sa solidarité, comme pour dire aux autres, « sans vous ce n’est pas le chaos chez nous », même si on peut le constater, il y a des difficultés. N’est-ce pas d’ailleurs ce qui constitue le challenge, et représente en même temps la raison d’une adhésion populaire, qui n’est pas encore sur le point de s’essouffler. La sortie de l’organisation communautaire de façon officielle et formelle n’est peut-être pas dans l’immédiat définitivement actée, mais les prémices sont là.
Le Niger reste sans aucun doute, l’un des pays de l’AES qui porte le plus en bandoulière la question de la monnaie sous régionale avec les pays de l’AES, même si d’autres sons de cloche, concernant le franc CFA, se font entendre, quoique du point de vue des modalités il y a quelques variantes.
Mais le point d’attention qui semble le plus visible, est sans doute la volonté affichée de reprendre en main les attributs de sa souveraineté. Le gouvernement du Président Abderrahmane TIANI a dans un premier temps, exigé le départ de la France, sous la poussée ou avec l’onction de la clameur populaire, il faut le dire.
Aujourd’hui, le pouvoir militaire franchit une nouvelle étape non seulement vis-à-vis de la CEDEAO, mais surtout vis-à-vis des Etats Unis, qui dés le début de la crise avaient envoyé une haute délégation pour s’entretenir avec les nouvelles autorités et ainsi conforter leur positionnement stratégique dans le pays « en lieu et place » de la France appelée à plier bagage dans les conditions que l’on sait.
Aujourd’hui l’exigence est que les USA quitte le Niger, du moins en ce qui concerne leur présence militaire. L’option choisie est que la coopération militaire n’est plus du goût des nouvelles autorités, et place la Russie qui a fini de faire une offre de service conséquente.
Si la coopération avec la France et les Etats unis est aujourd’hui en veilleuse pour ne pas dire plus, en revanche les Russes reprennent du terrain au Niger. La preuve la première cargaison de matériel militaire Russe est arrivée à Niamey ce 10 Avril 2024. Elle entre dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie de lutte contre les mouvements Djihadistes qui sèment la terreur sur la partie nord du pays particulièrement.
En plus du matériel militaire dont la Russie va doter le Niger d’un système de défense anti-aérien, tout à fait capable d'assurer le contrôle total de son espace aérien. Les russes ont déployé des instructeurs pour former les soldats nigériens à leur utilisation, selon une source proche du pouvoir en place.
Parallèlement le Niger soigne son voisinage avec le Mali, (le Burkina aussi) à la faveur de ses ressources pétrolières. C’est ainsi qu’en février 2024, un accord a été signé entre les deux pays pour la fourniture par le Niger de 150 millions de litres de Gas Oil destinés à l’alimentation de ses centrales électriques en proie à des difficultés d’approvisionnement de cette matière première indispensable à la fourniture d’électricité des maliens.
Si en plus de la question sécuritaire, le Niger arrive à régler les problèmes de l’énergie, il y a fort à parier que la prochaine étape sera l’émergence d’un leadership Nigérien dans la sous-région, qui fort de sa coopération au plan énergétique avec les chinois, et militaire avec les russes pourra se positionner durablement sur l’échiquier sous régional, surtout au regard des dynamiques souverainistes qui s’expriment un peu partout. Il faudra être très vigilant sur ce qui se passe au pays de Hamani Diori les prochains mois.