Au nom de la lutte contre le terrorisme, la junte reconduit cette mesure en partie impopulaire et qui a donné lieu à l'enrôlement forcé d'opposants politiques.
Au Burkina Faso, le décret de mobilisation générale et de mise en garde a été prolongé. Cette mesure, qui permet d'enrôler, parfois de force, les Burkinabè, devait prendre fin ce jeudi (18.04), mais elle a été reconduite pour une durée d'un an.
La décision vise, selon les autorités militaires au pouvoir, à "consolider les acquis" de la lutte contre le terrorisme.
Mais un an après, le constat est plutôt négatif : la mobilisation générale divise l'opinion publique burkinabè, notamment parce qu'elle permet les enrôlements forcés qui ont touché un certain nombre d'opposants politiques.
A ceci s'ajoute la peur des arrestations et des enlèvements. Certaines familles n'ont plus de nouvelles de leurs proches depuis des mois.
"Acte patriotique" selon le pouvoir
Alassane Sawadogo, coordonnateur du Front pour la défense de la patrie, le nom de la junte au pouvoir, évoque au contraire une "décision patriotique" qui permet, selon lui, de transmettre "les visions" du chef de l'Etat, le capitaine Ibrahim Traoré :
"C'est un acte patriotique que j'apprécie beaucoup. La mobilisation générale a permis au chef de l'Etat et à son gouvernement de pouvoir travailler sans inquiétude. Si vous remarquez, les réquisitions et la suspension des activités politiques et autres, c'est grâce à la mobilisation générale et beaucoup de personnes ont pu y contribuer. Cette mobilisation est une forme de conscientisation du peuple burkinabè, afin d'adhérer aux visions du capitaine Ibrahim Traoré. C'est une nécessité."
Mais pour ce Burkinabè, qui a voulu garder l'anonymat, le décret de mobilisation est perverti par les réquisitions forcées et les arrestations qui l'ont accompagné.
Selon lui, "les actions qu'ils mènent sur le terrain sont en parfait désaccord avec les termes réels du décret et nous nous posons la question sur l'utilité de ce décret. Des gens ont osé critiquer la mauvaise gestion du pouvoir et ils ont été envoyés au front. C'est pour dire qu'à l'étape actuelle, le décret n'a plus sa raison d'être. L'exécutif prend des textes et fait ce qu'il veut."
Envoyé au front à 70 ans
L'article 2 du décret, dit de la mobilisation générale et la mise en garde, donne le droit au gouvernement, de "requérir les personnes, les biens et les services (...) à l'emploi de défense, à titre individuel ou collectif".
Lassané Zoromé, analyste politique, critique pour sa part l'application d'un autre article de ce décret.
Il dit constater "les irrégularités dans son application par le passé. Au niveau de l'article 5 du décret de la mobilisation, on a dit que sont concernés, par la présente mobilisation générale, les membres des forces de défense et de sécurité, les membres des forces de défense et de sécurité en position non active, les jeunes de 18 ans ou plus, non membres des forces armées nationales, physiquement aptes, appelés à s'enrôler selon les besoins exprimés par les autorités compétentes. Alors, si on fait une interprétation de l'article 5, on se rend compte que ce n'est pas ce qui a été appliqué. On a vu, au nom de ce décret sur la mobilisation générale, des hommes de 70 ans qui ont été réquisitionnés pour aller au front. Ce sont des abus du décret."
Enfin, l'article 8 de ce décret permet de restreindre, dans certains cas, les libertés publiques. Il confère aussi des possibilités élargies de perquisition à domicile.