Tchad: An III de la disparition de Idriss Deby Itno - Le fils dans les pas de son père

Idriss Deby Itno et Mahamat Idriss Deby Itno

Le 21 mars 2021, le monde entier apprenait, avec stupeur, la mort du président tchadien, Idriss Deby Itno. Une disparition subite qui en a surpris plus d'un. D'autant que le maréchal-président qui cumulait déjà trente ans de pouvoir à la tête du Tchad, venait d'être réélu pour un sixième mandat consécutif. Selon la version officielle, le « Warrior », ainsi qu'on le surnommait, est mort des suites de blessures à lui infligées au front par les rebelles du Front pour l'alternance et la concorde au Tchad (FACT) qui contestaient son pouvoir et s'étaient donné pour objectif de le déloger du palais présidentiel par la force du canon. Une version qui comporte d'autant plus des zones d'ombres que les circonstances exactes de la mort de l'ex-homme fort de Ndjamena, n'ont jamais été clairement établies.

Toujours est-il que trois ans après sa disparition, le Tchad n'a pas connu l'apocalypse que lui prédisaient les Cassandre, au regard de la personnalité de l'illustre disparu qui n'avait pas que des amis dans son pays où il faisait face à une rébellion armée, et des circonstances de sa réélection dans un contexte de fortes tensions. Soit dit en passant, le défunt chef d'Etat tchadien avait su s'imposer sur la scène internationale, comme un interlocuteur incontournable dans la lutte contre le terrorisme au Sahel.

Déby-fils est bien parti pour légitimer son pouvoir par les urnes

Toute chose qui lui a valu d'être le principal allié des Occidentaux dans la sous-région ouest-africaine en proie au péril djihadiste. Principalement la France qui n'a pas hésité à salir sa réputation en cautionnant la dévolution anticonstitutionnelle et dynastique du pouvoir qui a porté le fils, le Général Mahamat Idriss Déby Itno, à sa succession dans les conditions que l'on sait. Aujourd'hui encore, comme le père, le fils qui a accueilli à bras ouverts les forces françaises chassées du Mali, du Burkina Faso et du Niger par les régimes militaires de ces pays, se présente comme le principal allié de l'ancienne puissance coloniale dans la lutte contre la pieuvre tentaculaire dans la sous-région. Et si ce soutien de l'Elysée lui a permis de consolider son pouvoir dès les premières heures, Deby-fils qui est à présent confortablement installé dans le fauteuil de son père, n'est pas loin de marcher dans les pas de son géniteur.

Pour cause : le jeune officier militaire qui promettait de rendre le pouvoir aux civils au bout d'une transition de dix-huit mois, se rêve désormais d'un destin national puisqu'il est candidat à la présidentielle de fin de transition censée signer le retour du pays à l'ordre constitutionnel. Et sauf cataclysme ou tremblement de terre de forte magnitude, tout porte à croire que Déby-fils est bien parti pour légitimer son pouvoir par les urnes, au soir du scrutin du 6 mai prochain. Et ce, à l'effet de mieux troquer le treillis contre les boubous, comme l'avait si habilement réussi son père bien des années avant lui. Pour s'en convaincre, il suffit de voir comment le Général-candidat a travaillé à museler les voix discordantes et à écarter du chemin menant au palais présidentiel, tout candidat crédible capable de lui tailler des croupières.

La démocratie reste toujours un défi au Tchad

En tout cas, ce n'est pas l'opposant Yaya Dillo qui dirait le contraire ; lui qui ambitionnait de porter le challenge à son cousin de président de la Transition dans les urnes et qui a été envoyé ad patres dans des circonstances qui ne sont pas sans rappeler la fusillade qui a emporté trois ans plus tôt sa mère et son fils à son domicile, alors qu'il s'était porté candidat contre Déby-père. Et puis, avec une armée acquise à sa cause, un ex-parti présidentiel, le Mouvement patriotique du salut (MPS) de son défunt père, qui a jeté son dévolu sur lui pour être son porte-étendard à la prochaine présidentielle, on ne voit pas comment Mahamat Idriss Deby Itno qui a ratissé large pour s'assurer le soutien de près de deux cents partis politiques, pourrait organiser les élections du 6 mai prochain et les perdre.

Surtout, après avoir travaillé à apprivoiser des opposants historiques comme Saleh Kebzabo et Succès Masra qui passaient pour autant des durs à cuire mais qui n'ont pu résister à l'appel à la mangeoire pour occuper des strapontins au sein de la transition. C'est dire si trois ans après la mort de Déby-père, le pouvoir n'a pas véritablement changé de main et la démocratie reste toujours un défi au Tchad. La question qui se pose est de savoir quel contenu Déby-fils donnera à son règne, s'il venait à être élu au soir du 6 mai prochain. L'histoire sans doute le dira. En attendant, Deby est mort mais Déby est vivant, et tout porte à croire que les Tchadiens devront s'en accommoder pendant encore de longues années. Vous avez dit dynastie ?

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