Dans la nuit du 25 au 26 mars dernier, l'Assemblée Nationale togolaise a adopté un projet de réforme constitutionnelle promettant un passage « test » vers un régime parlementaire. Le président de la République serait alors élu par une majorité de députés. De fait, ce projet de loi annule les élections prévues en 2025 et donne une dimension toute autre aux législatives du 20 avril 2024. L'opposition ainsi que des acteurs de la société civile ont dénoncé une tentative de « coup d'état constitutionnel ».
Faure Gnassingbé, président du Togo, est au pouvoir depuis 2005 et exerce actuellement son quatrième mandat. Des observateurs craignent que cette réforme lui permette de briguer le nouveau poste de Président du Conseil, gardant ainsi la main sur le pays.
C'est dans ce contexte que Thomas Dietrich s'est rendu au Togo afin de couvrir la révision constitutionnelle et sa contestation.
Le vendredi 5 avril, en prévision de son voyage, il fait une demande de visa professionnel, qui lui a été accordé, ainsi qu'une demande d'accréditation auprès de la Haute Autorité Publique à la Communication (HAAC) : cette seconde autorisation a d'abord été approuvée puis suspendue, la HAAC ayant subitement décidé que le Togo ne délivrait plus d'accréditations dans le cadre des contestations populaires contre la révision constitutionnelle.
Arrivé au Togo le vendredi 12 avril, Thomas Dietrich s'est rendu à la HAAC le matin du 15 avril afin de récupérer son accréditation et commencer à couvrir la campagne des législatives. Il a été arrêté dans les heures suivantes.
Son visa professionnel étant toujours valable, cette arrestation est une bien mauvaise surprise. Elle représente une atteinte intolérable à la liberté de la presse. Il a été expulsé le mardi 16 avril à 13 heures vers le Bénin, après un simulacre de procès. Il est condamné à six mois de prison avec sursis ainsi que cinq ans d'interdiction du territoire togolais pour entrée illégale dans le pays.
Thomas Dietrich signale, outre une arrestation des plus brutales, avoir été humilié et fortement malmené durant sa détention. Le journaliste français dit avoir subi un interrogatoire très violent. Privé d'avocat, il explique avoir été frappé et menacé à plusieurs reprises en représailles à la publication récente d'une vidéo consacrée à la situation politique au Togo. Le pouvoir togolais se rend à nouveau coupable d'une atteinte gravissime aux droits de la presse mais surtout aux droits humains les plus élémentaires.
Thomas Dietrich, qui publie de multiples enquêtes sur la Françafrique, fait l'objet d'un véritable harcèlement policier dans plusieurs pays. Il est constamment surveillé et subit de nombreuses pressions lors de ses déplacements en reportage, est régulièrement arrêté puis expulsé pour l'empêcher de couvrir l'actualité ou d'enquêter. Les régimes veulent faire payer au journaliste le prix de son intégrité et sa rigueur professionnelle, alors même qu'ils n'ont juridiquement rien à lui reprocher, se contentant généralement de l'entraver et de l'expulser sans poursuites pénales.
Le SNJ-CGT et la FIJ dénonçaient déjà les atteintes au travail de Thomas Dietrich, notamment lors de son arrestation en Guinée en janvier 2024, alors qu'il enquêtait sur la Société Nationale des pétroles, ou encore lorsqu'il était convoqué par la police française après une plainte de l'ancien patron de la police politique tchadienne, en représailles à une enquête publiée sur Le Média. Thomas Dietrich est par ailleurs soutenu par le SNJ-CGT et la Fédération Européenne des Journalistes (FEJ) alors que lui et sa famille font l'objet de menaces de la part du régime tchadien suite à une série d'enquêtes.
Le SNJ-CGT et la FIJ s'indignent de ces pratiques scandaleuses et appellent les autorités togolaises à respecter la liberté de la presse et les droits humains. "Nous exigeons que Thomas Dietrich puisse circuler et couvrir librement l'actualité au Togo", ont déclaré les organisations.