La santé reproductive des jeunes est en passe de devenir une problématique centrale en matière de santé et de développement au Sénégal. D'où la nécessité de sa prise en charge instante dans les politiques du gouvernement, surtout en rapport avec l'acuité du phénomène.
Au Sénégal, l'Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ands) renseigne que les jeunes ont une vie sexuelle très précoce. Selon les statistiques de l'Ands et Macro International 2013, environ un quart (1/4) des adolescentes sont mariées avant l'âge de 20 ans et un tiers (1/3) de ces derniers âgés de 15 à 19 ans sont déjà sexuellement actifs. La même source indique aussi que 8% des filles de 15-17 ans ont «déjà commencé leur vie procréative» ; et ce taux atteint 34,1% chez les adolescentes de 19 ans. Une situation qui peut être une explication du taux de mortalité maternelle élevé chez ces adolescentes, situé à 629 décès pour 100.000 naissances vivantes, comparé à 434 décès pour 100.000 naissances vivantes dans la population adulte.
Selon le Centre de recherches pour le développement international (Crdi), la proportion des adolescent-e-s et jeunes ayant au moins un enfant est élevée, atteignant près du quart (1/4) des 15-19 ans. Les adolescentes célibataires sexuellement actives sont stigmatisées et plusieurs stéréotypes sont notés autour de la contraception. Des éléments qui font que la santé reproductive des jeunes est devenue une problématique centrale en matière de santé et de développement au Sénégal, relèvent les acteurs de la lutte. Ces derniers estiment que le volet santé de la reproduction des adolescents jeunes n'est pas bien pris en charge dans les politiques du gouvernement.
Ce qui a amené la directrice du Bureau régional Afrique centrale et de l'Ouest du Crdi, Marie Glorieuse Ingabire, a souligné que «le Sénégal s'est doté de lois et de politiques visant à promouvoir les services de santé offerts aux jeunes, en particulier aux adolescentes. Toutefois, en raison de lacunes importantes en matière de données et de connaissances, les progrès sont lents dans la mise en oeuvre de ces politiques et programmes et dans l'application des lois». Et d'ajouter : «de même, le lien entre la santé de la reproduction des adolescentes et les violences basées sur le genre n'est pas suffisamment pris en compte dans les politiques et les pratiques et l'accès limité aux services de santé, en particulier de la reproduction, favorise l'aggravation des conséquences des violences basées sur le genre».
DEFIS D'UNE PRISE EN CHARGE
Malgré d'importants progrès en termes de couverture du territoire national en structures sanitaires, les acteurs de la lutte pour la prise en charge des adolescent-e-s soutiennent que l'existant reste insuffisant et les structures qui existent n'offrent pas nécessairement des services adaptés aux besoins de ces ados. «Les adolescentes sont souvent confrontées à un accueil inapproprié, marqué par les propos moralisateurs des prestataires de services de santé, le regard accusateur des autres patients et les paroles déplacées d'un passant. Les problèmes sous-jacents de confidentialité, de stigmatisation et de préjugés font que la plupart des adolescentes préfèrent ne pas se rendre dans ces centres de santé et ne pas les fréquenter», relève-t-on dans le dossier de presse du Forum sur la Santé des Adolescentes, tenu mercredi à Dakar.
Et de poursuivre : «l'accès limité à des informations de qualité sur la santé, représente un obstacle aux capacités des adolescentes à prendre des décisions responsables dans ce domaine. Cette situation confronte ces dernières à des situations de désorientation, de vulnérabilité et d'exploitation, entraînant des atteintes à leur santé. Les tabous autour des questions de santé de la reproduction poussent de nombreuses adolescentes à rechercher des informations de manière clandestine, pour éviter la stigmatisation».