Dakar — Le secrétaire général de la fondation Léopold Sédar Senghor, Amadou Ly, s'est dit "très affecté" par l'affaire de la "vente aux enchères du patrimoine de Léopold Sédar Senghor", relevant que le premier président du Sénégal n'avait pas pris les dispositions nécessaires sur son héritage avant sa mort, le 20 décembre 2001.
"J'étais très affecté, un peu déçu de cette affaire, parce qu'en vérité ce qu'il fallait faire et certaines personnes reprochent cela à Senghor, c'est le fait qu'il n'ait pas pris de dispositions sur son héritage avant sa mort", a-t-il dit dans un entretien accordé à l'APS.
"Il a laissé les choses en l'état", s'est désolé le spécialiste de la littérature africaine de langue française. Certes, le président-poète avait plusieurs héritiers, mais à la fin de sa vie, il n'en restait que deux, son épouse Colette Senghor et son fils aîné Francis-Arfang Senghor, fait-il remarquer.
Ce dernier, né en 1947, est issu du premier mariage de Senghor avec Ginette Eboué, fille de Félix Eboué, ancien gouverneur de l'Afrique équatoriale française, précise Amadou Ly.
"Mais l'un ou l'autre était sous curateur, c'est-à-dire ils n'étaient plus responsables. Les curateurs prenaient soin de leurs parts et, finalement, pour une raison ou une autre, Collette Senghor s'est retrouvée seule héritière", explique le secrétaire général de la fondation Léopold Sédar Senghor.
Selon lui, c'est cela qui a fait que Collette Senghor a légué l'héritage à sa cousine, par ailleurs sa gouvernante et cette dernière a à son tour transmis l'héritage à sa gouvernante.
"Si le président Senghor avait pressenti que les choses allaient se passer ainsi, il aurait légué son héritage à sa famille ou bien à la fondation ou à la bibliothèque de l'université de Dakar, comme l'on fait le professeur et économiste Amadou Aly Dieng, l'ancien directeur général de l'UNESCO, Amadou Moctar Mbow", estime-t-il.
Le professeur Lilyan Kesteloot, chercheuse belge, spécialiste des littératures négro-africaines francophones, qui a enseigné à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar, en a fait de même, rappelle-t-il. Il rappelle à cet égard que des professeurs en fin de mission mettent leur bibliothèque à la disposition des chercheurs.
"Il [Léopold Sédar Senghor] n'a pas pris ses dispositions et cela crée de la frustration de voir ses livres partir parce que des gens ont de l'argent et les ont achetés pour les mettre dans leur bibliothèque pour dire que cela appartenait à Senghor. Ils ne savent pas en tirer quoi que ce soit", se désole-t-il.
Il se réjouit de voir que le Sénégal a pu sauver des biens essentiels. Il déplore cependant la disparition d'une partie des biens de l'ancien président de la République. "On ne sait pas ce qu'est devenu l'épée de Senghor et sa toge de l'Académie française", s'étonne-t-il par exemple.
Répondant à ceux qui interpellent la Francophonie ou la France sur cette affaire du patrimoine de Senghor, le professeur Amadou Ly rappelle que le président français Emmanuel Macron est issu de la promotion Léopold Sédar Senghor de l'Ecole nationale d'administration (ENA).
Il estime que la Francophonie "aurait sans doute dû intervenir pour elle-même ou offrir cette bibliothèque à l'Université Senghor d'Alexandrie".