Soixante-dix pour cent des pays les plus vulnérables au changement climatique comptent également parmi les plus fragiles sur les plans politique et économique.
Irene Abon n'avait que sept ans lorsqu'elle a mis les pieds sur sa nouvelle île avec sa famille.
En 1985, sa famille et d'autres habitants de l'atoll de Rongelap, dans le Pacifique, ont dû abandonner leurs maisons en raison des retombées d'une bombe à hydrogène qui avait explosé dans la région trois décennies plus tôt. Souffrant du syndrome d'irradiation, les membres de la communauté ont été évacués et installés sur l'île de Mejatto dans les Îles Marshall.
« Quand nous sommes arrivés, il n'y avait rien sur l'île, peut-être juste des cocotiers », se souvient Irene, aujourd'hui agricultrice.
Bien que sa famille et elle aient trouvé un nouvel endroit plus sûr où vivre, Irene a été témoin de changements majeurs dans sa communauté au cours des 30 dernières années. La hausse des températures et les sécheresses récurrentes ont miné leur capacité à produire de la nourriture. L'érosion des zones côtières sous l'effet de la mer et les marées hautes déversent de l'eau salée sur toute l'île. La pénurie alimentaire qui en résulte risque de créer des tensions au sein de la communauté.
« Le changement climatique a certainement eu un impact sur la communauté, car lorsqu'il fait sec et qu'il n'y a pas de pluie, les gens s'inquiètent parce que les cultures qu'ils plantent ne sont pas saines ou bonnes pour la récolte », explique Irene.
Cependant, la construction de tours de jardin alimentées à l'énergie solaire qui font pousser des plantes sans terre a donné une nouvelle chance à la communauté.
« Les plantes poussent ici quelles que soient les conditions météorologiques. La nourriture peut procurer les vitamines dont nos enfants ont besoin et aider ceux qui souffrent de malnutrition. »
Irene Abon, agricultrice
Les tours de jardin contribuent à s'assurer qu'il y a suffisamment de nourriture pour tous, contribuant ainsi à prévenir les conflits liés à la pénurie alimentaire due au changement climatique. Cette initiative s'inscrit dans le cadre du projet Sécurité climatique dans le Pacifique, mis en oeuvre par le PNUD et l'Organisation internationale pour les migrations, avec le soutien du Fonds des Nations Unies pour la consolidation de la paix. L'objectif est de protéger les communautés locales en investissant dans l'action climatique et en prévenant les tensions susceptibles de conduire à l'insécurité et aux conflits.
Un point d'intersection entre le changement climatique et les conflits
L'urgence climatique a un impact sur la vie des personnes sur tous les continents. En 2023, le monde a connu l'année la plus chaude jamais enregistrée. Aujourd'hui, le nombre de conflits violents n'a jamais été aussi élevé depuis la création de l'Organisation des Nations Unies en 1945. Selon les estimations, 2 milliards de personnes vivent dans des zones fragiles et touchées par des conflits et 3,3 à 3,6 milliards de personnes se trouvent dans des contextes très vulnérables en raison du changement climatique. Soixante-dix pour cent des pays les plus vulnérables au changement climatique comptent également parmi les plus fragiles sur les plans politique et économique.
Pourtant, le financement de l'action climatique est inégal. Si les États non fragiles ont reçu 161 dollars par habitant entre 2014 et 2021 au titre du financement international de l'action climatique, les États les plus fragiles, eux, n'ont reçu que 2,1 dollars par habitant.
Le changement climatique n'entraîne pas directement de conflits ou d'instabilité, mais il peut interagir négativement avec les facteurs qui ont un impact sur la vie des personnes les plus vulnérables sur les plans social, politique et économique. Lorsque ces risques ne sont pas pris en compte, de nouvelles crises et de nouveaux conflits peuvent éclater ou attiser les tensions existantes. C'est pourquoi la prise en compte des risques de sécurité liés au climat est essentielle pour le développement durable local et la prévention de futurs conflits.
Mettre fin aux conflits liés aux ressources naturelles
Plus de 800 000 personnes ont été déplacées au Mali depuis 2012 en raison du conflit armé qui empêche la culture des champs, entraînant une insécurité alimentaire. En collaboration avec le Fonds pour l'environnement mondial (FEM) et l'agence locale pour l'environnement et le développement durable, le PNUD contribuera à la protection et à la remise en état de 21 000 hectares de terres dégradées, au profit de 150 000 personnes.
La lutte contre la dégradation des terres conjuguée à la restauration de la productivité des terres dans le pays, ainsi qu'à la résolution des conflits entre les communautés agricoles et pastorales liés aux ressources en eau, permettra de réduire la vulnérabilité des communautés locales à l'impact des conflits.
Dans le nord-ouest du Nigéria, le PNUD, avec l'appui du Gouvernement norvégien, met en place un centre pour la paix climatique afin d'aider à mettre fin aux différends liés aux ressources naturelles. Les zones forestières sont passées sous le contrôle de groupes armés, poussant les communautés locales à abattre des arbres et des arbustes autour des zones urbaines, provoquant la déforestation et la dégradation des terres. Une pratique qui a donné lieu à une augmentation des inondations pendant la saison des pluies, entraînant des pertes d'infrastructures et affectant la production et la distribution de nourriture, ainsi que les moyens de subsistance de nombreuses personnes.
L'initiative dirigée par le PNUD vise à réduire les tensions liées aux ressources et la dégradation des terres en améliorant la gestion communautaire des ressources naturelles et en promouvant et des emplois verts et des moyens de subsistance résilients face au changement climatique.
Prévenir l'insécurité climatique future
Dans le cadre du Mécanisme de sécurité climatique, le PNUD travaille avec ses partenaires pour faire progresser la prévention et maintenir la paix dans un monde en proie au changement climatique. L'offre du PNUD en matière de crises renforce la nécessité de répondre à l'urgence climatique pour mettre fin aux conflits et les anticiper.
Lors de la COP27, le PNUD a soutenu le lancement de l'initiative Climate Response for Sustaining Peace (Réponse climatique pour le maintien de la paix, qui vise à faire en sorte que les réponses climatiques contribuent à une paix et à un développement durables. En 2023, la Déclaration de la COP28 sur le climat, l'aide d'urgence, le relèvement et la paix a été entérinée par l'organisation en soutien aux pays et communautés les plus vulnérables.
Dans 120 pays et territoires, dont 46 en situation de fragilité et touchés par des conflits, le PNUD travaille en étroite collaboration avec les autorités et les communautés locales pour améliorer la sécurité climatique et aider les pays à réaliser les 17 Objectifs de développement durable.
Que ce soit dans une petite communauté insulaire du Pacifique ou dans des pays en proie à des conflits prolongés, l'action en matière de sécurité climatique s'est avérée essentielle pour éviter le risque d'attisement des tensions sociales et contribuer à assurer un avenir durable pour tous.