Ils se sont couchés sous la IVe République, les Togolais se sont réveillés dans la Ve. Du moins sous réserve de la promulgation de la loi (ce qui ne devrait pas tarder) par le président Faure Essozimna Eyadéma.
Au milieu de la nuit du vendredi 19 au samedi 20 avril 2024, le députés ont en effet voté à l'unanimité le projet de révision constitutionnelle qui fait entrer le pays dans une nouvelle ère politique en passant d'un régime présidentiel à un régime parlementaire. Dorénavant donc, parmi les réformes majeures, le premier magistrat ne sera plus élu au suffrage universel direct mais par l'Assemblée nationale « pour un mandat de quatre ans renouvelable une seule fois ». La fonction de président du Conseil, lequel président sera automatiquement le chef du parti majoritaire, est aussi créée et c'est lui qui devrait exercer véritablement le pouvoir.
Si on met de côté les a priori, les préjugés et les procès d'intention instruits par ses contempteurs contre « l'homme Faure » du Togo, qui voudrait ainsi se refaire une virginité politique en remettant son compteur présidentiel à zéro, il faut reconnaître que c'est un pas vers une forme de raffinement démocratique dont l'Afrique n'est pas si coutumière. Attendons cependant de voir l'effet véritable que produira sur le terrain ce texte révolutionnaire en soi qui devrait introduire un rééquilibrage vertueux des pouvoirs entre l'exécutif et le législatif.
Autrement dit, le chef de l'Etat deviendra-t-il ipso facto une sorte de roi d'Angleterre juste bon à inaugurer les chrysanthèmes pendant que son super chef de gouvernement aurait la plénitude du pouvoir ? Pourvu seulement que les promesses d'amélioration de la démocratie soient tenues, car quelle que soit la beauté d'un texte législatif ou réglementaire, son efficacité et son efficience dépendent avant tout des hommes et des femmes qui sont chargés de l'appliquer. A Faure donc de montrer a posteriori que son projet procède d'une réelle volonté de bonifier le système que de toute autre chose.
C'est dans ce contexte, où les relations entre pouvoir et opposition sont passablement tendues, que se déroule la campagne pour les élections législatives et régionales du 29 avril prochain. Si, les régionales revêtent une certaine importance historique parce que ce sont les toutes premières dans les annales politiques du pays, le point de fixation demeure le choix des 113 députés sur quelque 2350 candidats. Initialement prévues pour le 20 avril dernier, ces échéances électorales avaient été reportées pour permettre une large consultation « de toutes les parties prenantes à la vie nationale » sur le projet de modification constitutionnelle qui avait, dans un premier temps, reçu l'onction parlementaire le 25 mars avant que le chef de l'Etat ne le renvoie à l'hémicycle pour une seconde lecture.
Le double scrutin de dimanche prochain prend encore plus d'importance et revêt davantage d'enjeu après la révision de la loi fondamentale et le retour de certaines formations qui avaient boudé les urnes en 2018. Six ans plus tard, si quelques chapelles campent toujours sur leur position, d'autres, par contre, conscientes que la politique de la chaise vide est souvent contreproductive parce que les absents, selon l'adage, ont toujours tort, ont décidé, cette fois-ci, de ne pas laisser tout le champ libre à l'Union pour la République (UNIR). Ainsi de l'Alliance nationale pour le changement (ANC) de Jean-Pierre Fabre et des Forces démocratiques pour la République de Me Paul Dodji Kokou Apevon.
Il faut en tout cas espérer que malgré le mur de méfiance qui sépare les différents acteurs togolais depuis des lustres, la sérénité et la sagesse prévaudront pour éviter que le pays bascule dans le cycle de violences qui ont si souvent rythmé la tenue des élections.