Face à l'érosion côtière qui réduit de plus en plus les surfaces rizicoles et menace les habitations, les populations du littoral sud tentent de parer au plus pressé, avec des solutions locales, à travers des reboisements et la mise en place d'épis maltais pour limiter l'avancée de la mer, en attendant l'intervention des pouvoirs publics pour des solutions plus durables.
L'état de dégradation du littoral inquiète en effet les habitants et les autorités locales, impuissants face aux vagues qui risquent d'emporter une partie de leur territoire.
Populations locales, élus locaux, et partenaires ont développé ainsi des solutions de fortune pour sauvegarder quelques hectares de la plage et de la végétation, principales barrières de protection des rizières et habitations de Diembéring, contre l'avancée de la mer.
Abdourahmane Diallo, adjoint au maire de cette commune s'émeut du niveau de destruction de la plage et des arbres du littoral de ce village côtier.
"Il y a une situation catastrophique. Ici, nous sommes en présence d'un cimetière d'arbres. Cette situation à laquelle nous assistons impuissamment, est grave et difficile à qualifier", avoue l'élu local.
L'avancée de la mer a atteint des proportions qui dépassent les moyens de la commune de Diembéring, relève M. Diallo, signalant l'existence de solutions locales initiés par la mairie et ses partenaires, pour contenir l'avancée de la mer.
"Chaque année, nous faisons des reboisements sur le littoral avec le service des eaux et forêts et le conseil régional de la jeunesse. Néanmoins, nous sollicitons auprès de l'Etat et des organisations internationales des moyens colossaux, pour contenir la menace de l'avancée de la mer", confie-t-il.
Des épis maltais et des digues anti-sel pour récupérer des rizières
D'autres solutions comme l'introduction d'épis maltais sont entreprises également par les communautés insulaires locales de Diembéring et leurs partenaires, pour freiner l'avancée de la mer vers leurs habitations ainsi que vers les parcelles rizicoles.
Les épis maltais sont des méthodes douces expérimentées pour limiter l'érosion côtière. Ils sont réalisés avec des épis à base de bois, de pneus et de feuilles de palmiers installés sur le rivage pour retenir le sable.
"Au niveau de l'île de Ourong, leur installation a donné des résultats positifs, alors que, dans un passé récent, la mer dans sa progression, avait pris nos cimetières. On voyait à l'air libre, les ossements de nos morts", confie Omar Gomis, un habitant de l'île. Il appelle à accompagner les insulaires dans la lutte contre ce phénomène.
Du côté de l'île de Diogué aussi, "la mer a fini d'occuper une bonne partie de la plage", signale Amy Guèye, une habitante de l'île. "A Diogué, pour faire face à l'avancée de la mer, nous avons essayé de stabiliser le sable, à l'aide de filets de pêche, de pneus, ou encore avec du bois. Grâce à ces solutions de fortune, nous avons réussi une stabilisation progressive du sable", se réjouit-elle.
"Par la suite, nous avons installé des épis maltais contre l'érosion côtière, qui nous ont permis d'avoir une petite amélioration", indique Mme Guèye.
Le projet de renforcement de la résilience économique et environnementale des zones côtières de la base Casamance (REEZO) a installé des épis maltais, dans les villages de Diogué, Cachouane, Gnikine et Carabane.
"Avec l'appui des services techniques de l'Etat, nous avons apporté des solutions douces via la mise en place d'épis maltais, un système approprié pour réduire l'effet de l'érosion côtière en favorisant l'accumulation du sable", explique le chargé de communication du projet, Babacar Dji Coly.
Le projet REEZO Casamance est financé par l'Union européenne (UE) et la direction de développement de la coopération suisse. Il vise principalement à fixer le sable sur le littoral et empêcher qu'il soit emporté par la mer et ainsi éviter un déferlement des vagues, cause principale de l'érosion côtière.
Des universitaires préconisent des études sérieuses
Cependant, pour Tidiane Sané, enseignant-chercheur au département de géographie de l'UFR des sciences et technologies de l'université Assane Seck de Ziguinchor, "le premier pas vers la lutte contre l'érosion côtière sur le littoral sud, réside dans la recherche".
"Pour venir à bout de ce phénomène qui menace les activités rizicoles et les habitations des populations de Diembéring, il faut des études sérieuses sur l'avancée de la mer", préconise-t-il, insistant sur la nécessité "de documenter sérieusement ses différents phénomènes naturels".
Tidiane Sané appelle à impliquer dans cette étude la population, la recherche, l'Etat, les organisations non gouvernementales mais aussi des programmes et projets de recherches nationaux ou régionaux.
L'enseignant-chercheur Bamol Ali Sow préconise pour sa part de "documenter l'érosion côtière à Diembéring, pour savoir le type d'infrastructure adaptée à mettre en place contre ce phénomène".
Son collègue, Cheikh Faye, enseignant-chercheur au département de géographie de l'université Assane Seck de Ziguinchor, soutient que la solution contre l'érosion côtière du littoral sud "est globale et non locale".
"Il faut s'attaquer aux causes d'amplification du changement climatique, d'augmentation des températures pour espérer faire face à ce phénomène", avance-t-il, estimant que la principale solution à ce phénomène, "est l'atténuation" du climat.
Il propose de faire de sorte qu'il y ait moins de rejets de gaz à effet de serre dans l'atmosphère, en protégeant la végétation du littoral qui permet la fixation des molécules de carbone.
Au plan local, M. Faye appelle à mener des activités de reboisement d'arbres et de préservation des forêts, pour permettre une fixation des molécules de carbone nécessaires pour la lutte contre le changement climatique.