L’artifice qui a été trouvé par le chef de l'Etat togolais Faure Gnassingbé, le 29 mars dernier, face à la contestation généralisée de la nouvelle Constitution du Togo, votée par l’Assemblée nationale le 25 mars, a été de renvoyer le texte, comme la constitution le lui permet, pour une seconde lecture, après consultations des acteurs. Cette solution ne semble pas à priori, atténuer les ardeurs l'opposition et de la société civile.
Il faut rappeler que la pomme de discorde c’est la révision constitutionnelle qu’on a finalement fait voter par l’Assemblée nationale ce vendredi 19 Avril 2024. Le nouveau texte stipule que le Président de la République, qui fera son dernier mandat en 2025 s’il est élu, sera désormais choisi « sans débat » par le Parlement « pour un mandat unique de six ans ». Il crée ensuite le poste de « président du Conseil des ministres » avec les pleins pouvoirs dans la gestion des affaires gouvernementales, et responsable devant le parlement.
On passe ainsi d’un régime présidentiel à un régime parlementaire, dans lequel le président du Conseil des ministres a la prérogative de représenter le pays en lieu et place du président de la République.
Quel problème a-t-on voulu régler par ce biais ?
La réponse se trouve dans le texte lui-même, car il en indique de façon explicite que le chef du parti ou le chef de file de la coalition de partis majoritaire à l’issue des élections législatives est désigné pour un mandat de six ans comme président du conseil, sans en indiquer le nombre admis.
De deux choses l’une.
Soit le Président Faure Gnassingbé, qui d’ailleurs n’en est pas à sa première révision, (il en a fait une en 2019, ce qui lui a permis de remettre les compteurs à zéro et ainsi de briguer deux nouveaux mandats), veut conserver le pouvoir éternellement. De ce point de vue, en tant que chef de la majorité avec son parti Union pour la république (UNIR), qui dispose de 59 siège sur les 91 que compte le parlement, il va tenter de remporter les législatives du 29 Avril pour avoir un boulevard, qui va le mener à de nouveaux mandats, en vertu de la nouvelle constitution ; le mandat en cours devant prendre fin en 2025.
Ou alors, il est dans une logique de dévolution du pouvoir, laquelle l’engage une fois élu, de préparer sa succession avec ceux qui dans son camp lui seront fidèles et qui adhèrent au choix qu’il fera. Dans l’un comme dans l’autre cas, le sésame sera impérativement une victoire aux législatives. Faute de quoi, le plan tombe à l’eau, car la nouvelle majorité prend le pouvoir, reste à voir si elle conservera ses mêmes positions de rejet de la nouvelle constitution.
Toutefois, il faut reconnaitre qu’aujourd’hui l’opposition qui n’entend plus boycotter les élections, s’est engagée de pied ferme dans ces législatives, ce qui en soit est une sage décision. Faire confiance au vote des électeurs et compétir pour qu’une fois la victoire obtenue, conserver les changements opérés, ou remettre le suffrage universel dans sa valeur originelle gage de légitimité.
A en croire Mme Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson, coordonnatrice de la Dynamique pour la majorité du peuple (DMP), une coalition de l’opposition, le challenge se trouve dans la victoire le soir du 29 avril. Des joutes passionnantes en perspectives, à l’image de la campagne en cours. Vivement que cela se termine dans le calme et la transparence, et que le Togo puisse continuer à consolider ses résultats économiques, notamment son taux de croissance qui selon les prévisions s’élèvera à 5,1% en 2024.