Afrique de l'Ouest: Burkina/Côte d'Ivoire - Je vais et je viens entre... je t'aime, moi non plus !

La rencontre entre les ministres burkinabè et ivoirien de la Défense et de la Sécurité le 19 avril à Niangoloko, à la frontière sud-ouest du Burkina, passerait pour normale, pour ne pas dire anodine, entre 2 pays voisins. Mais voilà : la crise sécuritaire persistante au Sahel n'est pas sans affecter peu ou prou certains pays du littoral du golfe de Guinée, dont la Côte d'Ivoire !

Cette dernière, c'est connu, a essuyé une série d'attaques terroristes entre 2020 et 2021 qui ont fait beaucoup de victimes. Quand s'y ajoutent des traversées indues de sa frontière avec le Burkina par des éléments des forces de défense et de sécurité, suivies d'arrestations, la rencontre de Niangoloko entre Kassoum Coulibaly et Téné Birahima Ouattara devient un grand événement. C'est une hirondelle qui annonce comme un printemps de dégel diplomatique entre Ouagadougou et Abidjan.

Même en l'absence d'un communiqué officiel sur cette réunion, il y a fort à parier, vu le profil des 2 ministres et la composition de leurs délégations respectives, que les questions de sécurité ont été au coeur de leurs échanges. Des discussions pour mieux se comprendre sur le dossier des 2 gendarmes ivoiriens arrêtés en territoire burkinabè depuis septembre 2023 et sur la détention d'un militaire et d'un Volontaire pour la défense de la patrie (VDP) burkinabè aux mains des autorités ivoiriennes ? Au-delà de permettre de s'entendre sur les malentendus et d'aplanir tous les obstacles dans une perspective d'échange de prisonniers, plus globalement, la rencontre de Niangoloko pourrait avoir été une opportunité de discuter de l'amélioration de la coopération entre ces 2 pays en matière de défense et de sécurité.

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Si tel a effectivement été le cas, c'est un bon début pour les ministres Kassoum Coulibaly et Birahima Ouattara pour faire mentir les narratifs alarmistes sur les présidents Ibrahim Traoré et Alassane Ouattara, qui se regarderaient en chiens de faïence : le premier, dont les options panafricanistes, progressistes et souverainistes rappellent l'épopée révolutionnaire du Burkina sous le magistère du président Thomas Sankara, ne ferait pas confiance au second. Le président Alassane Ouattara, qui a ses entrées à Paris, Bruxelles et Washington, aura toujours besoin de montrer patte blanche pour prouver qu'il n'est pas le cheval de Troie des puissances occidentales ou le bras financier de leurs alliés pour déstabiliser le Burkina.

Révolution, froid diplomatique, soupçons de complot, etc., en cela, la relation ivoiro-burkinabè est un serpent qui se mort la queue, le régime du capitaine Ibrahim Traoré marchant dans les pas de celui du capitaine Thomas Sankara. Il faut néanmoins faire remarquer aujourd'hui l'exception des allusions injurieuses des premières autorités du Burkina à l'encontre du président Alassane Ouattara, car Houphouët Boigny en avait reçu des plus irrespectueuses du genre "crocodile aux yeux gluants", "hibou au regard fuyant", sous Thomas Sankara.

Ce diplomatiquement incorrect n'étant pas de mise sous Ibrahim Touré, il faut espérer que les divergences idéologiques ne soient la mer à boire ni pour Abidjan ni pour Ouagadougou et que le politiquement correct prenne le dessus dans l'approche de la coopération entre ces 2 pays. Du reste, les 2 gouvernements voudraient faire fi de ce bon sens que les populations qui vont et viennent quotidiennement, massivement d'un pays à l'autre, leur rappelleraient leurs leçons d'histoire et de géographie. Avant pendant et après la colonisation, aujourd'hui et demain, les relations entre les territoires du Burkina et ceux de la Côte d'Ivoire ont été sont si fusionnelles qu'elles relèvent du "je t'aime... moi non plus".

A l'image d'un vieux couple, ou des dents et de la langue dans la bouche, ils se disputent, les unes mordent l'autre dans de rares faux mouvements, mais la cohabitation est inévitable. Au demeurant, le choix de la ville de Niangoloko était-il fortuit pour abriter cette importante rencontre ? Qui de Téné Birahima Ouattara ou de Kassoum Coulibaly a plus de parents dans cette ville carrefour du Sindou historique, celui des rois Batiéba Ouattara et Biton Coulibaly ?

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