Sénégal: Docteur Abdou Gueye, environnementaliste, specialiste en gouvernance des ressources extractives (petrole et gaz), sur les impacts - «Il n'y a pas de risque zéro»

interview

Les craintes des populations sont légitimes. L'environnementaliste et spécialiste en gouvernance des ressources extractives, Abdou Guèye, trouve qu'en matière d'exploitation pétrolière et gazière, le risque d'avoir des impacts négatifs n'est pas à exclure.

Les insulaires proches de la plateforme de Sangomar craignent pour la survie de leurs activités et leur environnement une fois l'exploitation pétrolière et gazière entamée. Leurs inquiétudes sont-elles légitimes ?

Ce qu'il faut d'abord retenir et qu'on a l'habitude de préciser, est qu'il n'y a pas de risque zéro. Quand on parle de l'exploitation pétrolière et gazière, il faut d'abord noter que c'est une chaine composée de différentes phases. On démarre par les activités sismiques, ensuite celles de forage puis le développement à travers la mise en place des installations. La production occupe la phase la plus longue. Enfin, on termine par celle de démantèlement. C'est une activité qui peut durer de 15 à 30 ans, si le gisement est rentable. Pour chaque phase, il peut y avoir des impacts spécifiques sur la biodiversité marine (cette biodiversité marine caractérisée par la diversité des espèces, écosystémiques et génétiques). Les activités pétrolières peuvent également affecter la pêche, juste pour préciser que c'est dans ce même espace où nous avons deux activités macro-économiques (pêche et hydrocarbures).

L'enjeu est de savoir comment assurer la cohabitation entre ces deux activités ; mais qui parle de risques peut aussi parler d'impacts. Il faut aussi comprendre ou savoir lire les concepts. Le risque renvoie à un potentiel danger, l'impact, quant à lui, il faut pouvoir le mesurer. Ce qu'il faut retenir de façon très simple, est qu'il n'y a pas de risque zéro. On a des cas d'exemples oú on note des accidents de plateformes qui affectent généralement la biodiversité marine, mais touchent aussi les activités de pêche. Pour le cas du Sénégal, ce n'est pas encore enregistré, mais on peut s'y attendre.

Quels peuvent être les impacts de l'exploitation des gisements de Sangomar ?

Ils peuvent être liés à des pollutions marines. S'il y a déversement accidentel, souvent ça peut entraîner de multiples formes de pollutions dans le milieu marin récepteur. Dans le milieu marin et côtier, on y trouve souvent des espèces écosystémiques telles que la faune et la flore. L'importance, c'est aussi la pêche. Si le milieu est pollué, ça peut faciliter la migration de certaines espèces commerciales notamment les poissons pélagiques et demersales. Raison pour laquelle, l'Etat doit être vigilant, tout en veillant sur le contrôle de la gestion des déchets. On peut réussir l'industrie pétrolière si on prend les devants et surtout en minimisant les impacts.

La pêche, principale activité des insulaires, est-elle menacée ?

Déjà, on a constaté que les poissons se font rares. Est-ce que c'est lié au phénomène du changement climatique ou à la surexploitation ou à la pêche INN c'est-à-dire la pêche illégale, non règlementaire et non déclarée ? Ce sont des points qu'il faut souligner ! Ce qu'il faut retenir est que, jusqu'à présent, les pêcheurs rencontrent des difficultés par rapport à la disponibilité de certaines ressources halieutiques. Cette fois-ci, on a trouvé qu'il y a un nouveau secteur qui entre en jeu : le pétrole et le gaz. Non seulement les projets occupent de l'espace, même si c'est négligeable par rapport à l'étendue de la zone économique exclusive (ZEE) mais ils (projets) peuvent entraîner une réduction des aires de pêche et des activités potentielles de pêche.

Les éruptions de puits et les explosions de plateformes entrainent généralement plus d'impacts sur la biodiversité marine. Dans ce cas de figure, on aura du mal à contrôler le produit qui va se déverser en mer et naturellement cette pollution peut affecter le littoral et ses ressources. Il faut rappeler que les zones de nurseries se situent généralement sur le littoral, les zones potentielles de pêche quant à elles, se situent aussi sur les côtes, s'il n'y pas explosion de plateforme ou d'éruption de puits, chavirement de bateau ou d'une citerne. Par contre, on peut considérer qu'il y aura moins d'impacts si ces accidents surviennent en haute mer et que les moyens d'intervention pour limiter les dégâts n'accuseront pas de retard.

Sur la question liée aux impacts environnementaux, il faut mesurer deux points : le rejet opérationnel et les déversements accidentels. Le rejet opérationnel concerne les eaux de production, les déblais de forages, les boues de forage au niveau des plateformes. Si on parvient à gérer ces déchets, il peut y avoir moins de désastres écologiques durant les activités d'opérations. Face à cette situation, des défis sont à relever pour protéger les intérêts des communautés pêcheurs.

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