L'opération spéciale sur le terrain dans la région du Sud baptisée clinique anti-corruption a permis de rapprocher l'Institution des populations, d'encourager les dénonciations et « d'assurer la recherche des preuves au cours d'un temps donné dans cette partie du pays », a mentionné Dieudonné Massi Gam's, président de la commission nationale anti- corruption, Conac.
A la suite d'une dénonciation anonyme, c'est avec l'air quelque peu débité, qu'un responsable d'un établissement public de la ville d'Ebolowa dans la région du Sud s'est retrouvé face à un enquêteur de la commission nationale anti-corruption.
Sur la table de ce dernier, des documents pour clarifier le compte de gestion de l'année scolaire 2022- 2023 dudit établissement.
« Nous venons de recevoir l'intendant du lycée technique d'Ebolowa à la suite d'une dénonciation que nous avons reçue relative au détournement des frais exigibles, il s'agissait d'une dénonciation anonyme », explique sous anonymat, l'enquêteur de la Conac.
« Nous avons convoqué l'intendant et le proviseur du lycée technique pour qu'ils nous apportent des documents relatifs au paiement des frais exigibles afin que nous puissions vérifier les allégations d'actes de détournement », ajoute l'enquêteur, qui précise que «la dénonciation s'est avérée infondée».
Au bout de 5 jours, 54 dénonciations sur des actes présumés de corruption ont été enregistrées dont 8 dénonciations des populations ayant fait des déplacements vers l'équipe de la clinique anti-corruption de la Conac.
« La plupart des personnes reçues sont des personnes de 3ème âge, je ne sais pas pourquoi les jeunes de cette région ne dénoncent pas, mais dans l'ensemble nous recevons beaucoup plus les dénonciations sur les contrôles routiers liés au fait que les éléments de la police et de la gendarmerie prennent de l'argent aux usagers sans aucune raison », d'après un agent de la Conac ayant, lui aussi, requis l'anonymat.
Une policière a ainsi été prise en flagrant délit d'extorsion de la somme de 1OOO francs CFA sur la voie publique. « Nous sommes même déjà fatigués, si nous allons juste là au marché et que je gare ma moto à cet endroit, les agents de la commune viendront m'arrêter et ils vont demander une somme d'argent que nous leur donnons », confie Jean Bekaté, conducteur de moto taxi dans la ville d'Ebolowa.
Durant la clinique anti-corruption, un citoyen a dénoncé un responsable d'une brigade de gendarmerie dans la région du Sud surnommé « Monsieur 100 000 francs CFA », faisant allusion à la somme que ce dernier exige aux usagers conduits à la brigade.
Ce type de dénonciations a conduit à des descentes sur le terrain de l'équipe d'investigation. « Je vous prends le cas du pesage routier où certains camionneurs décident de fuir, nous avons interpellé certains en flagrant délit et ils ont payé les amendes y afférentes, mais nous sommes aussi sur les dossiers des marchés fictifs des cas des fonctionnaires qui abandonnent leur poste de travail », déclare un agent enquêteur de la Conac sous anonymat.
Cinq personnes ont été interpellées et mise à la disposition de la justice lors de cette opération « coup de poing». La Conac s'est par ailleurs auto-saisie d'un cas de corruption.
« Rester à Yaoundé ne permet pas de voir en réalité les problèmes sur le terrain, il vaut mieux descendre sur le terrain, entrer en contact avec la population, suivre de près ce qui se passe, avoir les preuves à la base; cela porte beaucoup de fruits parce que, quand nous descendons sur le terrain, nous avons une vingtaine, voire une trentaine (de cas de corruption, NDRL) ; cette méthode de rapprocher la Conac de la population porte fruits », se réjouit Dieudonné Massi Gam's, président de la commission nationale anti-corruption.
Le comité de coordination de la Conac envisage d'accroître la fréquence de cette opération «coup de poing» contre la corruption, qui pourrait passer à 3 fois par an.