Congo-Brazzaville: Bélinda Ayessa - « Le point où nous sommes aujourd'hui est le résultat des efforts conjugués de nombre de personnes »

interview

A l'occasion de la célébration de la Journée internationale des monuments et sites historiques, la directrice générale du mémorial Pierre-Savorgnan-de-Brazza, Bélinda Ayessa, a accordé une entrevue exclusive aux Dépêches de Brazzaville. Dans celle-ci, elle a mis un accent particulier sur l'importance des lieux de mémoire et leur rapport à l'histoire des peuples, ainsi que sur le travail titanesque qu'abat jour après jour son équipe au sein de ce haut lieu d'histoire qui totalise les dix-huit années de son érection.

Les Dépêches de Brazzaville (L.D.B.). : La communauté internationale vient de célébrer la Journée internationale des monuments et sites. Le mémorial Pierre-Savorgnan-de-Brazza étant l'un des monuments les plus en vue au Congo, sous quel signe aviez-vous célébré cet événement?

Bélinda Ayessa (B.A.). : La Journée internationale des monuments et sites, connue aussi sous l'appellation de la Journée du patrimoine mondial, est une occasion pour sensibiliser le monde à l'importance du patrimoine. Cette sensibilisation est d'autant plus nécessaire que le patrimoine mondial, dans sa diversité et ses caractéristiques, mérite protection et conservation. Le thème choisi pour cette année a été « Catastrophes et conflits à travers le prisme de la Charte de Venise » ; la Charte de Venise étant le cadre juridique qui définit et régule les orientations pour la préservation des monuments et sites historiques. Pour ce qui nous concerne plus directement, nous avons marqué cette journée par une démarche didactique et explicative au cours d'un entretien que nous avons accordé sur Télé Congo. Cela a été l'occasion de souligner l'importance des lieux de mémoire et leur rapport à l'histoire des peuples. Pour le mémorial Pierre-Savorgnan-de-Brazza, cela s'inscrit dans une continuation de ce qui se fait depuis son érection, c'est-à-dire créer le lien et le maintenir par une série d'activités destinées au grand public.

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L.D.B. : Un monument, si bien entretenu soit-il, est par conséquent un site touristique. Le mémorial Pierre-Savorgnan-de-Brazza étant un monument, comment fonctionne-t-il comme site touristique et quelle est son affluence en termes de visite ?

B.A. : Notre institution est avant tout un monument mémoriel, à la différence des autres sites ou monuments qui sont les vestiges d'une histoire glorieuse ou d'un passé fabuleux. A cet égard, le mémorial Pierre-Savorgnan-de-Brazza répond à une vocation, celle de participer à l'écriture de l'histoire de notre pays. Savoir que le fondateur de notre ville capitale y a sa dernière demeure est en soi un grand symbole autour duquel se décline une kyrielle d'activités. Cela concerne l'information historique, l'animation des ateliers culturels, l'organisation des rencontres scientifiques, tous les atouts qui participent de cette volonté de rester sur la ligne directrice de la vocation première du mémorial. Il y a un autre pan de nos activités qui est lié à la dynamisation des réseaux avec d'autres institutions muséales. Tout récemment, nous avons effectué une visite de travail au musée royal d'Afrique centrale à Tervuren, en Belgique. Nous nous préparons, d'ailleurs, à signer un accord de partenariat avec cette institution de référence dans la conservation des objets d'art d'Afrique.

L.D.B. : 3 octobre 2006- 3 octobre 2024, cela va faire exactement 18 ans que le mémorial Pierre-Savorgnan-de-Brazza a été inauguré par le président de la République, Denis Sassou N'Guesso, en compagnie de ses homologues du Gabon et de la Centrafrique. 18 ans après, quelle lecture faites-vous de ce qu'est devenu ce haut lieu de l'histoire et de la culture du Congo ?

B.A. : Difficile d'être à la fois juge et partie. D'autres que moi pourraient certainement gloser sur ce que vous appelez haut-lieu de l'histoire et de la culture de notre pays. Il se trouve que je suis moi-même témoin engagé de ce qui s'est réalisé ici depuis 18 ans. Je soulignerai en premier lieu le soutien jamais démenti qu'apporte le président de la République, Denis Sassou N'Guesso, pour le rayonnement de ce mémorial. Le point où nous en sommes aujourd'hui est aussi le résultat des efforts conjugués de nombre de personnes, institutions et partenaires. Sans fausse modestie, je puis esquisser une expression de satisfaction au regard de la prospérité qui fait l'objet de votre question. Même si l'heure n'est pas au bilan, l'on ne peut s'empêcher de regarder dans le rétroviseur et se rendre compte du chemin parcouru, de ce qui reste à accomplir.

L.D.B. : Le mémorial Pierre-Savorgnan-de-Brazza est devenu quasiment la plaque tournante de l'histoire et de la culture congolaises. Quel miracle aviez-vous opéré pour rendre cet espace aussi attractif ?

B.A. : Vous m'en créditez trop ! Je n'ai ni pouvoir ni mission de réaliser quelque action thaumaturgique. L'attractivité dont vous parlez est le résultat d'un travail patient qui a consisté principalement à communiquer et à expliquer. Nul n'ignore les interrogations ou même les incompréhensions entretenues de-ci de-là au moment où le mémorial était érigé puis inauguré. Peut-être que nombre de nos concitoyens n'avaient-ils pas perçu l'enjeu d'un tel édifice. Il fallait donc dissiper les malentendus tout en maintenant le trait de fidélité à la vocation du mémorial tel que le voulait le président de la République. Comme je l'ai évoqué plus haut, cette fidélité à la vocation supposait aussi qu'on s'armât d'une bonne dose d'audace, de créativité et de perspicacité. Je tiens à souligner enfin l'engagement de tous mes collaborateurs, chacun à son niveau, qui portent avec passion et détermination la mission que nous avons en commun.

L.D.B. : Depuis plusieurs années, le mémorial Pierre-Savorgnan-de-Brazza établit ou mieux signe des partenariats avec des institutions muséales. Quel(s) bénéfice(s) tire-t-il de tous ces partenariats ?

B.A. : L'ouverture envers des partenariats correspond à une démarche d'échange d'expériences. Cela permet de travailler en réseau et d'apprendre des autres. Puisqu'il s'agit d'institutions, cela obéit à une manière de faire qui nécessite l'établissement de cadre formel. Nous en tirons de nombreux bénéfices quant à la visibilité du mémorial au plan international, les possibilités de formation continue de notre personnel, l'activation des liens qui renforcent la diversité de nos activités, etc.

L.D.B. : Dans vos interventions vous parlez souvent de l'axe Brazzaville-Mbé. Qu'attendez-vous de cet axe ?

B.A. : L'évocation de l'axe Brazzaville-Mbé (capitale du grand royaume Téké) est la reconnaissance de deux localités représentant la trajectoire d'un lien intrinsèque entre le royaume Téké et la petite bourgade qui devint Brazzaville. Par-delà cette évocation onomastique, vous l'aurez compris, c'est la frange d'histoire de la rencontre entre Pierre Savorgnan de Brazza et le roi Ilo 1er, Makoko de Mbé. C'est un axe généalogique qui caractérise le temps des origines à partir duquel s'est ouverte la voie de la fécondité historique. Brazzaville et, par inscription mémorielle, le mémorial Pierre-Savorgnan-de-Brazza, sont l'aboutissement de cet axe.

L.D.B. : Quelles sont les perspectives qui se dessinent aujourd'hui pour le mémorial ?

B.A. : Il y a encore à faire. Je ne pourrai pas tout vous livrer ici. Mais je peux au moins souligner l'orientation prise avec détermination qui vise à inscrire le mémorial Pierre-Savorgnan-de-Brazza dans un réseau international. La recherche de partenaires étrangers va se poursuivre. Nous en savons tous les bienfaits. Cela ne ralentira pas ce qui se fait au quotidien, c'est-à-dire l'animation des activités déjà bien connues.

L.D.B. : Et pour terminer ?

B.A. : Un mot de remerciements à vous qui vous intéressez à ce qui se fait au mémorial et qui permettez, par le biais de cette interview, à vos nombreux lecteurs de se mettre ainsi au courant de nos activités. J'espère que nous aurons d'autres occasions pour éplucher les secteurs d'activités qui sont notre zone de confort.

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