Cameroun: Les attendus de la transition politique refondatrice

opinion

Pour les vrais patriotes et panafricanistes camerounais, le défunt Ahmadou Ahidjo n'était pas un bon président parce qu'il ne gérait pas le Cameroun selon les critères du nationalisme et du panafricanisme dont l'UPC, son opposant antagonique, était l'incarnation.

Et la principale caractéristique du nationalisme et du panfricanisme est le souverainisme. Le souverainisme pour un pays, c'est l'obsession chevillée au corps d'être non seulement soi-même, mais aussi de ne dépendre de personne et d'assumer pleinement et absolument son destin.

Ce n'est pas un slogan ou une vue de l'esprit, c'est vraiment une réalité qui se pense et se vit dans tous les domaines à tous les moments de la vie d'un pays. Si nous avions été un tant soit peu souverain dans ce sens-là, le Cameroun ne présenterait pas le visage qu'il donne aujourd'hui à voir, 74 ans après l'indépendance. Un pays où l'on ne trouve non seulement pas le moindre pont significatif traversant le plus petit cours d'eau, ou un modeste ouvrage d'art digne d'éloges, conçus et réalisés par les Camerounais eux-mêmes, qu'ils aient été formés dans les grandes écoles étrangères, mais encore moins, locales.

Un pays qui est manifestement encore obligé de solliciter des entreprises étrangères pour réaliser de simples travaux de bitumage de son propre réseau routier. Un pays enfin où la dépendance vis-à-vis de l'expertise étrangère est encore indispensable même dans un domaine comme le football pourtant l'opium des Camerounais, au point que le ministre des sports n'a pas récemment hésité un seul instant de remercier l'entraineur camerounais pour faire encore appel à un coach expatrié pour le management des lions indomptables. Un comble.

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Dans la différence qu'il y a, d'une part, entre la qualité et l'efficacité de la gestion de la chose publique, et, d'autre part, l'orientation politique patriotique de cette gestion, le différentiel ne portait donc pas au fond sur la qualité et l'efficacité, mais sur l'orientation et la nature politique idéologique de la gestion. Et sur la gestion de la chose publique, sous l'aune d'une orientation idéologique néo-libérale, le régime de l'ancien chef de l'État, à savoir le président Ahmadou Ahidjo, qui est resté aux affaires pendant 22 ans, avait des résultats et un bilan plutôt élogieux et relativement positif a présenter aux Camerounais. Ceci à un tel point qu'Il n'est pas étonnant que plus de quarante ans après sa démission, aujourd'hui encore la nostalgie de l'efficacité et de la qualité de la gestion des affaires trouve encore de nombreux aficionados dans notre pays.

Pour les mêmes vrais patriotes et panafricanistes camerounais, le président Paul Biya est un mauvais timonier, d'abord pour la même raison principale qui tient à la nature néo coloniale du régime qui n'a pas varié sur ce point depuis 1960. Un régime qui cependant depuis 1982, à la différence de celui de son prédécesseur, sur la qualité et l'efficacité de la gestion de la chose publique, s'est plutôt montré absolument défaillant et décevant.

Sur la base de ce qui précède donc, sur quoi va donc porter la transition refondatrice dont il est de plus en plus question au Cameroun, et qui sera une nécessité historique à l'issue de l'élection présidentielle d'octobre 2025 ? Bien évidemment pas sur la qualité et l'efficience de la gestion de la chose publique qui ne devraient au demeurant poser aucun problème puisque l'une des garanties que donnera l'équipe qui sera aux commandes pour organiser et administrer la transition, est non seulement d'être des patriotes avérés qui seront concrètement au service du peuple, mais d'être aussi et surtout composée d'hommes et de femmes dont le profil idéal devrait être :

1- de n'avoir JAMAIS collaboré avec le régime Unc-Rdpc

2- d'avoir un parcours militant et un savoir-faire politique et organisationnel attestés ;

3- d'avoir des compétences intellectuelles et/ou techniques

4- d'être d'une grande probité morale ;

5- de ne pas avoir de lien de dépendance vis-à-vis de puissances ou obédiences étrangères ;

6- d'avoir ses propres moyens de subsistance ;

7- et enfin, de s'engager à ne pas se mêler de politique 5 à 10 ans après la mission de transition refondatrice.

Placé à ce niveau d'exigence éthique et pratique, il serait surprenant que cette fois, les fruits ne tiennent pas la promesse des fleurs. A court, moyen et long termes, il s'entend bien évidemment, car la refondation du Cameroun s'inscrit dans une perspective historique et non pas uniquement dans l'administration des contingences des ambitions individuelles politiques du moment.

L'objet de la transition refondatrice va donc essentiellement porter sur la nature de l'orientation politique de la gestion de la chose publique, et sa boussole, sera le souverainisme.

Le Cameroun qui n'est pas encore indépendant au sens où l'entendent les nationalistes et les panafricanistes authentiques et souverainistes, va donc l'être réellement. Et cet indépendance va se matérialiser non seulement dans un certain nombre d'actes et d'actions politiques endogènes, mais aussi se manifester par l'observation d'une équidistance dans les rapports qu'il aura avec tous les pays non africains. Le Cameroun dans les faits sera au propre comme au figuré, uniquement la propriété des Camerounais dont il est la patrie, et des Africains dont il est l'un des territoires. A ce titre, la refondation dont il est question ne sera donc que le commencement d'une grande oeuvre qui dépasse les limites objectivement étroites de notre pays.

Jean-Pierre Djemba, 1er Vice-président du PSP/UPC (nommé par l'émérite et regretté Ngouo Woungly-Massaga Fondateur-Président national), potentiel candidat, par défaut ou par dépit, à l'élection présidentielle de 2025.

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